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I. INTRODUCTION

3. Complications du diabète

3.2. Complications vasculaires

Le diabète est une des principales causes de cécité, d’amputation, d’insuffisance rénale et de maladie cardiaque.

Il est à noter que le patient diabétique peut présenter également des complications métaboliques (coma hyperosmolaire ou acido-cétosique, hypoglycémie et acidose lactique), cutanéo-muqueux ou ostéo-articulaires mais seules les complications cardiovasculaires et rénales seront développées ici. Le Tableau 2 montre la prévalence des complications du DT2 de l’étude française ENTRED en 200716.

Tableau 2 Prévalence des complications du diabète de type 2 dans l'étude ENTRED (Source : Fagot Campagna BEH 2009)

Les complications vasculaires sont habituellement dichotomisées en complications microvasculaires (microvaisseaux de la rétine, des reins et des nerfs) d’une part et macrovasculaires (aorte et coronaires, carotides et artères de membres) d’autre part.

A. Microangiopathies

Reins et Néphropathie

EPIDEMIOLOGIE

Le diabète est la 1ère cause d’Insuffisance rénale chronique terminale (IRCT) nécessitant une suppléance rénale (dialyse ou greffe rénale). D’après l’OMS, 10 à 20% des sujets diabétiques meurent d’une insuffisance rénale.

En France, dans l’étude ENTRED 2007-2010, 19% des patients présentaient un débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) <60 ml/min16.

D’après le registre REIN (pour Réseau Epidémiologie et Information en Néphrologie), qui a pour objectif de collecter l’information des patients bénéficiant d’un traitement de suppléance de leur IRCT, les patients diabétiques représentent 22,8% des nouveaux patients pris en charge dialyse en 2006, c'est-à-dire autant que ceux arrivant en dialyse à cause d’une patholgie hypertensive ou vasculaire27.

Aux USA, l’enquête nationale NHANES (pour National Health and Nutrition Examination Survey) réalisée entre 2005-2008 rapporte que 14,9% des sujets diabétiques présentaient une microalbuminurie (EUA >30mg/l) et que 23,7% avaient une fonction rénale altérée avec un DFGe < 60 ml/min28.

Dans le registre américain des IRCT (dont le nom est USRDS pour United States Renal Data System), il avait été dénombré, en 2010, 224 000 patients diabétiques traités par dialyse29. Cela représentait une incidence annuelle de +50 000 nouveaux cas de dialyse dans la population des patients diabétiques (Figure 7).

Figure 7 Causes d'insuffisance rénale terminale aux USA entre 1980 et 2008 : à gauche en nombre et à droite en taux par millions (source :USRDS 2012 Annual Data Report )

PHYSIOPATHOLOGIE

La néphropathie diabétique (ND) est caractérisée par des altérations hémodynamiques avec hyperfiltration glomérulaire et hypertension artérielle (HTA) qui se traduisent d’un point de vue fonctionnel par une augmentation de l’excrétion urinaire d’albumine (EUA).

La microalbuminurie correspond à une EUA entre 30 et 300 mg/24h mais elle peut être également définie en fonction de la concentration d’albumine urinaire sur échantillon voire du rapport de la concentration d’albumine urinaire sur la concentration de créatinine urinaire (où ACR pour albumin/creatinin ratio). Le Tableau 3 présente les stades d’albuminurie en fonction de l’ACR ou de l’EUA.

Tableau 3 Définition des stades d'excrétion urinaire d'albumine (d’après Grimadi A Précis de diabétologie 2000 Ed Médecine Sciences-Flammarion)

Ratio albumine/créatinine Excrétion urinaire d’albumine

Stade Spot (mg/mmol créatinine) Spot (mg/g créatinine) Spot (mg/l) Récolte nocturne minutée (µg/min) Recueil sur 24 h (mg/24h) Normo- albuminurie Homme <2,5

Femme < 3,5 Homme < 20 Femme < 30 <20 <20 < 30 Micro-

albuminurie

Homme 2,5-25

Femme 3,5-35 Homme 20-200 Femme 30-300 20-200 20-200 30-300 Macro-

albuminurie (protéinurie)

Homme >25

Femme >35 Homme >200 Femme >300 >200 >200 > 300

La microalbuminurie est présente chez un quart des patients DT2 après 10 ans d’évolution de diabète30.

La microalbuminurie est, dans le DT2, un facteur de risque d’évolution vers la ND31 mais également un facteur de risque de complications cardiovasculaires32 et de mortalité cardiovasculaire33 ou toutes causes34.

