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Espace de Fock et calcul stochastique quantique

1.2 Syst`emes quantiques ouverts

1.2.3 Espace de Fock et calcul stochastique quantique

Dans cette partie, nous allons introduire la notion d’espace de Fock ainsi que son utilisa-tion en m´ecanique quantique des syst`emes ouverts. Cette ´etude pr´esente plusieurs int´erˆets. D’une part, elle va nous permettre d’´etablir le fait que tout semi-groupe d’´evolution agis-sant sur un syst`eme quantique peut ˆetre obtenu comme une dilatation. Toute ´evolution de ce type pourra alors ˆetre int´erpret´ee comme une interaction entre un petit syst`eme et un espace de Fock. D’autre part, nous allons ´egalement introduire la notion de calcul stochas-tique quanstochas-tique qui est un ´el´ement important dans la litt´erature concernant l’´etude des trajectoires quantiques.

Bien que les r´esultats que nous allons exposer ici ne sont pas utilis´es directement dans les articles de cette th`ese, les th´eories qui vont suivre constituent le contexte g´en´eral auquel nous faisons souvent r´ef´erence.

Plus pr´ecisemment, nous allons d´efinir la notion d’espace de Fock sym´etrique de multi-plicit´e finie. Typiquement, en physique ceci caract´erise par exemple ce qu’on appelle champ de bosons ; on parle parfois d’espace de Fock bosonique. Notre expos´e n’a pas pour objet de faire une pr´esentation exhaustive de la th´eorie des espaces de Fock, il s’agit ici d’introduire simplement les ´el´ements de base.

Espace de Fock de multiplicit´e finie

L’espace de Fock de multiplicit´e K est d´efini par : Φ(K) = C⊕M

n≥1

L2 R+, CK◦(n)

, (1.26)

o`u l’espace L2 R+, CK◦(n)

correspond au produit tensoriel sym´etris´e de n copies de L2 R+, CK

. On d´efinit ´egalement pour s < t Φ(K)[s,t] = CKM

n≥1

L2 [s, t], CK◦(n) .

Nous ne rentrerons pas dans les d´etails de cette d´efinition, notre ´etude de ces espaces sera essentiellement bas´ee sur l’interpr´etation de Guichardet. Cette interpr´etation sera d’ailleurs prise comme d´efinition de ces espaces (il sera tr`es peu fait r´ef´erence `a la d´efinition (1.26)). L’interpr´etation de Guichardet est la suivante. Soit I ={1, . . . , K}, on d´efinit Ω(K)n (R+) comme l’ensemble des parties finies de la forme {(s1, i1), . . . , (sn, in)} o`u les si sont des

´elements de R+tous distincts deux `a deux et les ij sont des ´el´ements de I. On identifie (ou on d´efinit) alors Φ(K) avec l’espace des fonctions de carr´e int´egrable sur

(K)(R+) = [

n≥0

(K)n (R+).

La mesure sur l’espace Ω(K)(R+) est d´efinie de la mani`ere suivante. On identifie Ω(K)n (R+) avec le simplexe

Σ(K)n ={0 < t1 < . . . , tn} × I.

On munit alors cet ensemble Ω(K)n (R+) du produit de la mesure de Lebesgue sur le simplexe et de la mesure de comptage sur I. Pour n = 0 on note δ la mesure d´efinie sur Ω(K)0 (R+). Ainsi Ω(K)(R+) h´erite d’une structure d’espace mesur´e et nous prendrons comme d´efini-tion de l’espace de Fock de multiplicit´e K

Φ(K) = L2(Ω(K)(R+)).

Un ´el´ement de Φ(K) est donc une fonction f : Ω(K)(R+)−→ C telle que : |f(∅)|2+X n X i1,...,in∈I Z t1<...<tn |f({(t1, i1), . . . , (tn, in)})|2dt1. . . dtn<∞.

