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Epidémiologie des cancers

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L’épidémiologie est, si l’on peut la résumer en quelques mots, la « science du risque en santé ». Elle a pour objet l’étude, dans l’espace et le temps, de la distribution des événements de santé (maladie, guérison, succès ou échec d’une méthode ou intervention) et de leurs déterminants dans les populations humaines, et pour finalité, la prévention des risques d’altération de la santé publique.

S’il existe autant de domaines de l’épidémiologie que de secteurs auxquels peuvent s’ap- pliquer cette science (pharmaco-épidémiologie, épidémiologie sociale, épidémiologie envi- ronnementale, épidémiologie clinique, etc.), on distingue généralement 3 grandes branches de l’épidémiologie :

1. L’épidémiologie descriptive, visant à établir un état des lieux en décrivant l’évé- nement de santé étudié (fréquence, répartition, variation temporelle) dans une po- pulation ;

2. L’épidémiologie analytique, visant à analyser l’association et la relation causale entre la survenue de l’événement de santé étudié et l’exposition à un ou plusieurs facteur(s) ;

3. L’épidémiologie opérationnelle, visant à (1) utiliser les connaissances et méthodes épidémiologiques pour le choix et la mise en œuvre d’actions de gestion sanitaire (mesure d’intervention ou programme de prévention), et (2) évaluer les résultats obtenus en termes d’impact sur un indicateur de risque.

Les principes, méthodes et indicateurs utilisés dans les études épidémiologiques sont essentiellement statistiques et s’articulent autour de la notion de risque.

Ce chapitre, Épidémiologie des cancers, a donc pour objet de décrire les cancers à l’aide de différents indicateurs, ainsi que leurs principaux déterminants connus à ce jour. Les données proviennent du dernier rapport « Les cancers en France – Edition 2015 » [French National Institute for Cancer 2016] et du rapport sur l’« Estimation nationale de l’incidence et de la mortalité par cancer en France entre 1980 et 2012 » [Binder-Foucard et al. 2013], et du rapport sur la « Survie attendue des patients atteints de cancers en France : état des lieux » [Mazeau-Woynar, Cerf 2010].

1.5.1

Incidence

L’incidence d’une maladie correspond au nombre de nouveaux cas sur une période donnée. L’incidence est une mesure qui quantifie la « production »de nouveaux cas dans une population.

Le taux d’incidence d’une maladie rend compte de la « vitesse de production »de nouveaux cas. Il correspond au nombre de nouveaux cas par unité de temps divisé par la taille de la population. La « taille »de la population se mesure en « personne-temps1 ». Le taux d’incidence s’exprime en cas par personnes-années (si l’unité de mesure du temps est l’année). Ce taux peut être brut ou standardisé. Les taux bruts permettent de quantifier le problème, mais ne permettent pas de comparer la situation de plusieurs populations, car le risque de cancer varie avec l’âge et chaque population a une structure par âge qui lui est propre. Pour comparer l’incidence dans plusieurs populations, il faut neutraliser l’effet de l’âge, c’est-à-dire l’effet du vieillissement sur le risque de survenue du cancer, en

standardisant les taux. La méthode la plus utilisée est la standardisation directe dont

le principe est de calculer un taux standardisé (théorique, dit « ajusté pour l’âge ») en appliquant les taux observés par âge de la population étudiée à la population de référence choisie (européenne, mondiale). Les taux standardisés ont pour seul intérêt de pouvoir être comparé dans le temps et dans l’espace, mais ne permettent pas de quantifier le problème, car ils dépendent de la population de référence choisie pour réaliser la standardisation.

1.5.1.1 Dans le monde

Dans le monde, le nombre annuel de nouveaux cas de cancers est estimé à près de 14,1 millions en 2012 dont 53% survenant chez l’homme. Le taux d’incidence standardisé monde est près de 25% plus élevé chez les hommes que chez les femmes (205 contre 165 pour 100 000 personnes-années). Chez l’homme, le taux varie de 79 pour 100 000 en Afrique de l’Ouest à 365 pour 100 000 en Australie/Nouvelle-Zélande, respectivement de 103 pour 100 000 en Asie du Sud-Central à 295 pour 100 000 en Amérique du Nord.

1.5.1.2 En Europe

En 2012, près de 3,5 millions de cas de cancers ont été diagnostiqués dans les pays d’Europe. Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme (22.1% des cancers masculins) suivi par les cancers du poumon (16.0%), du côlon-rectum (13.3%) et de la vessie (6.5%). Chez la femme, le cancer le plus fréquent reste celui du sein (28.6% des cancers féminins), loin devant les cancers du côlon-rectum (12.8%), du poumon (7.4%) et du corps de l’utérus (6.2%).

