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Toutes les ´etudes relativistes de syst`emes binaires d’´etoiles `a neutrons jusqu’`a 1997 reposaient sur des syst`emes en rotation synchrone (on dit ´egalement corotation) [48, 49, 212]. Comme nous l’avons dit ci-dessus, il ne s’agit pas d’un ´etat de rotation r´ealiste. Il avait n´eanmoins ´et´e utilis´e

20.3 Notre ´etude de 1997 [A20] 357 car l’hydrodynamique est alors tr`es simple : en se pla¸cant dans le r´ef´erentiel co-orbitant la vitesse du fluide est nulle. On a alors une int´egrale premi`ere de l’´equation d’Euler, en suivant le raisonnement pr´esent´e au § 1.4.3, qui s’applique tout `a fait ici puisque la 4-vitesse du fluide est parall`ele au vecteur de Killing h´elico¨ıdal dans le cas d’une rotation synchrone. Mˆeme dans le cadre newtonien, les seuls calculs de configurations non-synchrones ant´erieurs `a 1997 ´etaient ceux de configurations en contre-rotation effectu´es en 1991 par S. Bonazzola & J.-A. Marck et publi´es dans [2]. Toujours dans le cadre newtonien, mais avec en plus l’approximation ellipso¨ıdale1, les seuls calculs existants ´etaient ceux de M.L. Aizenman en 1968 [28] (cas incompressible) et ceux de D. Lai, F.A. Rasio & S.L. Shapiro en 1994 [195]. Ces derniers ont ´et´e ´etendus aux premi`eres corrections post-newtoniennes par J.C. Lombardi, F.A. Rasio & S.L. Shapiro en 1997 [205].

Dans l’article [A20], nous avons entrepris l’´etude d’un syst`eme binaire relativiste dans l’ap-proximation de quasi-´equilibre (c’est-`a-dire en supposant la sym´etrie h´elico¨ıdale), pour des ´etats de rotation diff´erents de la rotation synchrone, en particulier pour l’´etat de contre-rotation d´ecrit par (20.4). En partant des ´equations de l’hydrodynamique relativiste sous la forme de Carter-Lichnerowicz (Eq. (1.14), § 1.4.3), nous avons montr´e que l’´ecoulement fluide doit ob´eir aux ´equations suivantes (Eqs. (35), (43) et (44) de [A20]) :

∇ ·V+V· ∇ ln(nΓ) = 0, (20.5)

(∇ ∧V+ 2Ωorb) ∧V+ (V·V)∇Φ − (V· ∇Φ)V= −Γ−2∇(H + Φ + ln Γ). (20.6) Dans ces ´equations, ∇ d´esigne la d´erivation covariante associ´ee `a la m´etrique d’espace-temps et ∇∧ le produit vectoriel dans les hyperplans propres de l’observateur co-orbitant ;Vest la 3-vitesse du fluide par rapport `a l’observateur co-orbitant et Γ le facteur de Lorentz correspondant ;

n est la densit´e baryonique dans le r´ef´erentiel du fluide ; Φ est une quantit´e purement m´etrique qui

(i) dans le cas relativiste relie la 4-vitesse v de l’observateur co-orbitant au vecteur de Killing h´elico¨ıdal ` par v = e−Φ` et (ii) `a la limite newtonienne se r´eduit `a la somme du potentiel

gravitationnel et du potentiel centrifuge ; Ωorb est le 4-vecteur rotation de l’observateur co-orbitant (vitesse angulaire orbitale, cf. § 20.1)2; H d´esigne la log-enthalpie du fluide, d´efinie par l’´equation (6.1).

L’´equation (20.5) n’est autre que l’expression de la conservation du nombre baryonique. L’´equation (20.6) est la version relativiste de l’´equation de Crocco en r´egime stationnaire dans un r´ef´erentiel tournant (cf. par exemple § 3.1.2 de [245]).

Le cas de la rotation synchrone s’obtient tr`es simplement en faisant V = 0 dans le syst`eme (20.5)-(20.6). On r´e-obtient alors l’int´egrale premi`ere (1.22) du § 1.4.3 sous la forme H + Φ = const.

Dans [A20], nous avons d´efini l’´etat de contre-rotation en posant (Eqs. (44) et (49) de [A20])

H + Φ + ln Γ = const. (20.7)

Le membre de droite de l’Eq. (20.6) est alors z´ero. Nous avons alors montr´e comment r´eduire la r´esolution de (20.6) `a une ´equation de Poisson vectorielle et celle de (20.5) `a une ´equation elliptique scalaire, en d´ecomposantV `a l’aide d’un potentiel vecteur et d’un potentiel scalaire.

1L’approximation ellipso¨ıdale consiste `a supposer que les surfaces isobares de chaque ´etoile sont des ellipso¨ıdes homoth´etiques entre eux, ce qui est toujours faux pour des syst`emes binaires, mˆeme dans le cas incompressible, contrairement au cas des corps isol´es en rotation discut´es au § 17.2.