Dans cette ´ecriture on a identifi´e un ´el´ement σ de Ω(K)(R+) avec une famille{σ1, . . . , σK} o`u σi ={s ∈ R+; (s, i)∈ σ}. Ainsi f ∈ Φ(K) si et seulement si

Z

Ω(k)(R+)|f(σ)|2dσ <∞.

Un exemple important d’´el´ement de Φ(K)est celui des vecteurs coh´erents. Pour tout ´el´ement f ∈ L2(R+, CK) on d´efinit le vecteur coh´erent e(f ) par

[e(f )](σ) = Πi∈IΠs∈σifi(s).

L’espace engendr´e par les vecteurs coh´erents sera not´e E. Nous ferons souvent r´ef´erence `a ce domaine notamment lorsque nous aborderons les trajectoires quantiques. Ce domaine `a ´egalement une grande importance dans la th´eorie du calcul stochastique quantique.

La premi`ere ´etape dans la construction de l’int´egrale stochastique concerne la propri´et´e suivante de tensorialit´e de l’espace de Fock.

Proposition 1.6 Pour tous r´eels s et t tels que s < t on a l’isomorphisme suivant Φ(K) ≃ Φ(K)[0,s]⊗ Φ(K)[s,t]⊗ Φ(K)[t,∞[.

Cette propri´et´e est essentielle pour d´efinir ensuite la notion de calcul stochastique quan-tique. En effet, elle est `a rapprocher par exemple de la notion d’ind´ependance des accrois-sements d’un processus stochastique. Avant de d´efinir la notion d’int´egrale stochastique nous allons ´etudier la notion de processus dans l’espace de Fock et d´efinir une premi`ere notion d’int´egrale.

On consid`ere les familles (χi

t) pour i ∈ I telles que : χit(σ) =

(

1[0,t[(s) si σ = (s, i)

0 sinon. (1.27)

Il est alors important de remarquer que pour tout i ∈ I la fonction χi

t est un ´el´ement de Φ(K)[0,t[.

La famille (χi

t) v´erifie la propri´et´e d’adaptation suivante. On dit qu’un processus (ft) d’´el´ements de l’espace de Fock Φ(K) est adapt´e si t → ft est mesurable et que ft ∈ Φ(K)[0,t[ pour tout t. Il est alors clair que (χi

t) est un processus adapt´e pour tout i.

Nous allons d´efinir une notion d’int´egrale par rapport `a cette famille de courbes. Pour tout processus adapt´e (ft) de Φ(K), on pose pour tout i∈ I

Z 0 ftit(σ) = ( ftn(σ\ (tn, in)) si σ = (s1, i1), . . . , (tn, in) avec in= i 0 sinon. (1.28)

On a alors le th´eor`eme suivant ([Att08]).

Th´eor`eme 1.7 Tout ´el´ement f de Φ(K) admet la notion suivante de repr´esentation caho-tique f = f (∅) +X n X i1,...,in∈I Z t1<...<tn f ((t1, i1), . . . , (tn, in))dχi1 t1, . . . dχin tn

On peut alors interpr´eter ceci de la mani`ere suivante (pour de plus amples d´etails, le lec-teur int´eress´e trouvera des r´ef´erences compl`etes dans [Att08]). Dans un premier temps, on remarque que pour tout i∈ I l’´el´ement χi

t−χi

sest un ´el´ement de Φ[s,t[. L’´el´ement diff´erentiel dχi

t peut donc ˆetre “consid´er´e” comme un ´el´ement de “Φ[t,t+dt[”. Ainsi {1, dχ1

t, . . . , dχK t } forme une “base” de Φ[t,t+dt[. On a alors une notion de produit tensoriel continu, c’est `a dire, Φ(K)O t≥0 Φ(K)[t,t+dt[O t≥0 CK+1. (1.29)

Cette notion sera renforc´ee et pr´ecis´ee lorsque nous aborderons, dans la section 1.3, les r´esultats d’approximation de l’espace de Fock continu Φ(K) par un b´eb´e Fock. D´ecrivons maintenant les op´erateurs de base de l’espace de Fock et notamment les bruits quantiques.

