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Estimation des risques liés à la consommation de tabac

Une étude de Munoz Sastre, Mullet et Sorum (1999) a examiné le degré de risque perçu d’avoir un cancer en fonction de différentes situations de consommation de tabac. Les participants ont dû répondre à un questionnaire présentant diverses situations de consommation de tabac. Un échantillon de 155 personnes de 15 à 80 ans a répondu au questionnaire.

Les sujets perçoivent que le risque d’avoir une pathologie augmente quand la consommation augmente, mais leur jugement est faussé pour les hauts niveaux de consommation. En effet, dans ce cas, les participants considèrent que les cigarettes additionnelles n’augmentent pas le risque de maladie. Cette constatation ne correspond absolument pas à la réalité et cette manière de percevoir les risques peut engendrer des conséquences néfastes par exemple sur les motivations à diminuer sa consommation de tabac chez les gros fumeurs. Une étude de Grémy, Halfen, Sasco et Salma (2002) en Île- de-France, a montré également que les connaissances des personnes sur le tabac sont globalement imprécises et incomplètes avec une minimisation des risques, une sous-

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estimation de la mortalité ainsi qu’une minimisation des bénéfices de l’arrêt chez les fumeurs.

Pour résumer, dans ces travaux concernant les risques pour la santé des addictions, les études montrent l’écart parfois surprenant qui existe entre risque objectif et risque perçu. Dans le cas du tabac, les statistiques médicales sont pourtant alarmantes et font apparaître un élément important selon lequel plus la quantité de tabac consommée est importante, plus le risque de développer un cancer augmente. Dans le cadre du tabac, Munoz Sastre, Mullet et Sorum (1999) nous ont montré que les populations utilisent mal les informations de prévention à leur disposition et n’ont pas conscience du réel danger pour leur santé.

Les derniers des travaux que nous venons de citer témoigne de la possibilité d’étudier les règles de jugement des personnes avec précision. Par ailleurs, aux vues des résultats obtenus, il apparaît que la prise en compte de ces données est une réelle nécessité pour mieux comprendre et donc agir efficacement sur la perception des risques pour la santé du public. En réalité, tout risque doit être considéré au regard de l’écart qui existe entre risque objectif et subjectif. L’Etat doit donc s’appuyer sur les arguments scientifiques à sa disposition pour mener des actions de prévention efficaces. Voyons donc comment les citoyens estiment l’efficacité et la pertinence des actions de l’Etat en matière de santé.

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Dans le cadre de l’opinion du public sur le rôle de l’Etat en santé, il faut citer les résultats de l’enquête du Baromètre santé 2011. Dans cette étude, on retrouve, selon les pays, une assez large disparité d’opinions que ce soit sur le système de santé proprement dit, l’égalité d’accès aux soins, la compétence des médecins et la confiance dans les autorités sanitaires. Si nous nous focalisons sur les résultats spécifiques à notre pays, nous pouvons voir que les Français accordent une grande importance à leur santé. Ils estiment en effet qu'ils ont le besoin et surtout le droit de vivre vieux et en bonne santé, d'être protégés contre les maladies et les accidents et de recevoir des soins appropriés.

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Ils considèrent que l’Etat doit leur fournir des informations et ils ont des attentes particulières quant au rôle de l’Etat dans le domaine de la santé. 58% des Français ont une bonne opinion de l’Etat dans ce domaine. En revanche, on s’aperçoit que seulement 48% des Français ont déjà entendu parler des programmes de surveillance de la santé tout au long de la vie comprenant les consultations de prévention et le suivi annuel personnalisé. Un autre point spécifique montre que, depuis quelques années, les Français redoutent la pénurie de médecins généralistes, ce que l’on explique traditionnellement par le numerus clausus maintenu par les pouvoirs publics. Dans l’enquête Baromètre santé 2007 (Ménard, Girard, Léon, & Beck, 2008) qui s’intéresse spécifiquement aux risques liés à l’environnement, les Français se disent plutôt bien informés sur les risques sanitaires liés à l’environnement. En revanche, ils ne sont pas pour autant satisfaits de l’information dont ils disposent. En effet, plus d’un Français sur deux se déclare insatisfait à ce propos.

Les études relatives à l’opinion du grand public sur la responsabilité de l’Etat en santé restent rares et divergentes et confirment la légitimité de s’intéresser à la manière dont les personnes issues de la population générale jugent de cette responsabilité. Nous pouvons citer ici quelques rares travaux, qui, ces dernières années, se sont focalisées sur le tabac mais dont les résultats sont assez hétérogènes. Dans une étude en Pennsylvanie, Batra, Patkar, Weibel, Pincock, & Leone (2002) montrent que plus de 80% des répondants se sont dits préoccupés par le problème du tabac chez les adolescents, mais seulement 46% pensent que le Gouvernement doit s’impliquer d’avantage. Si 80% des personnes pensent que l’Etat a la responsabilité de s’impliquer de manière concrète dans les actions anti-tabac, 28% s'opposent aux lois interdisant de fumer dans les établissements fréquentés par les jeunes. Ainsi, malgré leur préoccupation évidente envers le tabac des adolescents, beaucoup considèrent que cette consommation relève de la liberté personnelle et, de ce fait, ils ne tiennent pas l’Etat pour responsable. Une autre étude de Von Bothmer et Fridlung (2001) conclut que la responsabilité de l’Etat vis à vis du tabac est perçue différemment selon les catégories de personnes interrogées. Ainsi, les adolescents tiennent les parents comme principaux responsables, les parents tiennent l’école comme responsable et le personnel scolaire responsabilise plus les éducateurs de santé.

