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V ERS UNE COHABITATION ENTRE BM LINEAIRES ET CIRCULAIRES AU SEIN DE GRANDES ENTREPRISES : QUELS ENJEUX ?

S OUS PARTIE 1 : ANALYSE GENEALOGIQUE (1960-2010) : VERS UNE CREATION ET UNE CAPTATION DE VALEUR PERENNES DES BUSINESS MODELS CIRCULAIRES ?

ENVIRONNEMENTALES : ENTRE CREATION LIMITEE ET CAPTATION PREDATIVE DE VALEUR

1. V ERS UNE COHABITATION ENTRE BM LINEAIRES ET CIRCULAIRES AU SEIN DE GRANDES ENTREPRISES : QUELS ENJEUX ?

L’analyse généalogique que nous avons menée permet de mieux appréhender la situation de départ de notre recherche-intervention. Nous l’avons resituée dans la dynamique d’évolution des logiques de création et de captation de valeur dans lesquelles elle s’inscrit, au niveau de l'activité, de l'entreprise, ainsi qu'à un niveau plus collectif.

Dans le long terme, et à partir de premières coopérations exploratoires notamment impulsées par la puissance publique, un processus d’action collective a ainsi fait émerger de nouveaux business

models circulaires dépassant le stade de simples expérimentations locales de petite taille. Il leur a permis de progressivement monter en puissance, tant par les volumes que par une logique de qualité qui a commencé à optimiser la valeur des matériaux et des pièces d’occasion proposés, ainsi que d’être diffusés, moyennant réappropriations et modifications, à de plus nombreux acteurs.

Une première logique de répartition des rôles entre TPE, PME et grandes entreprises a présidé jusque dans le courant de la décennie 2000. De nombreuses TPE, dispersées sur le territoire à l’image

des gisements de produits en fin de vie et qui se sont progressivement associées dans des réseaux lâches d’acteurs, constituaient les possesseurs de gisements de déchets. Des PME de taille variable se situaient aux maillons suivants des chaînes de valeur concernant le recyclage, et avaient développé de nouvelles activités et BM. Enfin, certaines premières grandes entreprises industrielles, qui n’étaient pas directement intéressées par des potentiels de valeur qui étaient jugés trop faibles, créaient de premiers marchés finaux pour la matière recyclée en choisissant d’en utiliser.

Certaines de ces grandes entreprises avaient également exercé de premiers éléments d'une activité que nous avons nommée « ingénierie de filière ». Comme nous l’avons introduit dans la partie

généalogique, elle vise à produire les divers supports matériels nécessaires à l'activité économique, que le sociologue français Laurent Thévenot (1986) appelle « investissements de forme », ainsi qu’à faire émerger et monter en puissance de nouveaux business models à différents maillons des chaînes ou réseau de valeur en jeu. Cependant, cette activité était seulement exercée de manière ponctuelle,

dans le cadre de programmes de R&D ciblés visant uniquement certains maillons ou nœuds de ceux- ci, à l’inverse d’une vision systémique qui les engloberait tous. Dans ce contexte, c'est l’itération de

cette activité, exercée de manière ponctuelle par divers collectifs d’acteurs, qui a dans le temps long amené à la montée en puissance et à la diffusion à un plus grand nombre d'acteurs des BMC étudiés. L’intensité avec laquelle les grandes entreprises se sont investies dans cette activité demeurait limitée

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par le fait que ces nouvelles activités de recyclage et de réemploi n’étaient pas intégrées, mais à l’inverse exercées par des acteurs extérieurs qui bénéficiaient des création et captation de valeur associées.

Les dernières années de la décennie 2000 amorcent toutefois une nouvelle rupture dans ces logiques de création et de captation de valeur. De premières grandes entreprises commencent en effet à développer des business models circulaires émergents, notamment par l'intégration de certaines nouvelles activités. Ces BM sont disruptifs de par leur caractère circulaire, dans des entreprises qui

fonctionnaient jusqu’à présent selon une logique linéaire. Des acteurs opérant des BM linéaires liés à la fin de vie sont concernés par cette dynamique. Des entreprises telles Suez-Environnement ou Veolia, anciennement spécialisées sur des activités linéaires telles la collecte de déchets en vue de leur incinération ou de leur mise en décharge, développent en effet des activités de recyclage. Des entreprises aux activités industrielles (Coca-Cola, Lafarge, GDF-Suez, Plastic Omnium, etc.) ou de service (La Poste) font des choix similaires.

Cette nouvelle dynamique de développement de BM circulaires dans des grandes entreprises établies au BM linéaire pose cependant un ensemble de questions. Quels types de BM circulaires ces

acteurs développent-ils, eux dont l’activité initiale est en général sans lien avec la fin de vie des produits ou les activités circulaires (fonctionnalité, remanufacturing, réutilisation, réemploi, recyclage) ? En développent-ils notamment en matière de réemploi de produits ou de composants et/ou de recyclage ? Dans ce dernier cas, visent-ils à recycler des produits en fin de vie ou des matières, et le cas échant lesquelles et en fonction de quels critères ? Cette dynamique interroge également leurs motivations stratégiques, ainsi que les processus par lesquels ces entreprises établies arrivent à faire émerger puis monter en puissance de nouveaux BMC pérennes. De même, quel peut être l’impact de cette intégration d’activité sur les modalités selon lesquelles ces entreprises exercent une activité d’ingénierie de filière, dans la mesure où elles n’accompagnent plus seulement des acteurs extérieurs, mais s’engagent dans un processus de création et de captation directes de valeur ? Parmi les autres problématiques qui émergent de cette dynamique, se pose la question des impacts pour ces organisations de cette coexistence de BM circulaires et linéaires potentiellement concurrents au sein d’un même portefeuille, ainsi que des interactions positives qui peuvent être organisées entre ceux- ci. Enfin, au-delà de ces questions relatives aux BM stricto sensu, comment traduire en réalité organisationnelle ces nouveaux BM par des artefacts, et comment la structure organisationnelle préexistante de ces entreprises, historiquement conçue par rapport à des logiques de création et captation de valeur linéaires, peut-elle impacter ces nouveaux BMC émergents ?

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UN PILOTAGE DU RECYCLAGE ET DU REEMPLOI AU TRAVERS D

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