1. Il s’agit de la somme des durées, cumulées sur l’ensemble de la population d’étude, pendant laquelle les sujets sont susceptibles d’être enregistrés comme de nouveaux cas. En effet, comme on compte le nombre de nouveaux cas par unité de temps, la taille de la population ne peut pas se réduire à un nombre de sujet. Il faut considérer la durée pendant laquelle chaque sujet a appartenu à la population. Plus un sujet a appartenu longtemps à la population, plus sa probabilité est grande d’avoir été enregistré comme un nouveau cas de maladie. Et, par conséquent, plus son poids doit être élevé dans le calcul du taux d’incidence.

1.5.1.3 En France

En France, chez l’homme, le taux d’incidence « tous cancers »standardisé à la population mondiale estimé à 356 pour 100 000 en 2012, est plus élevé que le taux moyen estimé au niveau européen (296.3 pour 100 000) et celui de l’Europe des 28 (311.3 pour 100 0000) ou celui estimé au niveau mondial (204.9 pour 100 000). Chez la femme, le taux d’incidence « tous cancers »est également plus élevé que la moyenne mondiale (261.9 contre 165.2 pour 100 000) et celle des pays d’Europe (225.5 pour 100 000), mais plus bas que celui des femmes belges (288.9 pour 100 000) ou néerlandaises (289.6 pour 100 000) et proche de celui des femmes anglaises (267.3 pour 100 000).

1.5.2

Mortalité

La mortalité liée à une maladie correspond au nombre de malades décédés sur une période donnée.

Le principe de calcul du taux de mortalité lié à une maladie est identique à celui du taux d’incidence, avec pour numérateur le nombre de malades décédés sur la période étudiée.

Comme pour le taux d’incidence, il est également possible de calculer les taux de

mortalité standardisés pour comparer la mortalité des patients de plusieurs populations.

1.5.2.1 Dans le monde

Dans le monde, le nombre de décès par cancer est estimé à 8,2 millions en 2012 (dont 1.75 million des décès concernent les pays d’Europe) dont 4.6 millions (57%) d’hommes et 3.5 millions (43%) de femmes. Chez les hommes, le taux d’incidence standardisé monde est 15% plus élevé dans les pays plus développés que les pays moins développés et respectivement de 8% chez les femmes. Chez les hommes, les taux les plus élevés se trouvent en Europe centrale et de l’Est (173 pour 100 000) et les plus bas en Afrique de l’Ouest (69 pour 100 000). Chez les femmes, les taux les plus élevés se trouvent en Malaisie (119) et Afrique de l’Est (111) et les plus bas en Amérique centrale (72) et l’Asie du sud centrale (65).

1.5.2.2 En Europe

À l’échelle européenne, le cancer du poumon reste la principale cause de mortalité par cancer chez l’homme (26.1% de l’ensemble des décès masculins) suivis par les cancers

du côlon-rectum (11.6%) et de la prostate (9.5%). Chez la femme, le cancer du sein est la principale cause de mortalité par cancer (16.9% de l’ensemble des décès par cancer féminin), suivi de près par les cancers du côlon-rectum (13.0%) et du poumon (10.1%).

1.5.2.3 En France

En France, le taux masculin de mortalité par cancer standardisé sur la population européenne est légèrement inférieur à celui estimé pour toute l’Europe (218.3/100 000 contre 222.5/100 000), mais plus élevé que ceux estimés pour l’Union européenne des 27 (211.8 pour 100 000) et en Europe de l’Ouest (201.2/100 000). Le taux féminin de mortalité par cancer standardisé sur la population européenne est inférieur aux taux estimés dans l’ensemble des pays d’Europe (118.1 vs 128.8), dans l’Union des 27 (128.4 pour 100 000) et en Europe de l’Ouest (125.5 pour 100 000).

1.5.3

Survie

La survie est un indicateur qui reflète la gravité de la maladie et permet de mesurer l’efficacité globale du système de soins lorsque celle-ci est mesurée à partir du suivi des cas recensés dans les registres de population. La survie correspond au temps écoulé entre le moment du diagnostic et la survenue du décès. On détermine habituellement la survie à plusieurs délais du diagnostic (1, 3, 5, 10 ans, etc.), la survie à N années correspondant à la proportion de survivants N années après le diagnostic. La médiane de survie correspond au temps écoulé quand la moitié des patients sont décédés.

Il est également possible de calculer des taux de survie standardisés pour comparer la survie des patients de plusieurs populations.

Il existe deux types de survie :

1. La survie brute, qui correspond à la proportion de survivants à 1, 3, 5 ou 10 ans de la date de diagnostic, quelle que soit la cause du décès (cancer ou autre cause). Celle-ci ne témoigne pas de la mortalité réellement associée à la maladie ;

2. La survie nette, qui est définie comme la survie que l’on observerait si la seule cause de décès possible était le cancer étudié. Schématiquement, le calcul de la survie nette consiste à retrancher à la mortalité observée la mortalité attendue dans la population générale2 pour ne conserver que la part liée au cancer étudié.

