Outils Math´ematiques Fondamentaux
A.1 R´ esultats fondamentaux pour les ´ equations diff´ erentielles
Dans toute cette section, J est un intervalle d’int´erieur non vide de R, U un ouvert de Rn avec n≥1. Si x est une fonction d’une variable r´eelle `a valeurs dans Rnd´erivable, nous noterons parx′ sa d´eriv´ee. On ne traitera que le cas des ´equations diff´erentielles du premier ordre.
A.1.1 D´efinitions et g´en´eralit´es
D´efinition A.1.1 (´Equation diff´erentielle). Soit f :J ×U −→ Rn une fonction.
On appelle ´equation diff´erentielle du premier ordre associer `a f l’´equation suivante :
x′(t) =f(t, x(t)). (A.1)
L’inconnue de cette ´equation est une fonction d’une seule variable et l’´equation traduit une relation entre l’inconnue (not´ee ici x), sa variable (not´ee ici t) et sa d´eriv´ee premi`ere (x′ ). Si la fonction f ne d´epend pas explicitement de la variable t, i.e. si f est d´efinie sur U `a valeurs dans Rn, on parle d’´equation diff´erentielle autonome. Dans le cas contraire on dit que c’est une ´equation non autonome. Si f est affine, i.e. si f(t, x) =A(t)x+B(t), avec A(t)∈ Mn(R) etB(t)∈Rn pour tout t∈J, on dit que c’est une ´equation diff´erentielle lin´eaire.
D´efinition A.1.2 (Solution locale). Une solution de l’´equation diff´erentielle (A.1) est la donn´ee d’un couple (I, x) o`u I est un intervalle d’int´erieur non vide de R contenu dans J et x est une fonction de I `a valeur dans Rn d´erivable sur I et v´erifiant les conditions suivantes :
(i) (t, x(t))∈J ×U, pour tout t∈I, (ii) x′(t) =f(t, x(t)), pour tout t∈I. On parle aussi de solution locale.
D´efinition A.1.3 (Prolongement de solutions). Soient(I1, x1) et(I2, x2) deux so-lutions de (A.1). On dit que (I2, x2) prolonge(I1, x1) si I1 ⊂I2 et pour toutt∈I1, x1(t) =x2(t).
D´efinition A.1.4(Solution maximale). On dit qu’une solution(I, x) est maximale si elle n’admet aucun prolongement ( ˜I,x)˜ avec I inclus strictement dansI˜.
Th´eor`eme A.1.1. Toute solution(I, x)de (A.1) admet un prolongement maximal.
D´emonstration. [26] chap.V,1.3
D´efinition A.1.5(Solution globale). Une solution globale de (A.1)est une solution d´efinie sur J tout entier, i.e. (J, x) est une solution globale de x′ = f(·, x) o`u f :J×U →Rn.
Remarque A.1.1. Il existe un lien entre les deux d´efinitions pr´ec´edentes. En effet, si (J, x) est une solution globale de (A.1), alors c’est une solution maximale. La r´eciproque ´etant fausse en g´en´eral.
D´efinition A.1.6 (Orbite p´eriodique). Γ est une orbite T-p´eriodique si il existe une solution T-p´eriodique (R, x) de l’´equation (A.1) tel que Γ soit l’orbite associ´ee
`
a (R, x).
D´efinition A.1.7 (Ensembles limites). Soit (I, x) une solution de (A.1). Les en-sembles omega-limite de x (ω(x)) et alpha-limite de x (α(x)) sont d´efinis par :
ω(x) =\
t≥0
[
s≥t
x(s;t0, x(t0)), α(x) = \
t≤0
[
s≤t
x(s;t0, x(t0))
Dans les probl`emes concrets faisant intervenir des ´equations diff´erentielles, comme en dynamique de population, on connaˆıt l’´etat du syst`eme initialement. Et on vou-drait que la solution de l’´equation diff´erentielle v´erifie cette condition initiale. Ces types de probl`emes sont appel´es probl`eme de Cauchy et sont d´efinis de la mani`ere suivante :
D´efinition A.1.8(Probl`eme de Cauchy). Etant donn´e un point´ (t0, x0)∈J×U, le probl`eme de Cauchy consiste `a trouver une solution (I, x) de (A.1) telle que t0∈I etx(t0) =x0.
A.1.2 Existence de solutions
Nous nous int´eressons `a l’existence de solutions de (A.1), assur´e dans un premier temps par le th´eor`eme de Cauchy-P´eano-Arz´ela, prouv´e par Peano en 1886.
Th´eor`eme A.1.2 (Cauchy-Peano-Arzela). Soit (t0, x0)∈J×U et supposons f : J × U → Rn continue en(t0, x0). Alors il existe une solution du probl`eme de Cauchy associ´e `a l’´equation diff´erentielle (A.1)relatif `a la condition initiale(t0, x0).
