A.5 Les espaces vectoriels
A.5.2 Espaces vectoriels remarquables
Au pr´ealable :
Une valeur absolue sur un corps K est une application qui `a tout ´el´ement x de K fait correspondre un nombre r´eel positif not´e Abs(x) de telle sorte que :
1. ∀x ∈ K, Abs(x) = 0 ⇔ x = 0 (s´eparation),
2. ∀(x, y) ∈ K2, Abs(x + y)≤ Abs(x) + Abs(y) (in´egalit´e triangulaire),
3. ∀(x, y) ∈ K2, Abs(xy) = Abs(x)Abs(y).
S’il n’y a pas de risque d’ambigu¨ıt´e, la valeur absolue d’un ´el´ement x est not´ee | x |.
Une norme est une application
N : E → R+,
satisfaisant les axiomes suivants :
1. ∀x ∈ E, N (x) = 0 ⇒ x = 0E (s´eparation),
2. ∀(λ, x) ∈ K × E, N (λx) =| λ | N (x) (homog´en´eit´e),
3. ∀(x, y) ∈ E2,N (x + y) ≤ N (x) + N (y) (in´egalit´e triangulaire).
S’il n’y a pas de risque d’ambigu¨ıt´e, la norme d’un ´el´ement x est not´ee || x ||.
Une distance est une application qui formalise l’id´ee intuitive de distance, c’est-`a-dire la longueur qui s´epare deux points. Plus formellement, on appelle distance sur un ensemble
E une application :
d : E× E → R+,
v´erifiant les axiomes suivants :
1. ∀x, y ∈ E, d(x, y) = d(y, x) (sym´etrie), 2. ∀x, y ∈ E, d(x, y) = 0 ⇔ x = y (s´eparation),
3. ∀x, y, z ∈ E, d(x, z) ≤ d(x + y) + d(y + z) (in´egalit´e triangulaire).
`
A partir de la d´efinition d’une distance, vue comme une application satisfaisant `a certains axiomes, d’autres notions de distance peuvent ˆetre d´efinies, comme par exemple la distance entre deux parties, ou la distance d’un point `a une partie, sans que ces derni`eres
r´epondent `a la d´efinition premi`ere d’une distance. En l’occurrence, on s’int´eresse `a la notion de distance dans un espace vectoriel norm´e.
Dans un espace vectoriel norm´e (E, @ @), on peut toujours d´efinir de mani`ere canonique une distance d `a partir de la norme. En effet, il suffit de poser :
∀(x, y) ∈ E × E, d(x, y) = @y − x@.
Le produit scalaire est une op´eration alg´ebrique s’ajoutant aux lois s’appliquant aux vecteurs. `A deux vecteurs elle associe leur produit scalaire, qui est un nombre (ou scalaire). Elle permet d’exploiter les notions de la g´eom´etrie euclidienne traditionnelle : longueurs, angles, orthogonalit´e en dimension deux et trois, mais aussi de les ´etendre `a des espaces vectoriels r´eels de toute dimension, et aux espaces vectoriels complexes. Plus formellement, soit E une espace vectoriel sur K, on appelle produit scalaire sur E une application :
f : E× E → C
v´erifiant les propri´et´es suivantes : 1. ∀u, v ∈ E, f(u, v) = f(v, u),
2. ∀u, v, w ∈ E, f(u + v, w) = f(u, w) + f(v, w), 3. ∀a ∈ C, ∀u, v ∈ E, f(u, av) = af(u, v),
4. ∀u ∈ E, f(u, u) := 0, avec l’´egalit´e si et seulement si u = 0.
Autrement dit, un produit scalaire est une forme bilin´eaire d´efinie positive. Espace vectoriel euclidien, hermitien, pr´ehilbertien :
Un espace vectoriel E sur K muni d’un produit scalaire est dit pr´e-hilbertien. En particulier, si K = R (K = C) et E est de dimension finie, E est dit ´egalement euclidien (hermitien).
