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Chapitre II : Cadre physique et contexte phytosociologique

2.2. Climat, sols et végétation

2.2.3. Contexte phytosociologique

La végétation originelle de Butembo disparue suite à l‟action anthropique a laissé place à des groupements rudéraux herbacés, adventices post culturaux et des espèces ligneuses exotiques (Eucalyptus sp., Grevillea roubusta, etc.) (Kataomba et al., 2010). La contrée a subi depuis trois siècles une déforestation systématique si bien que la forêt climacique de montagne ne subsiste que dans quelques cantons sous-peuplés ainsi que sur les quelques sommets des massifs isolés (Kasay, 1988). Déjà, Claessens (1929) avait constaté la rareté des ligneux dans la contrée de haute altitude située entre Butembo et Lubero. Cette rareté du combustible ligneux, remarquée au début du siècle dernier, se fait encore

cruellement sentir aujourd‟hui. L‟observation des photographies aériennes de 1957 dénote d‟un milieu fortement dénudé. Cependant, une forêt relique peut être observée dans la réserve de l‟ITAV constituant ainsi l‟unique lambeau de forêt primaire à Butembo.

Une étude menée par Kataomba et al. (2010) révèle que 72 espèces de mauvaises herbes ont été identifiées dans 4 grandes concessions. Elles étaient réparties en 37 familles et 63 genres dont les herbacées constituaient la majorité (85%). Des 14 familles les plus importantes constituant la flore, on peut citer par ordre décroissant : Asteraceae (17%) ; Poaceae (7%) ; Malvaceae et Rubiaceae (5,5%) ainsi que Apiaceae ; Lamiaceae…

La figure 2.10 illustre la dominance des Eucalyptus à travers la ville et la forte anthropisation autour de la réserve forestière de l‟ITAV vers Nduko.

Figure 2.10. Quelques formations végétales dans la ville de Butembo

a). Eucalyptus dans le paysage urbain de Butembo ; b). Prise d‟écran sur image

Quickbird du 18 avril 2005 : Réserve de l‟ITAV à Nduko sous l‟effet de l‟anthropisation liée au développement urbain.

En rapport avec le reboisement, une partie de la population, consciente des risques encourus, s‟est investie dans l‟effort de reforestation. Toutefois, pressés par le besoin, la quasi-totalité des intervenants ont porté leur choix uniquement sur les essences exotiques à croissance rapide. Ainsi, la contrée est-elle, à quelques exceptions près, entièrement couverte de peuplements d‟Eucalyptus, créant ainsi l‟uniformité génétique dont les conséquences à long terme peuvent être graves.

Il y a lieu de noter en l‟occurrence, en termes de toxicologie environnementale, que les Eucalyptus sont utilisés pour assécher les marécages et pour pomper l‟eau des zones dans lesquelles les glissements de terrain et les éboulements sont fréquents (Harmand, 1998). Néanmoins, outre le risque inhérent à l‟uniformité génétique, certaines observations suggèrent que les Eucalyptus affecteraient négativement la réserve trophique du sol et contribueraient à

Le contexte urbain et climatique des risques hydrologiques de la ville de Butembo (Nord-Kivu/RDC) 63 son dessèchement (Njoukam, 1995). Les baisses de teneur en carbone sous culture continue d’Eucalyptus s‟accompagnent d‟une baisse significative de CEC (capacité d‟échange cationique). Après 6 ans de plantation d‟Eucalyptus, Harmand (1998) a observé une évolution plutôt défavorable des caractéristiques du sol, avec une mauvaise incorporation de la litière du sol sous forme de débris végétaux et une plus faible porosité du sol que dans les autres jachères.

Etant donné son manque d‟effet favorable sur la matière organique et la porosité du sol, ayant des conséquences néfastes sur le démarrage des cultures suivantes dans les parcelles, Eucalyptus camaldulensis n‟est pas recommandable en jachère de courte durée et doit plutôt être installé sur les sols peu propices à l‟agriculture (Hien, 1996).