Il a également été montré, dans le DT1, que les patients qui ne développaient pas de ND avait un risque de mortalité similaire à celui de la population générale tandis que ceux qui devenaient microalbuminuriques présentaient un taux de mortalité 2,8 à 6 fois plus élevé35,36.

Au niveau histologique, les lésions retrouvées sont situées :

o au niveau glomérulaire avec un épaississement de la membrane basale, une expansion de la matrice mésangiale et des anomalies des podocytes (réduction de l’expression de la néphrine),

o au niveau artériolaire avec un infiltrat sous-endothélial des artérioles afférentes et efférentes,

DIAGNOSTIC

Le diagnostic de ND est suspecté chez un diabétique de longue date (ancienneté > 10 ans ou présence concomittante de RD qui traduit l’exposition prolongée à l’hyperglycémie) en cas de macroalbuminurie persistante ou de DFGe <60ml/min/1.73m².

Une classification en 5 stades de la ND a été proposée à partir des travaux menés par Mogensen et al. dès les années 1980 dans le DT137 en s’appuyant sur des données anatomiques, histologiques et fonctionnelles (Tableau 4).

Tableau 4 Définition des stades de néphropathie diabétique (D’après Grimaldi A Précis de diabétologie 2000 Ed Médecine Sciences-Flammarion)

Stade de néphropathie dabétique Albuminurie Pression artérielle Débit de Filtration Glomérulaire

Stade 1 Hypertrophie rénale normale normale Elevée (+ 20%) Stade 2 Phase silencieuse normale normale Elevée à normale Stade 3 Néphropathie incipiens Microalbuminurie discrètement augmentée normale ou discrètement

augmentée

Stade 4 Néphropathie Macroalbuminurie (protéinurie) Souvent élevée Baisse de -10 ml/an (sans traitement) Stade 5 Insuffisance rénale Protéinurie massive Souvent élevée < 30 ml/min

L’évolution naturelle de la ND décrite par Mogensen et al. fait se succéder inexorablement les différents stades de ND par ordre de sévérité croissante jusqu'à l’IRCT et la mort. Néanmoins l’évolution spontanée de certains patients DT2 ne suit pas toujours cette linéarité car :

• au moment de leur diagnostic, 3% des DT2 présentent déjà une microalbuminurie,

• des données de l’étude UKPDS (pour United Kingdom Prospective Diabetes Study) ont montré que l’état de certains patients peut s’aggraver en « sautant » un stade30,

• des résultats de l’étude du Steno Diabetes Center ont montré après 8 ans de suivi des patients micro-albuminuriques DT2 qu’environ 1/3 restait microalbuminurique, 1/3 a régressé vers la normoalbuminurie et 1/3 tiers a progressé38,

• 20% des DT2 présentant un DFG< 60 ml/min ont une albuminurie normale39-41.

Cette notion de patients insuffisants rénaux normalbuminuriques est imagée par le résultat d’une cohorte de patients australiens en Figure 840.

Figure 8 Répartition graphique d’une population de 301 patients DT2 australiens en fonction de leur excrétion urinaire d’albumine (en colonne de gauche à droite : normo-, micro- et macro-) et leur fonction rénale (en ligne conservée en haut [DFGe >60ml/min] et altérée en bas [<60 ml/min]) (Source : Mac Isaac RJ Diabetes 2004)

L'histoire naturelle de l’atteinte rénale au cours du diabète est donc très hétérogène et non linéaire au regard de ces éléments. Il semble néanmoins, que l’incidence annuelle de l’évolution d’un stade de ND vers un stade supérieur se situe autour de 2-3%, tandis que le risque de décès augmente fortement avec la gravité de l’atteinte rénale. La Figure 9 propose un schéma de l’histoire naturelle de la ND chez des sujets DT2 à partir des données de l’étude UKPDS30.

Figure 9 Taux annuel de transition entre les stades de néphropathie diabétique d'après les données d’UKPDS (source : Adler AI Kidney Int 2003)

Le risque d’évolution vers l’IRCT a pu être modélisé et des scores de risque, issus des données d’études comme RENAAL (pour Reduction of Endpoints in NIDDM with the Angiotensin II Antagonist Losartan), sont disponibles pour une évaluation individuelle. Ils prennent en considération en plus de l’EUA, l’ACR, la créatininémie et le taux d’hémoglobine42.

Œil et rétinopathie diabétique

EPIDEMIOLOGIE

L’atteinte ophtalmologique du diabète est représentée par la rétinopathie même s’il existe également des atteintes de la cornée, du cristallin (anomalies de la réfraction et de l’accommodation, glaucome), des nerfs optiques et oculomoteurs.

