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Parallèlement à l’opposition drogues licites et drogues illicites, il existe une autre dichotomie très souvent employée par le langage courant : la distinction entre drogues dures et drogues douces. Ces termes sont apparus au début des années 60, lors de la mise en place des réglementations internationales concernant les stupéfiants. Ils ont donc un sens directement lié aux lois de l’époque et qui ne concernaient donc que les dérivés morphiniques, cocaïniques et cannabiques. Selon cette classification binaire, une approximation définirait ainsi les drogues dures comme celles qui créent une dépendance physique (héroïne, autres opiacés, barbituriques, alcool) ou une dépendance psychique très rapide (crack) ou qui présentent un danger psychique (LSD, ecstasy, etc.). A l’inverse, le terme de drogue douce désignerait presque exclusivement le cannabis, celui-ci induisant une dépendance mentale très faible et un risque de décès par surdose nul. Au delà de ce sens historique aujourd’hui un peu dépassé, une autre interprétation de cette classification plus actuelle peut être proposée. Les drogues douces seraient ainsi celles dont l’usage s’est plus ou moins banalisé et donc qui n’effraient pas comme l’alcool, le tabac et le cannabis, et même la cocaïne dans certains milieux, les autres drogues étant classées comme dures. Certains pays comme les Pays- Bas font en effet une distinction similaire, sans parler de drogues dures ou douces, en distinguant les drogues à risques acceptables et les drogues à risques inacceptables. L’appellation drogue douce reste contestée par certains, dans la mesure où il serait possible de faire un usage « dur » d’un produit habituellement qualifié de drogue douce et de voir apparaitre une vraie dépendance. De même certaines drogues dures peuvent être consommées sur un mode récréatif et très exceptionnel qui pourrait, selon certains, être qualifié d’usage « doux » (Couteron, 2001).

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Le débat existe encore aujourd’hui et ainsi, certains affirment qu’il n’existe pas de continuum entre le cannabis et les drogues dures. A l’opposé, d’autres mettent en évidence les effets nocifs du cannabis sur le système nerveux central en soulignant par exemple le lien existant entre la consommation de cannabis et les risques de développer des problèmes psychiatriques comme par exemple une schizophrénie (Nahas, 1992).

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A l’instar des paradigmes traditionnels tels que la religion, notre société repose aujourd’hui sur de nouvelles valeurs et de nouvelles exigences au centre desquelles apparait l’individualisme. Chaque citoyen doit répondre à des exigences de productivité, d’adaptation afin de trouver par lui-même sa place dans la société. Dans le cas contraire, il fera alors l’objet de sanctions sociales graves (Ehrenberg, 2000 ; Becker, 1985). Si une sanction telle que l’exclusion sociale est constatée, les responsabilités institutionnelles et communautaires sont transférées vers la personne elle-même. Ainsi, la responsabilité individuelle du sujet dit « déviant » est aujourd’hui pleinement engagée.

Il est important de comprendre le nouveau contexte social dans lequel les individus évoluent car il permet de mieux appréhender les raisons pour lesquelles ils peuvent avoir recours aux psychotropes. Aujourd’hui, l’usage de ces substances s’inscrit directement dans l’insertion sociale de l’individu puisque c’est un moyen de maintenir les performances et de mieux contrôler les tensions. Parmi elles, nous pouvons notamment citer la dépression que certains auteurs considèrent comme la plus grande pathologie de notre société (Ehrenberg, 2000) et ainsi le recours aux drogues pourrait être comparé à un simple dopage qui permettrait de rester dans la compétition imposée par le monde actuel. Van Caloen (2004) classe ainsi les psychotropes en trois catégories selon le rôle social qu’ils remplissent.

 La consommation ainsi peut avoir pour fonction de soutenir directement l’individu dans son insertion sociale à des moments précis où les exigences sont maximales (augmenter les performances sportives, sexuelles, atténuer les émotions liées au stress, diminuer la sensation de fatigue…).

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 La consommation peut avoir également pour fonction de minimiser les effets négatifs des efforts menés pour remplir son rôle social (prise de somnifères ou d’anxiolytiques). Il s’agit ici de pouvoir se retirer temporairement pour mieux résister aux exigences et aux pressions. La consommation est alors un soutien qui favorise le confort personnel. L’usage dit « récréatif » des psychotropes rentre dans cette catégorie.

 Enfin, la consommation peut favoriser la désocialisation de l’individu : ce retrait social choisi ou subi manifeste la difficulté, voire l’incapacité, des personnes à soutenir les exigences sociales dont ils font l’objet. Ce dernier niveau génère la plupart du temps une perte de contrôle de l’individu sur sa consommation : ce sont ceux que la société désigne par le terme de « toxicomanes » (Van Caolen, 2004).

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Avec les nouvelles exigences sociales, depuis quelques dizaines d’années les frontières entre drogues et produits stimulants (café, antidépresseurs, vitamines) s’estompent. Par ailleurs, si avant les années 60, la consommation se limitait surtout aux milieux scientifiques et artistiques, elle s’est étendue, depuis cette date, au reste de la société. Ce phénomène engendre ainsi une forte croissance de la consommation dans certains pays. En outre, la mondialisation a favorisé une densification du trafic international et avec elle, on assiste à une diversification toujours plus importante des drogues existantes sur le marché. La communication des données sur les tendances de la consommation, de la production et du trafic de drogues illicites reste bien entendu difficile à enregistrer précisément. Le problème est particulièrement aigu dans certaines régions où les données relatives à la prévalence et aux tendances de la consommation illicite de drogues restent vagues, dans le meilleur des cas.