Espace m´etrique/norm´e :
Un espace m´etrique/norm´e est une structure math´ematique qui d´eveloppe des propri´e- t´es g´eom´etriques de distance compatible avec les op´erations de l’alg`ebre (lin´eaire).
De mani`ere plus formelle : soit K un corps muni d’une valeur absolue, et non dis- cret (par exemple le corps des r´eels ou des complexes). Un K-espace vectoriel E est dit m´etrique/norm´e lorsqu’il est muni d’une distance/norme.
Espace complet :
Un espace norm´e N est dit complet si toute suite de Cauchy de N a une limite dans N (c’est-`a-dire qu’elle converge dans N). La propri´et´e de compl´etude d´epend de la norme. Il
est donc important de toujours pr´eciser la norme que l’on prend quand on parle d’espace complet.
Sans rentrer dans les d´etails formels de la d´efinition, il suffit de comprendre qu’intuiti- vement, un espace est complet s’il « n’a pas de trou », s’il « n’a aucun point manquant ». Par exemple, les nombres rationnels ne forment pas un espace complet, puisque√2 n’y figure pas alors qu’il existe une suite de Cauchy de nombres rationnels ayant cette limite. Il est toujours possible de « remplir les trous » amenant ainsi `a la compl´etion d’un espace donn´e.
Espace de Banach :
On appelle espace de Banach un espace vectoriel norm´e complet. Espace de Hilbert :
Un espace de Hilbert est un espace de Banach dont la norme @ @ d´ecoule d’un produit scalaire ou hermitien 7 , 3 par la formule @ x@ =@7x, x3. C’est la g´en´eralisation
en dimension quelconque d’un espace euclidien ou hermitien.
De fa¸con plus « pratique » (th´eor`eme de M. Fr´echet, J. von Neumann et P. Jordan), un espace de Banach (respectivement espace vectoriel norm´e) est un espace de Hilbert (respectivement espace pr´ehilbertien) si et seulement si sa norme v´erifie l’´egalit´e :
@x + y@2+ @x − y@2 = 2(@x@2+ @y@2).
Cette ´egalit´e signifie que la somme des carr´es des cˆot´es d’un parall´elogramme est ´egale `a la somme des carr´es des diagonales (r`egle du parall´elogramme).
Un peu de g´eom´etrie projective
A l’origine...
La g´eom´etrie projective est le domaine des math´ematiques qui mod´elise les notions intuitives de perspective et d’horizon. Elle ´etudie les propri´et´es des figures inchang´ees par projection. La g´eom´etrie projective, par rapport `a la g´eom´etrie euclidienne ordinaire, est la « science des figures qui se tracent avec la r`egle seule », alors que la g´eom´etrie euclidienne est, en quelque sorte, « la science des figures qui se tracent `a la r`egle et au compas ». La premi`ere ignore les droites parall`eles, les droites perpendiculaires, les isom´etries, les cercles, les triangles rectangles, isoc`eles, etc. Ainsi dans sa d´efinition comporte-t-elle moins d’axiomes que la g´eom´etrie euclidienne et en cela est-elle plus g´en´erale, « plus souple ».
On va donner une petite id´ee de ce qu’est la g´eom´etrie projective sur un corps (cf. section B.1), cas le plus simple et le plus concret afin d’appr´ehender ce qu’est cette g´eo- m´etrie si particuli`ere. Ensuite, et c’est ce qui est d´eterminant pour les chapitres 4 et 5, on s’int´eressera `a une vision de la g´eom´etrie projective `a la fois, plus g´en´erique, puisqu’elle s’appliquera aux anneaux (finis), et plus particuli`ere, puisqu’on ne parlera que de droites, plans, et espaces projectifs (cf. section B.2). Seront introduites ´egalement d’autres entit´es de la g´eom´etrie projectives (cf. section B.3).