L’OMS a estimé qu’en 2002, la RD était la cause de 5% des individus atteints de cécité soit 5 millions de personnes.

En 2005-2008 aux USA, 4,2 millions des personnes atteintes de diabète, âgées de 40 ans ou plus, avaient une RD dont 700 000 avaient une forme avancée qui aurait pu mener à la perte de vision sévère19.

En 2007 en France, 16,6% des patients de l’étude ENTRED avaient déjà bénéficié d’un traitement par photocoagulation par laser16 (ce qui représentait

une projection de 110 000 patients DT2 atteints en France cette même année). PHYSIOPATHOLOGIE

Les conséquences de l’hyperglycémie chronique (activation de la voie des polyols et de la PKCβ, production d’AGE et de radicaux libres) entraînent, au niveau des capillaires rétiniens, une augmentation de leur perméabilité (hémorragies et exsudats [nodule cotonneux]), des dilatations et la formation de microanévrysmes. Ces anomalies entraînent également une occlusion des capillaires puis des artérioles qui aboutit à une ischémie rétinienne. La sécrétion de facteur de croissance de l'endothélium vasculaire (VEGF pour Vascular Endothelial Growth Factor), en réponse à cette ischémie entraîne, à son tour, la formation d’une néo-vascularisation anormale et peu fonctionnelle.

Les phénomènes œdémateux prédominent dans la région centrale de la rétine, la macula, et les phénomènes occlusifs affectent surtout la rétine périphérique, du moins initialement.

La maculopathie diabétique peut se développer à tous les stades de la rétinopathie mais est d’autant plus fréquente que la RD ischémique est sévère. DIAGNOSTIC

La RD est composée de plusieurs lésions typiques identifiées au fond d’œil (FO) qui s’associent pour définir plusieurs stades d’atteinte (ALFEDIAM 1999) :

1. RD NON PROLIFERANTE

a. Minime (microanévrysmes isolés, hémorragies rétiniennes punctiformes peu nombreuses).

b. Modérée (nombreux microanévrysmes, hémorragies rétiniennes punctiformes, nodules cotonneux, signes d'ischémie rétinienne peu nombreux)

c. Sévère ou RD préproliférante

(plus de 20 hémorragies rétiniennes dans chaque quadrant et/ou anomalie veineuse en chapelet dans au moins 2

quadrants et/ou anomalies microvasculaires

intrarétiniennes [AMIR] dans un quadrant)

2. RD PROLIFERANTE (présence de néovaisseaux prérétiniens et/ou prépapillaires)

a. Minime (néovaisseaux prérétiniens < ½ de la surface papillaire

b. Modérée (néovaisseaux prérétiniens ≥ ½ de la surface papillaire et/ou néovaisseaux prépapillaires < ¼ à ⅓ de la surface papillaire)

c. Sévère (néovaisseaux prépapillaires ≥¼ à ⅓ de la surface papillaire)

d. Compliquée (avec hémorragie du vitré, décollement de rétine par traction, glaucome néovasculaire)

Neuropathie

Les neuropathies diabétiques font partie des complications spécifiques du diabète et recouvrent plusieurs entités cliniques en fonction du types de fibres nerveuses atteintes : poly/mononévrite sensitive et/ou motrice, neuropathie autonome (pupillaire, cardiovasculaire, sudoripare, gastro-intestinale, génito- urinaire…).

La prévalence de la neuropathie diabétique est très difficile à appréhender mais il est vraisemblable qu’environ 20% des sujets diabétiques en aient une présentation clinique.

Des convergences d’opinion de différentes associations mondiales de lutte contre le diabète ont permis d’établir des critères de diagnostic de classification des polynévrites sensitivo-motrices43,44 .

La définition de la polyneuropathie sensitivomotrice diabétique est basée sur l’existence de signes cliniques de polyneuropathie (comme la baisse de la sensibilité, l’apparition de dysesthésies, de sensations de brûlures ou de douleurs lancinantes) prédominant au niveau des pieds ou des jambes de manière symétrique et en association avec une hypo/aréflexie ostéotendineuse. Le diagnostic est confirmé par la présence d’une anomalie des tests de la conduction nerveuse. La définition actuelle propose quatre niveaux de neuropathie diabétique : possible, probable, confirmé ou infraclinique.

Les patients diabétiques peuvent présenter également des neuropathies autonomes au niveau cardiovasculaire, gastro-intestinal, uro-génital mais également au niveau de la fonction sudorale.