2. Survie attendue : basée sur la mortalité dans la population dont sont issus les malades ; calculée à partir des taux de mortalité de la population générale par sexe, âge, année, pour une zone géographique donnée.

1.5.4

Tendance chronologique en France entre 1980 et 2012

Entre 1980 et 2012, le nombre de nouveaux cas de cancer estimés est passé de 97 000 à 200 000 chez l’homme (+108%) et de 73 000 à 155 000 chez la femme (+111%). En 2000, Bashir et Estève ont décrit une méthode d’analyse de l’incidence et de la mortalité permettant de décomposer leur variations sur la période étudiée selon 3 critères [Bashir, Esteve 2000] :

1. L’augmentation de la population (le nombre potentiel de nouveaux cancers aug- mente avec la taille de la population à risque) ;

2. Le vieillissement de la population (le risque de cancer augmentant avec l’âge) ; 3. L’augmentation du risque de cancer (lié au dépistage de nouvelles localisations can-

céreuses, à l’amélioration des techniques diagnostiques, à l’augmentation de l’expo- sition aux facteurs de risque ou à l’exposition à un nouveau facteur de risque).

Ainsi, la progression de 108% du nombre de cas incidents chez l’homme est due pour 31% à l’augmentation de la population, pour 34% à son vieillissement, et pour 43% à l’augmentation du risque de cancer. De même chez la femme, les proportions des 111% d’augmentation de l’incidence sont respectivement de 34%, 22%, et 55%. Toutefois, ces chiffres ne montrent pas que l’augmentation n’est pas linéaire. En effet, la tendance s’est inversée depuis 2005 (Figure 1.1) avec une diminution de l’incidence chez l’homme et un ralentissement chez la femme, du fait de la récente diminution de l’incidence des cancers de la prostate et du sein. Pour ce qui concerne la mortalité au cours de la même période, le nombre de décès par cancer est passé de 77 000 à 85 000 chez l’homme (+11%) et de 52 000 à 63 000 chez la femme (+20%). Selon la même analyse, les 11% d’augmentation du nombre de décès chez l’homme sont dus pour 16% à l’augmentation de la population, pour 43% à son vieillissement et pour - 49% à une diminution du risque de décès.

Chez la femme, les 20% d’augmentation du nombre de décès sont dus pour 15% à l’aug- mentation de la population, pour 34% à son vieillissement et pour - 33% à une diminution du risque de décès.

Le risque de mortalité par cancer a en fait diminué dans les 2 sexes. Cette diminution du risque est liée aux progrès thérapeutiques, à la précocité des diagnostics, ainsi qu’à l’effet combiné de la diminution de l’incidence des cancers de mauvais pronostic, et l’aug- mentation de l’incidence des cancers de meilleur pronostic. L’analyse selon les localisations des évolutions au cours des 30 dernières années met en évidence trois profils principaux d’évolution selon la concordance ou non de l’évolution de l’incidence et de la mortalité :

— PROFIL 1 : l’incidence et la mortalité ont diminué : cancer de l’estomac, cancer du col de l’utérus chez la femme et cancers de l’œsophage ou des VADS chez l’homme ;

— PROFIL 2 : l’incidence a augmenté et la mortalité a baissé : cancers du sein chez la femme et de la prostate chez l’homme ;

— PROFIL 3 : l’incidence et la mortalité ont augmenté : cancer du poumon chez la femme, le mélanome cutané et le cancer du système nerveux central.

Figure 1.1 – Estimation nationale de l’incidence et de la mortalité par cancer en France entre 1980 et 2012.

1.5.5

Facteurs de risque des cancers

Pour un cancer donné, il est presque toujours impossible de dire pourquoi le cancer s’est déclaré. En revanche, si on regarde les cancers d’une manière générale, on peut affirmer que la susceptibilité génétique, l’exposition à des facteurs environnementaux et à des facteurs liés au style de vie jouent un rôle important dans le développement des cancers. Dans l’état actuel des connaissances, on peut estimer que :

— 5 à 10% des cas de cancer sont liés à des facteurs génétiques, — 25 à 30% au tabagisme,

— 30 à 35% à l’alcool et à l’alimentation, — 15 à 20% aux infections,

— 10 à 25% aux autres facteurs comme les rayons ionisants, le stress, une activité physique insuffisante et la pollution environnementale.

Dans tous les cas, le cancer est le résultat d’une interaction complexe entre l’envi- ronnement et l’individu, et on sait que certaines prédispositions génétiques au cancer ne s’expriment pas si l’environnement, le mode de vie ou la santé de l’individu sont défavo- rables à leur expression.

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