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Dans notre approche, expos´ee au Chap. 26, il s’agit de r´esoudre cinq ´equations elliptiques (deux scalaires et une vectorielle) avec conditions aux contours sur deux sph`eres (les horizons des trous noirs) et `a l’infini spatial. Pour ce faire, nous avons employ´e une m´ethode spectrale multi-domaine avec deux jeux de domaines sph´eriques, chacun centr´e sur un des deux trous noirs. Cette m´ethode est semblable `a celle employ´ee pour les syst`emes binaires d’´etoiles `a neutrons (Chap. 21), sauf qu’´etant donn´e que dans nos coordonn´ees les gorges/horizons de chaque trou noir sont exactement sph´eriques, il n’est pas n´ecessaire d’effectuer une d´eformation des domaines au del`a de la sph`ere.

Le code num´erique a ´et´e ´ecrit avec Lorene (Chap. 31) par Philippe Grandcl´ement, lors de sa th`ese de doctorat [151]. Tout comme pour le code pour les ´etoiles `a neutrons binaires (§ 21.3), nous avons effectu´e de nombreux tests, qui vont de la comparaison avec la solution de Schwarzschild pour un trou noir isol´e statique `a l’obtention de la troisi`eme loi de Kepler lorsque les deux trous noirs sont tr`es ´eloign´es.

Le syst`eme d’´equations elliptiques non-lin´eaires pr´esent´e au Chap. 26 est r´esolu par it´erations, en traitant `a chaque pas les ´equations comme des ´equations de Poisson. A un pas donn´e le syst`eme apparaˆıt alors surd´etermin´e, car les conditions d’isom´etrie et de r´egularit´e sur les horizons sont plus nombreuses que le nombre de conditions au contour que l’on peut mettre sur les ´equations de Poisson. Cela apparaˆıt en fait pour l’´equation de contrainte impulsionnelle que l’on r´esout pour le vecteur shift (Eq. (4) de [A27]). Pour traiter ce probl`eme, nous calculons le shift suivant

496 R´esultats num´eriques pour les trous noirs binaires en orbite circulaire

o`u βcontr est la solution de l’´equation de contrainte impulsionnelle (`a un pas donn´e) et βcor est un terme “correctif” qui assure que β satisfasse aux conditions de r´egularit´e et d’isom´etrie. Pour obtenir une solution acceptable du probl`eme βcordoit tendre vers z´ero `a la fin de l’it´eration (solution exacte), ou au moins ˆetre petit (solution approch´ee). Pour un trou noir isol´e en rotation,

βcor → 0 (Fig. 3 et 4 de [A27]) et l’on obtient une solution exacte du syst`eme1. Par contre, pour un syst`eme binaire βcor ne tend pas vers z´ero en fin d’it´eration. Mais il reste tr`es petit :

cor| ∼ 8 × 10−4|β| `a la derni`ere orbite stable (Fig. 10 de [A27]). La solution num´erique

viole donc tr`es l´eg`erement l’´equation de contrainte impulsionnelle. Pour jauger de l’effet de cette violation, nous avons compar´e les valeurs du moment cin´etique total J donn´ees par deux int´egrales de surface : la premi`ere sur les horizons des trous noirs, la deuxi`eme `a l’infini spatial. Ces deux int´egrales sont ´egales si l’´equation de contrainte impulsionnelle est v´erifi´ee dans tout l’espace. Nous avons trouv´e une diff´erence de 2% `a la derni`ere orbite stable (Fig. 10 de [A27]). Cette erreur nous semble tout `a fait acceptable car du mˆeme ordre de grandeur, voire inf´erieure, `a d’autres erreurs induites par notre traitement du probl`eme physique, comme l’approximation de m´etrique spatiale conform´ement plate. Rappelons qu’avant nos travaux, il y avait un d´esaccord de 100 % sur la position de la derni`ere orbite stable entre les r´esultats num´eriques et les r´esultats post-newtoniens. Notre objectif ´etait d’obtenir une solution approch´ee du probl`eme des derni`eres orbites des trous noirs binaires `a quelques pourcents pr`es.

Nous avons calcul´e une s´equence d’´evolution d’un syst`eme binaire de trous noirs en orbite circulaire en stipulant que le long de la s´equence la masse ADM du syst`eme, M , et le moment cin´etique total, J, doivent ´evoluer selon

dM = Ω dJ. (27.2)

Cette prescription fixe sans univoque la s´equence. Nous l’avons utilis´e en lieu et place de la constance du nombre baryonique pour les ´etoiles `a neutrons binaires (§ 22.2.2 et § 24.2), parce que l’´energie et le moment cin´etique emport´e par les ondes gravitationnelles v´erifient dE = Ω dJ, au moins `a l’ordre quadrupolaire. En vertu du “premier principe de la thermodynamique des trous noirs binaires” ´etabli r´ecemment par J.L. Friedman, K. Uryu & M. Shibata [135], la relation (27.2) est ´equivalente `a la constance des aires des horizons le long de la s´equence. Comme nous n’imposons pas cette derni`ere lors de la proc´edure num´erique, nous obtenons l`a une possibilit´e de test int´eressante. Comme on le voit sur la Fig. 19 de [A27], l’aire des horizons est conserv´ee `a 3 × 10−4 pr`es jusqu’`a la derni`ere orbite stable. Il s’agit l`a d’un test tr`es fort de toute notre proc´edure.