B. Macroangiopathies

L’hyperglycémie chronique induit des anomalies physiopathologies favorables au développement de l’athérosclérose chez le diabétique. Ces anomalies, qui associent une dysfonction endothéliale, des anomalies des fonctions plaquettaires couplées à un état pro-coagulant et des anomalies vasomotrices des cellules musculaires lisses vasculaires, jouent un rôle important de facilitateurs dans le développement à long terme de la maladie vasculaire chez les patients DT2.

Cœur et cardiopathie

EPIDEMIOLOGIE

Depuis l’étude de Framingham, qui avait suivi prospectivement une cohorte de 5345 hommes et femmes de 30 à 74 ans dans le Massachusetts (USA) pendant 12 ans dans les années 1970, il a été mis en évidence un risque augmenté de 2 à 3 fois de maladies cardiovasculaires chez les patients diabétiques. Il a également été mis en évidence que le risque d’insuffisance cardiaque congestive (ICC) chez les sujets diabétiques était multiplié par 2 chez les hommes et par 5 chez les femmes45.

En 2007 en France, dans l’étude ENTRED la prévalence de la cardiopathie ischémique (angor ou infarctus du myocarde [IDM]) et l’ICC étaient de 16,7% et 6,3%respectivement ce qui représentait une projection respectivement de 367 000 et 139 000 patients DT2 atteints en France cette même année par chacune de ces deux complications.

En 2004 aux USA, 68% des décès liés au diabète étaient dûs, selon les certificats de décès, à une maladie cardiaque chez les plus de 65 ans19.

La maladie coronaire du diabétique présente des spécificités qui la distingue de l’athérosclérose chez les sujets non diabétiques notamment parce qu’elle est plus diffuse et plus sévère mais aussi parce les plaques sont plus instables et plus distales. Par ailleurs, la présentation clinique est différente de celle des sujets non diabétiques avec des formes d’ischémie silencieuse plus fréquentes et une incidence de complications à type d’insuffisance cardiaque ou de récidive à la phase aiguë plus importante.

Il a d’ailleurs été récemment montré dans une population japonaise de patients DT2 que les coronaropathies asymptomatiques avec anomalies perfusionnelles myocardiques étaient présentes chez la moitié des patients présentant déjà d’autres complications micro ou macrovasculaires46.

La méta-analyse de Sarwar et al.24 a permis de montrer à partir des données de plus d’une centaine d’études prospectives (698 782 patients) qu’après ajustement sur les facteurs de risque cardiovasculaire connus (âge, tabagisme, indice de masse corporel [IMC] et pression artérielle systolique [PAS]) le risque de survenue de maladie coronarienne (fatale ou non) et le risque d’accident vasculaire cérébral étaient doublés chez les patients diabétiques (Hazard ratio [HR] 2,0 et 2,27 respectivement).

Le risque de maladie cardiovasculaire a pu être modélisé grâce à des scores de risque issus d’études en population générale comme Framingham47-50, ARIC

(pour Atherosclerosis Risk in Communities Study)51, DECODE (pour Diabetes Epidemiology: Collaborative analysis of Diagnostic criteria in Europe)52 ou SCORE (pour Systematic COronary Risk Evaluation project)53 ou plus

spécifiquement de populations diabétiques comme UKPDS54,55 ou ADVANCE56. Ces outils proposent une évaluation précise du risque cardiovasculaire (global ou décomposé) individuel chez le sujet diabétique.

Cerveau et Accident Vasculaire Cérébral

En 2007 en France, dans l’étude ENTRED la prévalence de l’AVC était de 5% des patients suivis ce qui représentait une projection de 110 000 patients DT2 atteints en France cette même année16.

En 2004 aux USA, 16% des décès liés au diabète étaient dûs, selon les certificats de décès, à un AVC chez les plus de 65 ans19.

Artériopathie des membres

En 2007 en France, dans l’étude ENTRED, la prévalence de l’amputation était de 15% des patients suivis ce qui représentait une projection de 33 000 patients DT2 amputés en France cette même année16.

Les complications artérielles du diabète sont la 1ére cause d’amputation non traumatique de membres inférieurs.

En 2006 aux USA, environ 65 700 amputations non traumatiques des membres inférieurs ont été réalisées chez des personnes atteintes de diabète.

Il est à noter que l’artériopathie des membres inférieurs aboutit d’autant plus fréquemment à des lésions nécessitant une amputation qu’elle est associée avec une neuropathie.

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