Dans les plantations d‟Eucalyptus au Congo, les vers de terre n‟apparaissent qu‟à partir d‟une douzaine d‟années (Harmand, 1998) alors qu‟ils participeraient à la macroagrégation du sol par leurs déjections sous forme de terricules. Les vers de terre participent activement au cycle de la matière organique et des nutriments (Lavelle et al., 1989). Les effets défavorables des jeunes plantations d’Eucalyptus sur le statut organominéral du sol ont déjà été évoqués par différents auteurs : Pochon et al. (1959) au Maroc, Bernard- Reversat (1987) au Sénégal, Jamet (1975), Bernard-Reversat en 1991, 1993, 1996 et Loubelo (1990) au Congo, Toky et Singh (1993) en Inde, King et Campbell (1994) au Zimbabwe.

La dégradation du statut organique du sol sous de jeunes plantations serait due à l‟augmentation de la minéralomasse de la matière organique initiale induite par l‟afforestation et ces pertes ne seraient compensées que lentement par des apports liés à la décomposition des litières. L‟acidification du sol serait due à l‟apport d‟acides organiques par la minéralisation et au fort prélèvement d‟éléments minéraux par des ligneux abaissant la somme des cations échangeables (Ohta, 1990). Le pH des percolats identifie l‟Eucalyptus avec des pH acides (5,4). Les polyphénols solubles exerceraient un blocage de minéralisation de l‟azote dans les litières et dans le sol (Swift et al., 1979; Uguen, 1996).

La litière d’Eucalyptus ne s‟incorpore pas au sol sous forme de débris végétaux, au moins au cours des 7 premières années (Harmand, 1998). Cette litière présente de nombreux caractères de décomposition lente et d‟incorporation au sol, pour une part, sous forme de composés hydrosolubles peu dégradables. La forte acidité des percolats peut contribuer à

désaturer le complexe adsorbant du sol (Bernard-Reversat, 1993) et ne favoriserait pas la croissance de la strate inférieure.

L‟introduction d‟arbres à croissance rapide dans la jachère modifie les facteurs hydriques en particulier le stock d‟eau du sol dans le sens d‟un plus fort assèchement. Cette modification est induite par l‟augmentation de l‟ETR (évapotranspiration réelle) liée à la plus forte production de biomasse primaire des jachères arborées (Millet, 1994). A l‟échelle annuelle, l’Eucalyptus, prolonge son activité végétative en saison sèche et étant donné sa capacité à transpirer, il épuise les réserves hydriques du sol (Eyog Matig et Dreyer, 1991), Eyog Matig, 1993). Les quantités d‟azote recyclées par la litière sont les plus faibles chez l’Eucalyptus à cause d‟une faible vitesse de décomposition et d‟une forte rétention dans la litière (Harmand, 1998).

D‟autres essences comme Leucaena leucocephala, Calliandra calothyrsus, Albizia sp., Eurythrina sp., Grevillea robusta sont aussi utilisées avec des effets améliorant la fertilité du sol dans beaucoup de régions. Ces espèces ont été introduites récemment en région de Beni- Lubero.

Il s‟agit là d‟une problématique agroforestière dont il faudra tenir compte dans la région si l‟on veut intégrer les notions de toxicologie environnementale dans la gestion du territoire urbain de Butembo.

La figure 2.11 illustre l‟association des cultures (maïs, haricot) avec l’Eucalyptus, une pratique agroforestière très utilisée dans la contrée. Il y a donc lieu de se poser des questions sur la durabilité de telles pratiques dans un contexte d‟exiguïté de terres agricoles inversement proportionnelle à l‟explosion démographique.

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Figure 2.11. Pratique agroforestière à Butembo (association maïs-haricot-Eucalyptus sp.)

Après avoir analysé le contexte physique de la région, il s‟avère utile de se rendre compte de l‟évolution des événements pluviométriques qui apportent de l‟eau aux bassins versants dont le relief est accidenté. Ces deux aspects y compris les autres (occupation du sol…) qui sont développés dans ce travail apportent des arguments sur la compréhension de l‟évolution du ruissellement.

Chapitre troisième

Evolution des caractéristiques pluviométriques dans la

zone urbaine de Butembo de 1957 à 2010.

Chapitre III. Evolution des caractéristiques pluviométriques dans la zone