D´emonstration. Elle repose sur le th´eor`eme d’Ascoli [26] chap.V,2.4
Corollaire A.1.1. On suppose f : J×U →Rn continue. Alors pour tout point (t0, x0) ∈J×U, il passe au moins une solution maximale (I, x) de (A.1). De plus l’intervalle de d´efinition I de toute solution maximale est un ouvert de J.
D´emonstration. [26] chap.V,2.4
Th´eor`eme A.1.3. On supposef : J×U →Rncontinue et soit(I, x)une solution maximale de (A.1). Alors
1. si supI <supJ ou si I 6∋supI = supJ ∈J alors lim
t→supIkx(t)k= +∞. 2. si infJ <infI ou siI 6∋infI = infJ ∈J alors lim
t→infIkx(t)k= +∞.
Remarque A.1.2. En pratique, on fait surtout appel aux contrapos´ees de ce th´eo-r`eme. Par exemple si (I, x)est une solution maximale de (A.1), born´ee sur I, alors I =J, i.e. que c’est une solution globale.
Remarque A.1.3. Sous les seules hypoth`eses de continuit´e on ne peut garantir l’unicit´e de la solution. Par exemple les deux fonctions y1 ≡0 et y2:x−→x3 sont solutions sur R de l’´equation diff´erentielle
y′ = 3|y|2/3
avec la condition initiale y(0) = 0. Notons qu’il n’existe pas de voisinage de 0 sur lequel l’application y →3|y|2/3 soit lipschitzienne.
A.1.3 Unicit´e des solutions et th´eor`eme de Cauchy-Lipschitz Nous nous int´eressons `a pr´esent `a l’unicit´e des solutions. Comme nous l’avons vu dans la remarque A.1.3, l’hypoth`ese de continuit´e ne suffit pas pour garantir l’uni-cit´e. Les th´eor`emes suivants assurent l’existence et l’unicit´e de solution au probl`eme de Cauchy (A.1) associ´e `a l’´equation diff´erentielle (A.1) relatif `a la condition initiale (t0, x0) . Pour cela on pr´esente diff´erentes notions d’unicit´e ainsi que le caract`ere lipschitzienne du champ de vecteurs, f(t, x(t)), par rapport `a la seconde variable.
D´efinition A.1.9 (Locale lipschitziennit´e en un point). Soit (t0, x0) ∈J ×U. On dit que f :J×U →Rn est localement lipschitzien par rapport `a sa seconde variable en (t0, x0) si il existe T0 >0, r0 >0 et k >0 tels que pour tout
(t, x, y) ∈ ]t0−T;t0+T[×B(x0, r0)×B(x0, r0), kf(t, x)−f(t, y)k ≤kkx−yk.
D´efinition A.1.10. On dit que f : J ×U → Rn est localement lipschitzien par rapport `a sa seconde variable surJ×U si pour tout(t0, x0)∈J×U,f est localement lipschitzien par rapport `a sa seconde variable en (t0, x0).
D´efinition A.1.11 (Globalement Lipschitzien). Une fonctionf : J×U →Rn est dite lipschitzienne (ou globalement lipschitzienne) par rapport `a sa seconde variable s’il existe une fonction continuek:J →R+ telle que
∀t∈J,∀(y1, y2)∈U ×U, kf(t, y1)−f(t, y2)k≤k(t)ky1−y2k
Si de plus, la fonction k est constante sur J alors f est dite globalement lipschit-zienne par rapport `a sa seconde variable surJ×U, uniform´ement par rapport `a sa premi`ere variable.
Remarque A.1.4. Si f est globalement lipschitzienne par rapport `a sa seconde variable sur J×U, elle est alors localement lipschitzienne par rapport `a sa seconde variable surJ×U.
Dans la pratique, au lieu de v´erifier que la fonctionf est localement lipschitzienne par rapport `a la deuxi`eme variable, on v´erifie que la fonctionf est de classeC1. On a le th´eor`eme suivant.
Th´eor`eme A.1.4. Si f est de classeC1 sur J×U alors f est localement lipschit-zienne par rapport `a sa seconde variable sur J×U.
D´efinissons `a pr´esent la notion d’unicit´e.
D´efinition A.1.12 (Unicit´e globale). On dit que le probl`eme de Cauchy associ´e `a (A.1), relatif `a la condition initiale (t0, x0)∈J×U, admet une unique solution s’il existe une solution maximale(I, x)de ce probl`eme qui soit le prolongement de toute autre solution.
