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Pour tous les types d’usage, l’alcool et le tabac sont les substances psychoactives les plus consommées en France. Bien qu’il soit difficile de faire une distinction entre usage thérapeutique et non thérapeutique, les médicaments psychotropes sont en troisième position. Parmi les substances illicites, le cannabis est de loin la substance psychoactive la plus consommée. Il l’est dix fois plus que la cocaïne ou l’ecstasy et 30 fois plus que l’héroïne.

Depuis une dizaine d’années, l’INPES et l’OFDT mesurent les niveaux de diffusion et d’usage des produits psychoactifs grâce à des enquêtes en population générale. Conduites auprès de l’ensemble de la population, elles permettent de décrire la diversité de ces pratiques, d’évaluer les liens avec d’autres facteurs et de mener ensuite des analyses de ces consommations à des niveaux départementaux ou régionaux. Leur répétition régulière dans le temps en fait également un instrument du suivi des évolutions des comportements de consommation des différentes substances psychoactives (Legleye, Spilka, Le Nézet & Laffiteau, 2009, Legleye, Spilka, Le Nézet,

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Hassler & Choquet 2009 ; Beck & Cytrynowicz, 2006). Dans le cadre de ces enquêtes, on s’intéresse à différents niveaux de consommation :

 L’expérimentation : au moins un usage au cours de la vie (cet indicateur sert principalement à mesurer la diffusion d’un produit dans la population).

 L’usage dans l’année ou usage actuel : consommation au moins une fois au cours de l’année ; pour le tabac, cela inclut les personnes déclarant fumer actuellement, ne serait-ce que de temps en temps.

 L’usage régulier : au moins trois consommations d’alcool dans la semaine, tabac quotidien, et consommation de cannabis d’au moins 10 fois au cours du mois ou d’au moins 120 fois au cours de l’année.

Les résultats du Baromètre Santé 2010 sont décrits dans le tableau 1.

NB : le nombre d’individus de 11-75 ans en 2009 (date de mise à jour du recensement) est d’environ 49 millions.

Tableau 1 :

Estimation du nombre de consommateurs de substances psychoactives en France métropolitaine parmi les 12-75 ans

Expérimentateurs dans l’année dont usagers dont

réguliers dont quotidiens

Alcool 44,4 M 41,3 M 8,8 M 5,0 M Tabac 35,5 M 15,8 M 13,4 M 13,4 M Médic. psychotropes 15,1 M 8,7 M / / Cannabis 13,4 M 3,8 M 1,1 M 500 000 Cocaïne 1,5 M 400 000 / / Ecstasy 1,1 M 15 000 / / Héroïne 500 000 / / / / : non disponible

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La consommation des substances psychoactives a pour effet immédiat de modifier les perceptions, l'humeur et le comportement. Ces effets varient, bien sûr, selon les substances, les quantités, la fréquence et la durée des consommations et sont aussi modulés par des facteurs individuels tels que l’âge, la corpulence ou le sexe. La consommation régulière peut avoir un retentissement sur les activités, les relations et la vie personnelle et elle peut conduire à la dépendance quand la personne ne peut plus se passer du produit sans ressentir un manque d'ordre physique et/ou psychique. Sujet d’actualité, la dépendance fait l’objet de nombreux débats de société. Elle peut aller d’une simple habitude, à des dépendances impliquant un potentiel de destruction physique et mentale. Elle peut porter sur des substances (médicaments, drogues, etc.) ou des comportements (travail, internet, jeux, etc.). Quand il s’agit de dépendance à une substance, les experts recommandent de parler de pharmacodépendance, terme qui désigne l’instauration d'une dépendance psychique ou physique à une drogue, et induisant des effets nocifs pour l'individu et la collectivité (OFDT, 2002). La consommation de drogues est un phénomène dynamique, les utilisateurs essayant diverses combinaisons de produits et même parfois des mélanges de substances licites et illicites, ainsi que divers modes de consommation. La poly-consommation de drogues, c’est-à-dire l’utilisation de diverses substances simultanément ou successivement, serait en hausse dans de nombreux pays. Bien que la combinaison la plus fréquente consiste à associer l’alcool à diverses substances, des combinaisons telles que le speedball, un mélange de cocaïne et d’héroïne, sont également très répandues. Des niveaux élevés de consommation à des fins non médicales de médicaments délivrés sur ordonnance sont signalés dans de nombreux pays et l’utilisation non médicale des opioïdes de prescription est particulièrement problématique.

La communauté scientifique internationale, suivant en cela l’Organisation Mondiale de la Santé et l’Association Américaine de Psychiatrie, s’accorde aujourd’hui pour reconnaître trois comportements distincts de consommation de substances psychoactives : l’usage, l’usage nocif et la dépendance (OFDT, 1999 ; WHO, 2008). Le recours à cette triple approche descriptive permet de construire des politiques préventives et soignantes en adéquation avec les besoins des populations cible et de

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mettre en place des politiques culturelles, réglementaires et législatives en fonction de la diversité des phénomènes observés. Les comportements de dépendance et d'usage nocif sont les deux catégories les plus validées et leurs critères de définition font l'objet d'un vaste consensus international.

N.B. : Notons qu’étant données les représentations sociales négatives dont il fait l’objet et son appropriation par les médias, le concept de toxicomanie tend, quant à lui, à disparaître de la littérature. De ce fait, nous lui préfèrerons dans ce travail, celui d’addiction ou de dépendance.

Usage

L’usage est défini comme une consommation n’entraînant ni complication ni dommage. Il s’agit souvent d’une consommation ludique ou conviviale, pour se divertir, passer un bon moment, par effet de mode, pour se donner de l’énergie ou par simple curiosité. L'usage correspond à l'expérimentation d'adolescents ou de jeunes adultes et c’est aussi ce qui caractérise la majorité des consommateurs d’alcool (OFDT, 2005). Cette consommation peut varier en intensité. Elle peut être expérimentale, occasionnelle ou même parfois régulière. Cependant, cette conception d’un niveau d’usage sans danger est loin d’être partagée par tous, et fait l’objet d’une forte controverse scientifique, politique et culturelle bien qu’un grand nombre de données cliniques semblent valider cette hypothèse. Une telle définition signifierait que l'usage ne saurait être considéré comme relevant d'une problématique pathologique nécessitant des soins, (alors que l'abus et la dépendance sont obligatoirement inscrits dans des problématiques de prise en charge sanitaire et sociale). Le caractère illicite de la substance consommée ne saurait être pris comme critère de pathologie. Toutefois, il engendre les seules complications de ce type d’usage qui sont alors d’ordre pénal ou social.

Comme nous allons le développer dans le chapitre suivant, selon la théorie de l’escalade (Stepping-stone theory), un tel usage conduirait progressivement vers une consommation toujours plus importante et donc beaucoup plus grave. En outre, la prise de drogue, même occasionnelle, pourrait engendrer d’autres problèmes puisque selon la théorie de la porte d’entrée (gateway theory), c’est elle qui met le consommateur au

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contact de la délinquance, du vol ou de la prostitution qui seraient des problèmes typiquement liés à la consommation de produits.