Bruits quantiques

Pour tout s∈ R+, on d´efinit l’ensemble {s}i de Ω(k)(R+) par {s}i ={∅, . . . ∅, {s}, ∅, . . . , ∅},

o`u {s} apparaˆıt en i`eme position. On d´efinit les bruits quantiques ai

j(t) agissant sur les ´el´ements de Φ(K) pour i, j = 0, . . . , k par

[a0i(t)f ](σ) = X s∈σi∩[0,t] f (σ\ {s}i) (1.30)  ai 0(t)f (σ) = Z t 0 f (σ∪ {s}i)ds  ai j(t)f (σ) = X s∈σi∩[0,t] f (σ\ {s}i∪ {s}j) pour (i, j)6= (0, 0) et a00(t) = tI. Ces op´erateurs (sauf a0

0) sont non born´es et ont donc un domaine diff´erent de Φ(K). Un exemple de domaine souvent utilis´e

D =  f ∈ Φ(K); Z Ω(K)K(R+) |σ|f(σ)|2dσ <∞  .

L’espace E est ´egalement un domaine pour ces op´erateurs. Cet espace est tr`es utile dans les applications et on obtient les r´esultats suivants ([Att08])

ai0(t)e(f ) = Z t 0 fi(s)ds e(f ) he(f), a0i(t)e(g)i = Z t 0 gi(s)dshe(g), e(f)i he(f), aji(t)e(g)i = Z t 0 gi(s)fj(s)dshe(g), e(f)i.

Apr`es avoir d´efini les bruits quantiques, nous allons donner un sens `a une int´egrale stochastique par rapport `a ces bruits.

Int´egrale stochastique quantique

La propri´et´e importante qui va nous permettre de d´efinir l’int´egrale stochastique quan-tique est la propri´et´e de tensorialit´e de l’espace de Fock. Consid´erons une partition Π = {0 = t0 < t1 < . . . < tp < . . .}. Une g´en´eralisation de la proposition (1.6) donne

Φ(K)O

p∈N

Il est alors important de remarquer qu’un op´erateur de la forme ai

j(t)− ai

j(s) avec s < t n’agit que sur Φ(K)K[s,t[. Plus pr´ecis´ement, sur le produit tensoriel Φ(K) ≃ Φ(K)[0,s[⊗ Φ(K)[s,t[ ⊗ Φ(K)[s,∞[, l’op´erateur ai j(t)− ai j(s) est de la forme I ⊗ (ai j(t)− ai j(s))(K) [s,t[ ⊗ I.

Comme pour l’int´egrale stochastique, cette propri´et´e “d’ind´ependance” des accroissements permet de d´efinir une notion d’int´egrale stochastique en consid´erant des sommes de

Rie-mann de la forme X

p

Htp(aij(tp+1)− aij(tp)),

o`u les Htp sont de la forme Htp ⊗ I sur Φ[0,t(K)p[⊗ Φ(K)[tp,∞[. Cette propri´ete d’adaptation est l’´equivalent de celle, en th´eorie classique, de l’int´egration stochastique. On d´efinit alors proprement la notion d’une int´egrale stochastique quantique par rapport aux bruits quan-tiques, c’est `a dire des int´egrales du type

Z

0

Hsdaij(s),

`a partir de limite de sommes de Riemann. Nous ne rentrerons pas d’avantage dans les d´etails concernant la validit´e de la d´efinition de ces int´egrales stochastiques quantiques (condition d’int´egrabilit´e, domnaine des op´erateurs, voir [Att08] pour des r´ef´erences compl`etes...).

Nous allons maintenant d´ecrire rapidement la mani`ere d’obtenir des r´esultats de dila-tations `a partir de la solution d’une ´equation diff´erentielle stochastique.

Equations diff´erentielles stochastiques et dilatations

Soit H0 = CK+1 et Φ(K) l’espace de Fock de multiplicit´e K, on pose toujours I = {1, . . . , K}.

