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Etoiles binaires en r´egime

newtonien : cas des masses

identiques

22.1 Introduction

Nous avons utilis´e le code d´ecrit au Chap. 21 pour calculer des configurations de syst`emes binaires en gravitation newtonienne. Le code a en effet ´et´e ´ecrit pour fonctionner aussi bien en r´egime newtonien que relativiste. On fixe simplement le cadre `a utiliser en d´ebut de calcul.

L’int´erˆet d’effectuer une ´etude newtonienne va au del`a du simple test de la limite newto-nienne d’un code relativiste. En effet, peu de calculs de configurations binaires d’´etoiles fluides compressibles ont ´et´e effectu´es sans approximation (autre que l’“approximation” num´erique), et ce mˆeme en r´egime newtonien. Dans le cas de la rotation synchrone, les premiers calculs d’´etoiles binaires polytropiques ont ´et´e effectu´es par I. Hachisu & Y. Eriguchi en 1984 [154]. Il s’agissait de deux ´etoiles de mˆeme masse et d’indice adiabatique variant de γ = 5/3 `a γ = ∞ (fluide incompressible). Des calculs plus r´ecents ont ´et´e effectu´es par M. Shibata, K. Taniguchi & T. Nakamura [260] en 1997. Dans le cas du mouvement irrotationnel (cf. la discussion du

§ 20.1), les seuls calculs effectu´es avant notre ´etude ´etaient ceux de S. Bonazzola & J.-A. Marck

en 1991 pour une seule configuration, publi´ee dans [2], et ceux de K. Uryu & Y. Eriguchi en 1998 [275, 276].

22.2 Notre ´etude de 2001 [A22]

22.2.1 R´egularisation du champ de densit´e

Nous avons apport´e une petite am´elioration au code pr´esent´e au Chap. 21 afin de pouvoir traiter des ´etoiles avec un indice adiabatique γ sup´erieur `a 2. Dans la th´eorie des polytropes, il est en effet bien connu que si γ > 2, le profil de densit´e admet une d´eriv´ee radiale infinie `a la surface de l’´etoile (cf. Fig. 2 de [A29]). Autrement dit la densit´e n’est plus un champ diff´erentiable en tout point de l’´etoile et l’approximation par des polynˆomes de Tchebyshev employ´ee dans notre m´ethode spectrale pour r´esoudre l’´equation de Poisson devient mauvaise (ph´enom`ene de Gibbs). Pour traiter ce probl`eme, nous avons employ´ee la technique de r´egularisation d´evelopp´ee dans [A29] (Chap. 29). Elle consiste `a retrancher au champ de densit´e une fonction simple qui a

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la mˆeme pathologie que la densit´e `a la surface de l’´etoile, de sorte que la diff´erence des deux est diff´erentiable. En choisissant une fonction dont on connaˆıt l’int´egrale de Poisson1, on se ram`ene donc `a la r´esolution num´erique d’une ´equation de Poisson pour une source r´eguli`ere. L’am´elioration de la pr´ecision est spectaculaire, comme on peut le voir sur la Fig. 1 de [A22]. 22.2.2 S´equences `a masse constante

Comme nous l’avons discut´e au Chap. 20, l’´evolution d’un syst`eme binaire d’´etoiles `a neu-trons se fait uniquement sous l’action du rayonnement gravitationnel et, dans la phase de spi-rale, peut ˆetre approxim´ee par une s´equence d’orbites circulaires (ferm´ees) de rayon d´ecroissant. L’´evolution sous l’effet du rayonnement gravitationnel conserve la masse de chaque ´etoile (le nombre baryonique dans le cas relativiste), si bien qu’on s’int´eresse `a construire des s´equences d’´equilibres `a masse constante. La sym´etrie h´elico¨ıdale (cf. § 20.2) ´etant exacte en th´eorie new-tonienne, il s’agit d’´equilibres exacts. Une s´equence est alors enti`erement d´efinie par la donn´ee (i) d’une ´equation d’´etat, (ii) de la masse des ´etoiles, et (iii) de leur ´etat de rotation. Nous avons consid´er´e deux ´etats de rotation : la rotation synchrone et le mouvement irrotationnel. L’´evolution le long de la s´equence est param´etr´ee par la s´eparation entre les deux ´etoiles, ou encore par la vitesse angulaire orbitale Ωorb.

La s´equence de configurations d’´equilibre se termine soit par le contact entre les deux ´etoiles, soit par une configuration d´etach´ee o`u apparaˆıt un point anguleux (pic) au point de l’´equateur qui regarde vers le compagnon2. Cette derni`ere caract´eristique traduit un d´ebut de perte de mati`ere et est l’analogue du point anguleux le long de l’´equateur des ´etoiles en rotation keplerienne (cf. Fig. 2 de [A1]). Dans le cas en corotation, il s’agit du point de Lagrange L1 du lobe de Roche de l’´etoile.

