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II. DETERMINANTS GENETIQUES DES COMPLICATIONS DU DIABETE

6. Epigénétique

L’épigénétique est un système de régulation de l’expression des gènes qui agit sans en affecter leur séquence. Il comprend des modifications post- transcriptionnelles et post-traductionnelles du nucléosome par 3 mécanismes principaux (Figure 33) :

• la méthylation de l’ADN,

• les modifications post-transcriptionnelles des histones, • les ARN non codants.

Figure 33 Représentation des mécanismes épigénétiques de régulation de la transcription (Source : Reddy MA Cardiovasc Res 2010)

Méthylation de l’ADN

Des îlots de dinucléotides (CpG) tout au long du DNA sont positionnés au niveau du promoteur et/ou du premier exon de plus de 60% des gènes humains.

La méthylation est catalysée par des ADN méthyl-transférases (DNMT pour DNA méthyl-transférase) et entraîne le transfert d’un groupement méthyle sur la cytosine précédant la guanine.

La plupart des îlots CpG du génome sont méthylés par défaut tandis que les CpG des îlots des régions promotrices sont déméthylés. La méthylation des CpG est généralement corrélée avec une répression transcriptionnelle des promoteurs.

Une étude menée sur des cellules d’îlots de pancréas d’origine humaine a montré qu’une hyperméthylation du gène PPARGC1A (pour peroxisome proliferator-activated receptor gamma, coactivator 1 alpha) avait pour conséquence de diminuer la production d’insuline318.

Le profil de méthylation de l’ADN a été exploré dans des modèles cellulaires humains de ND (cellule mésangiale et tubulaire proximale soumis à stimulation par des périodes d’hyperglycémie ou mis en présence de TGFβ-1). Environ 20% des gènes explorés présentaient une méthylation différentielle319.

Un GWAS récent320 a permis d’identifier chez des DT1, 19 sites CpG associés

au risque de ND dont notamment un site hyperméthylé situé dans la région régulatrice de UNC13B déjà mis en évidence dans des études d’association160. Sapienza et al. ont regardé le profil de méthylation de plus de 27 000 sites CpG (>14 000 gènes) dans une étude cas contrôle sur l’IRCT chez des patients diabétiques. Ils ont montré que 10% des sites avaient une méthylation différentielle. Des signaux concernant des gènes déjà identifiés au cours d’étude de liaison ou d’association ont été retrouvés comme des gènes impliqués dans la matrice extracellulaire (MMP10) ou le métabolisme de l’homocystéine (MTHFR)321.

Dans un modèle d’exposition in utero à des hyperglycémies modérées (fœtus de mère présentant un DT1), il a été montré l’existence d’altérations du profil de méthylation pangénomique (dont une hypométhylation du gène de la DNMT1) qui s’associaient à des anomalies de fonction rénale, à l’âge adulte, chez les descendants de mères diabétiques322.

Modifications post-transcriptionnelles des histones

Le nucléosome est l’unité fondamentale de la chromatine et rassemble environ 200 pb d’ADN enroulées autour de huit protéines histones (deux exemplaires de chacun des histones H2A, H2B, H3 et H4) accompagnées de l’histone H1. Il existe par ailleurs plusieurs formes protéiques des histones qui présentent des homologies de séquence variable et sont codées par différents gènes. Ces variants d’histone sont appelés « histones majeures » selon qu’ils interviennent pendant la phase S pour répondre aux besoins massifs d’histones de la réplication ou « histone de remplacement » lorsqu’ils interviennent en dehors de la phase S (action en dehors de la période de synthèse de l’ADN).

Des enzymes viennent moduler l’action du nucléosome :

• Histone acétyltransférase (HAT) qui a une action d’acétylation sur des lysines provoquant une ouverture de la chromatine et une activation de la transcription des gènes,

• Histone dé-acétylase (HDAC) qui a une action de dé-acétylation des lysines et une répression de la transcription des gènes,

• Protéine arginine transférase (PRMT) qui a une action de mono/diméthylation de résidu arginine et une activation de la transcription des gènes,

• Histone méthyltransférase (HMT) qui a une action de méthylation sur des lysines spécifiques mais également sur les arginines ou certaines familles de protéines à domaine SET (pour Su(var)3-9, Enhancer of Zeste, Trithorax).

Cette méthylation présente un impact fonctionnel direct : l’histone 3 méthylée sur la lysine 4 (H3K4me) entraîne une configuration active de la chromatine (euchromatine) et une activation des gènes, tandis que, lorsqu’elle est méthylée sur la lysine 9 ou 27 (H4K9me, H4K27me) elle entraîne aussi une configuration inactive de la chromatine (hétérochromatine) et une répression des gènes.

• Histone déméthylase comme la Lysine specific demethylase (ou LSD ou KDM) a une action de déméthylation sur la lysine 4 de l’histone H3 mais également sur la peptidyl-arginine deiminase 4 (PADI4) et les proteines F- box protein 10 et 11 (FBXL10/11).