D´efinition A.1.13 (Unicit´e locale). On dit que le probl`eme de Cauchy associ´e `a (A.1) relatif `a la condition initiale (t0, x0) ∈ J ×U admet localement une unique solution s’il existe un voisinage J0×U0 de (t0, x0) dansJ ×U tel que le probl`eme de Cauchy suivant
x′(t) = f˜(t, x(t)) x(t0) = x0
admet une unique solution, o`uf˜est la restriction def `a J0×U0. Exemple A.1.1. Consid´erons le probl`eme de Cauchy suivant :
x′(t) = p
|x| x(t0) = x0
L’existence de solutions maximales est assur´ee par le th´eor`eme de Cauchy-P´eano-Arz´ela et sont donn´ees par :
1. si x0 = 0, alors ∀ t∈R, n’est pas lipschitzienne par rapport `a sa seconde variable enx= 0. Dans ce cas on ne peut appliquer le th´eor`eme d’unicit´e locale. De plus toutes les solutions sont globales, mais il n’y a pas unicit´e des solutions maximales (il y a une solution pour chaque couple (α, β), α, β ≥0, o`u pour chaque γ ≥0). Notons que bien qu’il y ait unicit´e local en tout point x06= 0, du fait qu’il n’y a pas unicit´e locale en x0 = 0, il ne peut y avoir unicit´e globale.
On peut maintenant ´enoncer les th´eor`emes de Cauchy-Lipschitz qui assurent l’existence et l’unicit´e au probl`eme de Cauchy (A.1).
Th´eor`eme A.1.5 (Cauchy-Lipschitz, forme locale). Si f : J ×U → Rn est loca-lement lipschitzienne par rapport `a sa seconde variable en (t0, x0) ∈ J ×U alors le probl`eme de Cauchy associ´e `a (A.1) relatif `a la condition initiale (t0, x0) admet localement une unique solution.
D´emonstration. [26] chap.V,3.1
Cette forme locale donne directement la forme forte du th´eor`eme de Cauchy-Lipschitz.
Th´eor`eme A.1.6 (Cauchy-Lipschitz, forme forte). Si f : J×U →Rn est locale-ment lipschitzienne par rapport `a sa seconde variable sur J×U, alors pour tout (t0, x0)∈J×U, le probl`eme de Cauchy associ´e `a (A.1) relatif `a la condition initiale (t0, x0) admet une unique solution.
Remarque A.1.5. Donc sif est localement lipschitzienne par rapport `a sa seconde variable et si (I, x) et ( ˜I,x)˜ sont deux solutions maximales de l’´equation diff´eren-tielle (A.1) v´erifiant x(t1) = ˜x(t1) avec t1 ∈I∩I˜alors (I, x) = ( ˜I,x).˜
Remarque A.1.6. La forme faible du th´eor`eme de Cauchy-Lipschitz consiste sim-plement `a prendre une fonction f de classeC1.
Th´eor`eme A.1.7 (Cauchy-Lipschitz globale). Si f :J×U → Rn est continue et globalement lipschitzienne par rapport `a sa seconde variable, alors toutes les solu-tions maximales sont globales.
On est `a pr´esent en mesure de pr´esenter la notion de flot associ´e `a une ´equation diff´erentielle.
A.1.4 Notion de flot
D´efinition A.1.14 (Flot). Un flot surRn est une application continue φ:R×Rn→Rn
(t, x)7−→φ(t, x)not´e
= φt(x) v´erifiant :
– φ0 =idRn;
– φt◦φs=φt+s pourt, s∈R
D´efinition A.1.15. (Flot associ´e `a une EDO) On appelle flot de l’´equation diff´e-rentielle (A.3) et `a un instant t0, l’application(t, x0)→Rn :φt(x0) =x(t;t0, x0) Il est clair que φt(x0) v´erifie l’´equation suivante :
( d
dtφt(x0) = f(φt(x0)) φt0(x0) = x0
Remarque A.1.7. Dans le cas des syst`emes autonomes, le temps n’a pas de rˆole intrins`eque ici et on pourra se limiter aux donn´ees initiales ent= 0. Pour un point x ∈ U, notons φ(., x) la solution maximale (I, x) de l’´equation (A.3) valant x en t= 0. Autrement dit,φ(., x) est la solution du syst`eme
( ∂
∂tφ(t, x) = f(φ(t, x)) φ(0, x) = x
(A.2)
D´efinition A.1.16. (Semi-flot) Un semi-flot sur Rn est une application continue φ:R+×Rn→Rn v´erifiant :
– φ0 =idX;
– φt◦φs=φt+s pourt, s≥0
D´efinition A.1.17 (Solution p´eriodique). On suppose ici que J =R et soit (I, x) une solution de (A.1). Alors on dit que (I, x) est une solution p´eriodique si I =R et si il existe T >0 tel que x(t+T) =x(t) pour tout t∈R.
D´efinition A.1.18(Orbite). Soit(I, x)une solution de (A.1). L’orbite de la solu-tion (I, x) est d´efinie par :
{x(t), t∈I}
Proposition A.1.8. On suppose J =R et U =Rn et f est globalement lipschit-zienne. Alors le flot associ´e `a l’´equation diff´erentielle (A.3) est d´efinie sur R×Rn et l’application
R−→Dif f(Rn) t7−→φt(.)
est un homomorphisme du groupe (R,+) dans le groupeDif f(Rn,◦), o`uDif f(Rn) est l’ensemble des diff´eomorphismes de Rn dans lui-mˆeme.