Si l’on suit l’´evolution de l’´energie totale E et du moment cin´etique total J le long de la s´equence, il peut apparaˆıtre un point o`u E et J sont minimum. Le minimum de E, s’il existe, est atteint au mˆeme point que celui de J, en vertu de la relation

dE = ΩorbdJ, (22.1)

valable le long de toute s´equence en corotation ou irrotationnelle [135]. Ce minimum signale la fin des configurations d’´equilibre accessibles au syst`eme, car pour aller plus loin, ce dernier devrait acqu´erir de l’´energie et du moment cin´etique. Or il ne peut qu’en perdre, par ´emission d’ondes gravitationnelles. Le minimum de E et de J localise en fait une instabilit´e s´eculaire dans le cas de binaires en corotation et une instabilit´e dynamique dans le cas de binaires irrotationnelles. On appelle l’orbite correspondant `a ce minimum ISCO, de l’anglais Innermost Stable Circular Orbit. L’origine de cette ISCO r´eside dans les effets de taille finie — elle n’existe pas pour deux masses ponctuelles, contrairement `a l’ISCO discut´ee page 350 et qui est d’origine purement relativiste. Nous renvoyons le lecteur au § 2 de [123] pour une discussion plus d´etaill´ee des points critiques le long des s´equences de binaires.

22.2.3 R´esultats

Au vu des r´esultats num´eriques que nous pr´esentons dans [A22], on peut tirer les conclusions suivantes :

1En fait l’astuce consiste `a partir d’un potentiel simple et `a prendre son laplacien

2Dans le cas du contact, le point o`u les ´etoiles se touchent est ´egalement un point anguleux, comme on le voit sur la Fig. 10 de [A22]

22.2 Notre ´etude de 2001 [A22] 405

• s´equences en rotation synchrone : elles se terminent toutes par le contact entre les deux ´etoiles. Pour γ ≥ 1.8, il existe un minimum de l’´energie totale (et du moment cin´etique total) avant le point de contact.

• s´equences en mouvement irrotationnel : elles se terminent par une configuration d´etach´ee avec un d´epart de mati`ere de chaque ´etoile en direction du compagnon (point anguleux `a la surface des ´etoiles). Pour γ ≥ 2.3, un minimum de l’´energie totale est rencontr´e avant ce point anguleux.

Pour des ´equations d’´etat suffisamment dures (γ ≥ 1.8 ou γ ≥ 2.3), il y a donc une instabilit´e orbitale avant la fin des s´equences d’´equilibre, c’est-`a-dire qu’il existe une derni`ere orbite stable (ISCO). Dans le cas de la rotation synchrone, M. Shibata, K. Taniguchi & T. Nakamura [260] avait d´ej`a montr´e l’existence d’une ISCO pour γ ≥ 2.

Le point d’arrˆet d´etach´e des s´equences irrotationnelles est un r´esultat original de notre tra-vail. En particulier, il n’avait pas ´et´e remarqu´e par K. Uryu & Y. Eriguchi dans leur ´etude de 1998 [275, 276]. Par contre ces deux auteurs avait d´ej`a obtenu la valeur critique γcrit= 2.4 ' 2.3 pour l’existence de l’ISCO dans les s´equences irrotationnelles. Il convient de noter que des calculs ant´erieurs, bas´es sur l’approximation d’´etoiles ellipso¨ıdales, pr´edisaient une ISCO des syst`emes irrotationnels d`es γ > 1.8 [195]. Ce d´esaccord significatif d’avec γcrit= 2.3 montre bien l’impor-tance des calculs 3-D exacts par rapport aux approximations semi-analytiques. De mˆeme, M. Shibata, K. Taniguchi & T. Nakamura [260] avaient d´ej`a not´e des diff´erences importantes entre leur calcul exact de l’ISCO en rotation synchrone et les r´esultats de l’approximation ellipso¨ıdale de D. Lai, F. Rasio & S.L. Shapiro [194].

Chapitre 23

´

Etoiles binaires en r´egime

newtonien : cas des masses

diff´erentes

23.1 Introduction

Avant notre ´etude, il n’existait aucun calcul sans approximation (autre que l’approximation “num´erique”) de syst`emes binaires d’´etoiles fluides irrotationnelles et de masses diff´erentes, mˆeme en r´egime newtonien. Pour le cas plus simple de la rotation synchrone, les premiers calculs exacts d’´etoiles de masses diff´erentes ont ´et´e effectu´es pour un fluide incompressible par I. Hachisu & Y. Eriguchi en 1984 [155]. En 1994-1995, F.A. Rasio & S.L. Shapiro [240, 241] ont trait´e le cas d’un fluide compressible, toujours en supposant la rotation synchrone.

Les seuls calculs avec masse diff´erentes dans le cas irrotationnel avaient ´et´e effectu´es dans le cadre de l’approximation ellipso¨ıdale [196], dont nous avons soulign´e au § 22.2.3 qu’il fallait se m´efier, tout du moins pour des configurations serr´ees.