D’autres mécanismes peuvent également participer aux modifications post transcriptionnelles des histones comme la phosphorylation (sur des sérines ou thréonines par des kinases) l’ubiquitination (fixation d'une ou de plusieurs protéines d'ubiquitine), l’ADP ribosylation (transfert d’un groupement ADP- ribose par la poly-ADP-ribose polymérase) ou la sumoylation (liaison covalente avec une ou plusieurs protéines de la famille SUMO).

Ces modifications ont un impact sur l’accessibilité de la machinerie transcriptionnelle à l’ADN. Il a été montré que l’hyperglycémie provoquait dans les cellules endothéliales de l’aorte de souris une monométhylation de H3K4 dans la région promotrice d’une sous-unité de NF-κB323.

Les HDAC et particulièrement les sous-familles de classe I et II ont été impliquées dans la genèse de l’hypertrophie musculaire cardiaque324,325.

Une étude sur le génome entier menée sur des cellules mononuclées du sang périphérique soumises à des conditions hyperglycémiques a montré des variations des profils de méthylation de H3K4me2 et H3K9me2326.

La notion de « mémoire métabolique » est issue des résultats du suivi long terme des essais cliniques DCCT-EDIC327-329 et UKPDS (ou metabolic memory DCCT-EDIC ou legacy effect UKPDS) où les effets bénéfiques vasculaires long terme persistaient au delà des périodes de bon contrôle glycémique. Certaines données sont venues conforter l'hypothèse selon laquelle des modifications épigénétiques et notamment post-transcriptionnelles des histones pourraient jouer le rôle de support pour cette mémoire hyperglycémique ou métabolique330.

En effet, dans des modèles murin de DT1 induit par la streptozotocine (STZ)331 mais également dans des modèles cellulaires323,332, il a été mis en évidence que l’activation de voies de l’inflammation et du stress oxydant persistait après le retour à l’euglycémie.

Les ARN non codants

Le transcriptome est composé d’ARN codants mais également d’ARN non codants qui peuvent interférer avec la traduction de l’ARN messager ainsi que le contrôle de l’épissage ou l’inactivation spécifique de certains gènes. On définit ces ARN non codants en fonction de leur taille. Les longs ARN non codants ont une taille de plus de 200 nucléotides et leur rôle ainsi que leur localisation sont partiellement connus. Les micro ARN (ou miRNA), mieux connus, sont des ARN non codants constitués d’environ 20 nucléotides qui ciblent les régions 3’UTR de certains ARNm dans le but de les dégrader ou d’en inhiber la traduction333.

De nombreux miRNA ont été associés à la régulation de gènes de voies métaboliques impliquées dans les complications du diabète333.

Ainsi, dans des modèles murins de ND (modèle DT1 de type STZ et modèle DT2 de type db/db), le TGF-β1 augmente l’expression de miR-192 et miR-216a dans les cellules mésangiales184. Le miR-192 réprime la transcription de ZEB2 qui est lui même un répresseur transcriptionnel du gène du collagène col1a2. Le miR-216a, quant à lui, réprime YB-1 qui augmente l’expression de col1a2 d’une part et l’expression de TGF-β1 par les cellules tubulaires proximales d’autre part, créant une boucle favorable à la fibrogénèse. Il a été montré également l’implication de mir-21 qui cible PTEN334 et miR-377 qui cible MnSOD335.

Concernant la cardiopathie diabétique, dans un contexte d‘hyperglycémie la régulation de miR-1/miR-206 sur le gène Pim-1 entraîne une hypertrophie des cardiomyocites dans un modele de souris STZ336 tandis que celle de miR-133 sur les gènes SRF et ERG entraîne des troubles de la conductivité cardiaque dans un modèle de lapin337.

Le VEGF est impliqué dans les complications microvasculaires du diabète et, en particulier, la RD où il est augmenté338. L’hyperglycémie réduit, chez la souris, l’expression de miR-93 qui cible VEGF-A, ce qui a pour impact d’augmenter l’expression de VEGF-A339 qui est également la cible de miR- 200340.

Les effecteurs des mécanismes épigénétiques sont autant de cibles thérapeutiques potentielles. Les HDAC et les DNMT peuvent être ciblés par des inhibiteurs (HDACi et DNMTi ou DNi). A ce jour plusieurs molécules ont été approuvées par les agences réglementaires essentiellement dans le champ du cancer :

• vorinostat (ZOLINZA®) est un HDACi utilisé dans la le lymphome T cutané réfractaire,

• 5-azacytidine (VIDAZA®) and decitabine (DACGEN®) sont des DNMTi utilisés dans les myélodysplasies.

D’autres représentants de ces familles sont actuellement en cours d’évaluation comme le HDACi multicible panobinostat dans la leucémie myéloïde chronique, le myélome multiple ou les myélodysplasies.

De manière intéressante, le gène du transporteur de glucose GLUT4 est régulé par HDAC5 qui pourrait bénéficier à l’avenir d’une thérapeutique ciblée341. Certaines données suggèrent également que les inhibiteurs sélectifs de HDAC3 pourraient être efficaces dans la prévention de l’apoptose des cellules bêta induite par les cytokines342,343.

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