358 Syst`emes binaires relativistes en rotation non-synchrone

20.4 D´eveloppements ult´erieurs

20.4.1 Une petite correction

Imm´ediatement apr`es la publication de notre article, H. Asada, de l’Universit´e d’Hirosaki, au Japon [40], a remarqu´e que la condition (20.7) n’´etait pas suffisante pour d´eterminer uni-voquement le champ de vitesse dans l’´etoile. En r´e´ecrivant l’´equation de Crocco (20.6) sous la

forme h

eΦ∇ ∧ (e−ΦV) + 2ΩorbiV= −Γ−2∇(H + Φ + ln Γ), (20.8) Asada a propos´e de d´efinir le mouvement de contre-rotation par la condition vectorielle :

1 2e

Φ∇ ∧ (e−ΦV) = −Ωorb. (20.9)

Notons que notre “d´efinition” (20.7) de la contre-rotation apparaˆıt alors comme une cons´equence de cette nouvelle d´efinition, comme on le voit imm´ediatement en reportant (20.9) dans (20.8). A la limite newtonienne, la d´efinition (20.9) redonne directement l’expression (20.4). H. Asada [40] a ´egalement montr´e que la d´efinition (20.9) implique l’irrotationnalit´e de l’´ecoulement du fluide, au sens relativiste du terme, c’est-`a-dire un ´ecoulement dont la 2-forme de vorticit´e, d´efinie par l’Eq. (1.17), s’annule :

∇ ∧ (hu) = 0. (20.10)

Dans cette ´equation, u d´esigne la 4-vitesse du fluide et h l’enthalpie sp´ecifique, reli´ee `a la log-enthalpie H par h = exp(H). Notons que, dans la discussion du § 20.1, la condition d’irro-tationalit´e s’´ecrit ω = 0, ce qui report´e dans (20.2) conduit bien `a la contre-rotation exprim´ee par l’Eq. (20.4).

20.4.2 Une grosse am´elioration

En 1998, inspir´e par notre article (selon ses propres termes), S.A. Teukolsky [272] a grande-ment simplifi´e le traitegrande-ment du probl`eme en partant de l’aspect irrotationnel (Eq. (20.10)), plutˆot que de l’aspect contre-rotation (Eq. (20.9)). Au mˆeme moment et de mani`ere ind´ependante, M. Shibata [254] d´eveloppait le mˆeme point de vue et obtenait une formulation ´equivalente. La re-marque de base de Teukolsky et Shibata est que l’´equation d’irrotationalit´e (20.10) est beaucoup plus simple `a r´esoudre que l’´equation de contre-rotation (20.9) : il suffit en effet de poser que l’´ecoulement fluide soit potentiel, c’est-`a-dire d’introduire un champ scalaire Ψ tel que

hu= ∇Ψ, (20.11)

pour que (20.10) soit automatiquement r´esolue (en vertu du th´eor`eme de Schwarz). Le champ de vitesse est alors enti`erement d´ecrit par le scalaire Ψ, pour lequel on a seulement `a r´esoudre l’´equation de continuit´e ∇ · (n/h ∇Ψ) = 0. La simplification par rapport au formalisme de notre article [A20] est consid´erable. De notre cˆot´e, nous avons dans [A21, A24] quelque peu simplifi´e la d´erivation de l’int´egrale premi`ere par rapport `a la d´emonstration donn´ee par Shibata, ainsi que nous le verrons au chapitre suivant.

20.4.3 Une plus jolie d´efinition

En 2002 J.L. Friedman, K. Uryu & M. Shibata [135] ont donn´e une d´efinition de la sym´etrie

20.4 D´eveloppements ult´erieurs 359 introduit le mot h´elico¨ıdal3 Alors que notre d´efinition faisait appel `a une d´ecomposition du vecteur de Killing ` en deux vecteurs (Eq. (2) de [A20]), celle de Friedman, Uryu & Shibata ne consid`ere que les lignes de champ du vecteur ` (les orbites du groupe de sym´etrie). Elles sont de genre espace au del`a du “cylindre de lumi`ere”, mais si on les suit suffisamment, on se retrouve s´epar´e du point de d´epart par une courbe de genre temps. C’est cette propri´et´e qui d´efinit un vecteur de Killing h´elico¨ıdal. Notre d´efinition implique celle de Friedman, Uryu & Shibata, mais il pourrait exister des cas “pathologiques” o`u elle ne s’applique pas. Ainsi, non seulement la d´efinition de Friedman, Uryu & Shibata est plus jolie, mais en plus elle est plus g´en´erale.

3Dans l’article [A20], r´edig´e en Anglais, nous avions utilis´e le terme helicoidal, ce qui n’est pas tr`es anglais mais avait ´et´e accept´e par l’´editeur de Phys. Rev. D. D’un commun accord avec J. Friedman, nous avons d´ecid´e depuis de l’appeler helical, qui est la traduction anglaise correcte d’h´elico¨ıdal.

Chapitre 21

M´ethode et code num´erique pour les

´etoiles binaires relativistes

21.1 Introduction

Au chapitre pr´ec´edent nous avons vu que les derni`eres orbites des syst`emes binaires d’´etoiles `a neutrons devaient ˆetre repr´esent´ees par des configurations en contre-rotation plutˆot qu’en rotation synchrone. Nous avons ´egalement vu que la contre-rotation ´etait ´equivalente `a l’irro-tationalit´e de l’´ecoulement fluide et que ce dernier point de vue, adopt´e par Teukolsky [272] et Shibata [254], simplifie grandement le traitement du probl`eme. Pour cette raison nous avons repris le formalisme irrotationnel dans tous nos travaux ult´erieurs sur le sujet. Ce chapitre, bas´e sur l’article [A21], d´ecrit la m´ethode employ´ee pour calculer les configurations de quasi-´equilibre des syst`emes binaires irrotationnels dans les derni`eres orbites de la phase de spirale, ainsi que le code num´erique construit sur cette m´ethode.