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Etude de l‟organisation de l‟écoulement à Kisingiri

Chapitre IV. Genèse et effets érosifs des écoulements sur les versants

4.2. Matériel et méthodes

4.3.2. Etude de l‟organisation de l‟écoulement à Kisingiri

C‟est un fait bien connu que routes, canaux et autres infrastructures contribuent à une réorganisation de l‟écoulement superficiel des eaux. Cela mène souvent à la concentration du ruissellement aux endroits où auparavant, il ne se posait aucun problème. Le problème vient surtout de la conséquence du fait que les routes et les fossés des deux côtés ont la capacité de véhiculer de grandes masses d‟eau, issues par exemple, d‟une pente latérale vers un point bas sur la route qui agit comme une corniche. La figure 4.11 illustre le contexte du ruissellement avant les réaménagements de la route (1) et après (2).

Figure 4.11. Influence du réaménagement de la route de Manguredjipa et modification de la direction du ruissellement.

croise la direction de l‟écoulement naturel change la situation. Il arrive des cas où les routes constituant la trajectoire de prédilection des eaux s‟incisent et modifient la route en ravine (Jungerius et al 2002 ; Nyssen et al, 2002). Dans d‟autres cas, les eaux sont relâchées latéralement à partir de ce point bas sur une pente raide qui ne possède aucune protection contre le potentiel érosif d‟un jet d‟eau dont l‟origine est entièrement artificielle. L‟ampleur devient considérable lorsque les aménagements des routes en terre instaurent des fossés sur les bords des routes sans prendre les précautions d‟aménager les caniveaux aux endroits appropriés. Les études de Moussa et al. (2002) montrent que les fossés accélèrent le ruissellement en concentrant les écoulements et en facilitant les connexions entre différentes unités hydrologiques du bassin versant. Il s‟ensuit, outre les autres conséquences du ruissellement, un déficit de recharge des nappes phréatiques (Chaib, 1977).

Dans cette partie de la thèse, nous analysons la réorganisation des écoulements au quartier de Kisingiri. Un enfant a été emporté et tué par un jet torrentiel de ruissellement causé par la concentration de l‟eau par la route ADB en D (Fig. 4.12).

Le contexte urbain et climatique des risques hydrologiques de la ville de Butembo (Nord -Kivu/RDC) 109

La figure 4.12 montre la partie du quartier de Kisingiri en question. La route ADB menant vers Mukuna occupe le flanc oriental d‟un cirque de source et suit grosso modo les courbes de niveau. Mais la route n‟est pas horizontale. Les points A et B sont deux points culminants et le point D est plus bas. La longueur de la route entre les points A et B est de 536 m. En bleu transparent est indiquée la surface drainée qui passe entre les points A et B. La surface drainée s‟étend jusque dans la vallée. En cas d‟absence totale de tissu urbain, on pourrait s‟imaginer un écoulement superficiel diffus à partir des sommets S1 et S2 et du col au point C vers la vallée, en passant par la section AB. En cas d‟écoulement parfaitement diffus, la section AB de 536 m de longueur drainerait donc la surface ADBS2CS1, qui est de 103941 m². 1 m de section devrait donc en principe drainer 194 m². Mais la présence de la route ADB qui croise la direction de l‟écoulement naturel, change la situation.

Figure 4.12. Réorganisation du ruissellement par les routes dans le bassin versant de Kisingiri à Butembo.

La Figure 4.12 montre comment la route ADB ne laisse pas passer le ruissellement mais le conduit selon les flèches rouges vers son point le plus bas en D d‟où il relâche les eaux librement sur une pente de 15°. Ainsi, la section transversale de passage du ruissellement se réduit à 2 m environ (Fig. 4.13). En tenant compte du fait que artificiellement la route AC

dévie (flèches bleu foncé) les eaux venant du sommet S1 vers la vallée V2 (Vatolya), la surface drainée par la section de 2 m en D (Kisingiri) se réduit à 71070 m², ou 35535 m² /m. Par cette configuration des routes, la surface drainée en D est donc montée de 194 m²/m à 35535 m²/m, c‟est à dire une multiplication par un facteur de 182.

Le caniveau qui est en train d‟être aménagé au niveau où se trouve un « pseudo col » va augmenter sensiblement la quantité d‟eau qui est déviée vers la vallée V1 (flèche rose). Ces travaux vont dramatiquement exacerber les risques de ravinement collinaire et auront des répercutions quasi irréversibles sur les ravinements progressifs.

En plus, on observe sur le terrain que les surfaces qui génèrent le plus de ruissellement sont les surfaces des routes durcies, leur capacité d‟infiltration étant sensiblement réduite. Un simple calcul permet de saisir que seule la production de ruissellement par la route peut générer en D un torrent ayant un débit considérable. La route étant large de 5 m au niveau de la section considérée, avec une longueur de 536, m signifie alors une surface de 2680 m². En prenant en considération le cas de la pluie du 6 octobre 2009 qui a provoqué une inondation dans les fonds de vallée, on arrive à une intensité moyenne de 70,2 mm en 150 minutes, ce qui signifie un apport de pluie sur la route de 0,008 l/s par m² du tronçon de route considéré, ou encore 20,9 l/s de débit en D.

Etant donné que pendant la première partie de la pluie on a probablement atteint des intensités de l‟ordre de 200mm/h, on arrive à un débit de pic en D pendant la partie la plus intense de l‟orage, soit 150 l/s. Il s‟agit ici seulement de la contribution par la surface de la route. A cela il faut ajouter le ruissellement généré par la surface de drainage entre la route ADB et AC. Cette surface est de 71070 m². En admettant un taux d‟écoulement de 10%, ce qui n‟est certainement pas une exagération pour un quartier plein de routes et de parcelles habitées, on peut déduire que la contribution de cette surface pendant la tranche de l‟orage de 200mm/h, était de 395 l/s. On comprend donc que le débit au point D de débordement peut facilement atteindre les 500 l/s, ce qui suffit pour emporter un enfant ou creuser des marmites dans le sol.

La figure 4.13 présente la situation de collecte d‟eau par les routes à Kisingiri immédiatement en amont de la rue dans laquelle s‟engouffrent les eaux de ruissellement. La route à ce niveau fonctionne comme une corniche.

Le contexte urbain et climatique des risques hydrologiques de la ville de Butembo (Nord -Kivu/RDC) 111 Figure 4. 13. Route Kisingiri-Mukuna : point de débordement de la route fonctionnant en corniche.

Il est à noter que sur la figure 4.13, la route AC drainant une partie du bassin original de la vallée V1 vers la vallée V2 fonctionne en fait comme „corniche‟ du sommet S1et relâche ses eaux au pied de colline, une situation typique de „col‟, quoique dans ce cas-ci, il ne s‟agit pas d‟un vrai col puisqu‟il n‟y a plus de colline du côté Ouest de l‟endroit où les eaux dévalent dans la vallée (flèches bleu foncé à la Figure 4.12).

Actuellement, le caniveau a modifié cet écoulement et toutes les eaux de ruissellement sont canalisées vers la vallée V1 (Kisingiri) (flèche violette). Les dégâts sont déjà bien manifestes aussi bien sur le versant de la colline (érosion progressive) par la formation des marmites, que dans la vallée de Kisingiri par érosion régressive.

Les autres sites similaires à la base des érosions progressives catastrophiques se trouvent sur les collines de Ngere et sur l‟axe Abattoir-Katsya (Fig.4.14).

Figure 4.14. Ravines collinaires liées au ruissellement torrentiel. a). Colline de Ngere ; b). Axe routier Abattoir-Katsya à la latitude de Kasongomi.