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Première cause de mortalité évitable dans notre pays, le tabagisme est à l'origine de 73 000 morts par an en France et coûte, selon une estimation basse, 12 milliards d'euros à la collectivité. Pourtant, il semblerait que les risques pour la santé soient encore gravement sous-estimés par les Français. Un rapport de la Cour des Comptes de décembre 2012 explique ce phénomène par le peu de moyens alloués à la communication (dix fois inférieurs à ceux consacrés aux campagnes sur les accidents de la route, responsables de 4 000 morts par an). Dans notre pays, on assiste à quelques campagnes de prévention contre le tabac pour favoriser notamment la prise de conscience de la population. Par ailleurs, les législations françaises ont fait l’objet de multiples évolutions ces dernières années pour généraliser l’interdiction de fumer. Pourtant, dans le même temps, l’industrie du tabac reste florissante et l’Etat conserve toujours le monopole des ventes pour ce produit. Ce monopole assure des profits colossaux au gouvernement puisqu’en 2009 par exemple, le commerce du tabac a rapporté près de 15 milliards d’euros à l’Etat français.

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Le simple fait de consommer du tabac est considéré comme un comportement à risque et il en est de même pour les drogues. En effet, les propriétés addictives de ces substances ainsi que les risques potentiels qu’elles présentent pour la santé physique, mentale ou psychosociale des individus et pour l’entourage sont largement démontrés (Carr-Gregg, Enderby, & Grover, 2003). Agir contre ces risques sanitaires et faire une prévention particulièrement contre ces conduites à risques est donc d’une importance capitale. Les Etats ont donc pour rôle d’agir pour informer et protéger les citoyens (De Leeuw & WHO, 2007). La consommation de tabac fait partie de ces conduites à risques définies par l’Organisation Mondiale de la Santé comme :

«Un comportement dont on a constaté qu’il est lié à une vulnérabilité accrue à l’égard […] de certains problèmes de santé » (OMS, 1999, p 20).

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Ainsi, un comportement à risque est une pratique qui met en danger l’intégrité psychique et physique de la personne ainsi que la vie de l’auteur de cette pratique et éventuellement, celles des personnes qui pourraient en être victimes malgré elles. Ces conduites à risques débutent et s'installent dans la grande majorité des cas à l'adolescence. Elles concernent la mise en danger de soi : risque physique, de son corps, de sa santé (blessure, maladie, mort), mais aussi le risque psychologique. Prise de drogue, rapport sexuel non protégé, conduite sans casque, sans ceinture, scarification, tentative de suicide, etc., Ces risques varient en termes de gravité : ils peuvent être minimes ou avoir des conséquences gravissimes. Contrairement aux idées reçues, ce type de comportement ne concerne pas uniquement les grands fléaux comme le tabac, l’alcool, la conduite routière, mais l’ensemble des gestes quotidiens qui peuvent donner lieu à des accidents provoqués par nos comportements inadaptés ou incohérents. En définitive, avoir une conduite à risque revient à s’exposer à une probabilité importante de blessure ou de mort, à mettre en péril son avenir et/ou sa santé.

L’engouement pour les pratiques à risques, notamment chez les jeunes, a suscité de nombreuses recherches dans les divers champs de la psychologie et de la sociologie, pour tenter de décrire et comprendre ce phénomène complexe. Le tabagisme, que nous allons maintenant développer, est un exemple typique de conduite à risque largement répandue et nombreux sont ceux qui commencent à fumer à l’adolescence (Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, 2009 ; Byrne, Byrne & Reinhart, 1995 ; Lund, Tefre, Amundsen & Nordlund, 2008)

N.B. : Dans le cadre du tabac, nous devons citer ici le cas bien particuliers du

tabagisme passif. Ce dernier ne peut pas vraiment être considéré comme une conduite à

risque puisqu’il correspond au fait d’inhaler, de manière involontaire, la fumée dégagée par d’autres. Nous pouvons distinguer celui auquel est exposé le fœtus dont la mère fume et le tabagisme passif environnemental auquel on est exposé en inhalant la fumée de tabac de l’entourage. Au-delà de la gêne qu’il peut occasionner dans ce dernier cas, toute forme de tabagisme passif engendre des risques globalement similaires à ceux liés à la consommation de tabac. Les risques augmentent avec la durée et l’intensité de l’exposition (Institut national d’éducation et de prévention pour la santé, 2007) et sont d’autant plus importants pour les personnes asthmatiques, les femmes enceintes, les malades chroniques et les déficients immunitaires (Nelson, 2001). Contrairement aux

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idées entretenues par l’industrie du tabac, soucieuse de minimiser la perception de ce risque par l’opinion publique, la fumée dégagée par une cigarette est vraisemblablement plus toxique que la fumée inhalée par le fumeur. En effet, les recherches effectuées sur ce thème ont démontré que cette fumée est la cause de 2 à 6 fois plus de tumeurs que la fumée inhalée activement par le consommateur (Schick & Glantz, 2005).

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