Le r´esultat principal de l’article [A27] a ´et´e la d´etermination de la derni`ere orbite stable (ISCO, cf. pages 350 et 404) pour un syst`eme binaire de deux trous noirs en orbites circulaires. Nous avons obtenu

ISCO = 160

20 M¯

Mir Hz , (27.3)

o`u Mird´esigne la somme des masses des deux trous noirs. Rappelons que la fr´equence fondamen-tale des ondes gravitationnelles correspondantes est le double de cette fr´equence, soit 320 Hz pour deux trous noirs de 10 M¯ chacun. La fr´equence ainsi obtenue est en tr`es bon accord avec les r´esultats analytiques post-newtoniens `a l’ordre 3 (3PN), contrairement aux r´esultats num´eriques pr´ec´edents, issus de la m´ethode du “potentiel effectif” avec courbure extrins`eque de Bowen-York.

1Il ne s’agit cependant pas de la solution de Kerr en raison de l’approximation de m´etrique spatiale conform´ement plate (Fig. 6 de [A27])

27.3 D´eveloppements ult´erieurs 497 2 4 6 8 10

d / M

irr

= (Ω M

irr

)

-2/3 0.8 1 1.2 1.4 1.6 1.8 2

4 J

1/3

M

irr -5/3

Kepler’s Third Law (Newtonian)

ISCO

HKV (Grandclément et al. 2002) 3PN corot (Blanchet 2002) 3PN irrot (Blanchet 2002)

Fig. 27.1 –Variation de la quantit´e 4JΩ1/3Mirr−5/3en fonction de l’indicateur de distance (ΩMirr)−2/3pour les r´esultats num´eriques pr´esent´es dans [A27] et les r´esultats post-newtoniens `a l’ordre 3.

27.3 D´eveloppements ult´erieurs

Comme test de la m´ethode de calcul, nous avons essay´e de retrouver la troisi`eme loi de Kepler lorsque les trous sont tr`es s´epar´es. Nous avons form´e la quantit´e sans dimension 4JΩ1/3M−5/3qui vaut 1 `a la limite newtonienne, en vertu de la troisi`eme loi de Kepler pour des orbites circulaires. La variation de cette quantit´e avec la distance entre les trous noirs est repr´esent´ee sur la Fig. 12 de [A27]. Pour la plus grande s´eparations calcul´ee, l’´ecart avec la valeur newtonienne est encore de 15%, ce qui n’est pas tr`es contraignant pour le code num´erique. Par contre, nous avons depuis effectu´e la comparaison avec la valeur post-newtonienne `a l’ordre 3, fournie par Luc Blanchet `a partir des r´esultats pr´esent´es dans [60]. Comme on le voit sur la Fig. 27.1 l’accord avec le 3PN est excellent `a grande distance. En particulier, cela montre que l’excentricit´e des orbites est nulle, ou du moins tr`es petite (cf. l’objection de T. Mora & C.M. Will discut´ee au § 26.3). En effet la quantit´e 4JΩ1/3M−5/3 d´epend de l’excentricit´e des orbites.

La comparaison d´etaill´ee des r´esultats num´eriques pr´esent´es ici avec les pr´edictions post-newtoniennes a ´et´e effectu´ee par L. Blanchet [60] et par nous [A28]. Elle fera l’objet du Chap. 28. Enfin, r´ecemment, H.P. Pfeiffer, G.B. Cook & S.A. Teukolsky [228] ont r´esolu le probl`eme des conditions initiales pour deux trous noirs (c’est-`a-dire les quatre ´equations de contrainte) avec une m´etrique spatiale qui n’est pas conforme `a la m´etrique plate mais `a une superposition de deux m´etriques de Kerr-Schild. Ils ont compar´e plusieurs d´ecompositions des ´equations de contrainte, dont le traitement en “sandwich fin conforme” mentionn´e au § 26.3. Cependant, ils n’ont pas calcul´e de configurations en orbite circulaire.

Chapitre 28

Comparaison avec les r´esultats

post-newtoniens

28.1 Les diff´erentes approches post-newtoniennes

La m´ethode post-newtonienne consiste `a d´evelopper les ´equations de la relativit´e g´en´erale en puissances du petit param`etre

² ∼ GM c2r

v2

c2, (28.1)

o`u M est la masse totale du syst`eme binaire, r la s´eparation entre les deux composantes et v la vitesse orbitale (cf. [61] pour une revue). L’´etat de l’art est actuellement le d´eveloppement `a l’ordre 3. Il a ´et´e obtenu par deux groupes, utilisant deux techniques diff´erentes :

• le d´eveloppement en s´erie de Taylor des ´equations ´ecrites en coordonn´ees harmoniques

(L. Blanchet & G. Faye [63])

• un traitement hamiltonien dans le cadre du formalisme canonique Arnowitt-Deser-Misner

(T. Damour, P. Jaranowski & G. Sch¨afer [111, 112])

Il a ´et´e montr´e que le d´eveloppement post-newtonien converge tr`es mal dans le cas d’un syst`eme binaire constitu´e par deux masses tr`es diff´erentes, disons m1 ¿ m2. Dans ce cas on peut en effet comparer la solution post-newtonienne avec la solution exacte qui est celle du mouvement de m1 dans la m´etrique de Schwarzschild g´en´er´ee par m2. Bien que l’on puisse arguer que ce mauvais comportement ne s’´etend sans doute pas au cas des masses comparables [62], A. Buonanno & T. Damour [81, 82] ont introduit une m´ethode de resommation du d´eveloppement post-newtonien qui redonne la limite de Schwarzschild dans le cas m1 ¿ m2 : il s’agit de la m´ethode effective `a un corps (effective one body ou EOB). L’id´ee de base est de r´eduire l’´etude du probl`eme `a deux corps `a un probl`eme `a un corps.