On consid`ere le syst`eme coupl´eH0⊗Φ(K). Comme ´etat de r´ef´erence sur Φ(K), on prend l’´etat vide d´efini de la mani`ere suivante. On d´efinit l’´el´ement Ω de Φ(K) par

Ω(σ) = 1σ=∅,

pour tout σ ∈ Ω(K)(R+). Le projecteur orthogonal sur l’espace engendr´e par Ω est alors appele´e ´etat vide (ground or vacuum state en anglais). Le cadre des ´equations diff´erentielles stochastiques quantiques est l’´etude des ´equations de la forme

dUt= X

0≤i,j≤K

LijUtdaij(t), (1.31)

o`u Lij sont des op´erateurs sur H0. On dit qu’un processus d’op´erateurs (Ut)t est solution de (1.31) sur un domaine D si pour tout f de D

Utf = U0f + " X 0≤i,j≤K Z t 0 LijUsdaij(s) # f.

Le th´eor`eme suivant permet de r´epondre aux questions d’existence et d’uncit´e pour ce type d’´equations ([HP84]).

Th´eor`eme 1.8 L’´equation (1.31) admet une unique solution (Ut) d´efinie sur le domaine exponentiel. Si, de plus, il existe un op´erateur H auto-adjoint sur H0 et des op´erateurs Si

j, i, j ∈ I tels que la matrice (Si

j)i,j∈I soit unitaire et des op´erateurs Li, i∈ I tels que 1. L0 0 =−(iH + 12Pi∈IL iLi) 2. L0 i = Li 3. Li 0 =−Pk∈IL kSk i 4. Li j = Si j− δijI,

alors l’´equation (1.31) admet une unique solution (Ut) constitu´ee d’op´erateurs unitaires. On peut alors ´enoncer le th´eor`eme concernant le r´esultat de dilatation.

Th´eor`eme 1.9 Soit (Ut) un processus solution de l’´equation (1.31) satisfaisant les condi-tions (1, 2, 3, 4) du th´eor`eme 1.8, alors pour tout op´erateur X ∈ B(H0) et tout ´etat ρ de H0 on a T rh Ut(ρ⊗ |ΩihΩ|)Ut(X ⊗ I)i= T r[etL(ρ)Xi , avec L(ρ) = −i[H, ρ] + 12X i∈I  2LiρLi − ρLiLi− LiLiρ

Ce th´eor`eme r´epond donc de fa¸con positive au probl`eme de dilatation. Il faut souli-gner que ce th´eor`eme reste valide lorsque l’espace de Hilbert H0 est s´eparable. Le lecteur int´eress´e pourra consulter [Att08].

Remarque : La notation Li

j (avec les indices en haut et en bas) dans l’expression de l’´equation diff´erentielle stochastique est la notation commun´ement utilis´ee (elle correspond `a la notation des bruits quantiques). Dans les diff´erents articles, nous avons choisi la no-tation Lji et nous conserverons cette notation dans la suite de notre propos. Une telle notation correspond `a la notation habituelle des matrices (indice de ligne et de colonne) et dans la suite nous allons consid´erer les unitaires d´ecrivant les interactions comme des matrices `a valeurs op´erateurs (de la mˆeme mani`ere que celle utilis´ee pour d´ecrire l’unitaire U dans l’exemple introduisant la notion d’application compl`etement positive). La corres-pondance est donc la suivante Li

j ↔ Lji (cette remarque n’aura plus lieu lorsque nous nous int´eresserons aux trajectoires quantiques dans le chapitre 2 car il n’y aura plus de confusions possibles).

Dans la suite, nous ´ecrirons donc les ´equations diff´erentielles stochastiques quantiques sous la forme

dUt= X

0≤i,j≤K

Les r´esultats des th´eor`emes 1.8 et 1.9, expos´es ci-dessus, concernent le cadre ”continu” de l’´etude des syst`emes quantiques ouverts. Nous allons introduire maintenant une version discr`ete de ces mod`eles.