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Discussion

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Nos résultats suggèrent que la sexualité est altérée avant même que la radiothérapie ne débute, car la plupart des patients ont diminué leur activité sexuelle et développé des problèmes sexuels. Dans le référentiel de l’AFSOS « Cancer, Sexualité et Intimité » il est recommandé de délivrer des informations aux patients tout au long de leur parcours personnalisé de soins, et d’initier les soins oncosexologiques si nécessaire.

5.4.1

Délivrance d’information

Les quatre moments clés identifiés pour la délivrance d’information sont la phase d’an- nonce du diagnostic du cancer et de planification des soins, la phase de traitement spécifique du cancer et la phase de sortie et la phase de surveillance. Nos résultats étayent les recom- mandations de l’AFSOS, car ils mettent en évidence la détérioration de leur situation dès l’annonce, et ils pointent un rationnel pour une prise en charge dès le diagnostic, puisqu’une proportion importante (environ un tiers) présente déjà des troubles avant le diagnostic.

Dans notre échantillon, seuls 40% des hommes et des femmes se sont souvenus avoir reçu une information, depuis le diagnostic du cancer sur les risques d’impact de la sexua- lité. Malgré les trois Plans Cancer qui se sont succédés au cours des 13 dernières années, promouvant la délivrance d’information aux patients, les soins clinique semblent clairement être suboptimaux.

L’étude VICAN 2, qui concerne une population diagnostiquée avant le premier plan cancer, rapporte notamment que seulement 4,1% des patientes ayant un cancer du sein avait avait communiqué sur la sexualité à l’initiative de leur oncologue. Nos résultats ne montrent pas une nette amélioration quant à la délivrance effective de l’information.

Bien que notre population d’étude soit un peu plus âgée que celle de l’étude VICAN 2, l’âge ne devrait pas être un facteur limitant quant à la communication autour de la sexualité. En effet, l’âge n’est pas un facteur retrouvé associé à l’information dans notre étude.

Bien que les femmes rapportent plus fréquemment que les hommes avoir eu un traite- ment avant la radiothérapie, elles ont été moins informées et conseillées sur les risques de troubles sexuels éventuels. Ceci pourrait s’expliquer par le fait :

— que la prise en charge oncosexologique des hommes atteints d’un cancer de la pros- tate est assez systématique, et comme l’avait souligné VICAN 2, que le cancer de la prostate est la seule localisation dans laquelle plus de 50% des patients se sou- viennent avoir reçu une information. Un tel dispositif de prise en charge pour les

femmes n’est pas encore disponible.

— qu’il est plus difficile d’aborder la question de la sexualité avec un praticien de l’autre sexe. Le rapport de l’INCa montre que plus de la moitié des oncologues en France sont des hommes. Cette réalité pourrait justifier le développement de formations sur l’art de parler de sexualité avec les patients, notamment les femmes.

5.4.2

Qualité de vie sexuelle

Il faut garder à l’esprit que :

— les femmes sont significativement plus jeunes, avec des partenaires également plus jeunes. À cet égard, on pourrait raisonnablement penser que la survenue de troubles sexuels aurait un impact plus important sur la qualité de leur vie sexuelle.

— les femmes sembleraient plus inquiètes vis-à-vis des troubles sexuels, car l’une des raisons pour lesquelles les femmes traitées pour un cancer cessent toute activité sexuelle est la perte de leur partenaire.

Aussi, il n’est pas surprenant que les femmes de notre étude aient un score moyen de qualité de vie sexuelle significativement inférieur à celui des hommes, bien qu’elles aient moins de troubles sexuels survenus dans l’année précédent le diagnostic du cancer.

5.4.3

Troubles sexuels

Il est intéressant de constater que dans les études évaluant la sexualité après traitement, telles que l’étude VICAN 2, les troubles sexuels sont retrouvés plus souvent chez les hommes que chez les femmes. Cependant, nos données vont dans le sens d’autres études rapportant une qualité de vie plus faible chez les femmes présentant des troubles sexuels tels que la baisse de l’estime de soi, la honte, l’insatisfaction et la frustration.

Bien que les hommes dans notre étude déclarent davantage de troubles sexuels que les femmes, ils ont également accès à des traitements pharmacologiques et chirurgicaux efficaces de la dysfonction érectile, au traitement hormonal de supplémentation en testo- stérone (en l’absence de contre-indications) et au traitement pharmacologique des troubles de l’éjaculation. Chez les femmes, les possibilités de traitements pharmacologiques sont moins nombreuses (hydratants et lubrifiants, éventuellement traitements substitutifs lo- caux ou généraux de la ménopause, en l’absence de contre-indications).

5.4.4

Activité sexuelle

Le taux élevé de diminution de l’activité sexuelle avant le début de la radiothérapie indique que la période entre le diagnostic du cancer et le début des traitements constitue une fenêtre de vulnérabilité pour les patients. Aussi, comme suggéré par d’autres auteurs, il conviendrait d’identifier, dès le diagnostic du cancer, les patients présentant des vulnéra- bilités d’altération de leur santé sexuelle, c’est-à-dire ceux ayant des troubles préexistants ou ayant arrêté toute activité sexuelle. Ces patients pourraient bénéficier de conseils et de soins précoces. Par ailleurs, des études ont montré la réhabilitation sexuelle précoce améliore le pronostic sexuel, renforçant l’intérêt d’interventions précoces.

Les idées reçues sur la sexualité des séniors persistent, mais maintenir la sexualité est un déterminant important de la qualité de vie, quel que soit l’âge de l’individu.

Dans notre échantillon, 75% des patients de plus de 75 ans ont déclarés être sexuellement actifs avant le diagnostic de leur cancer.

5.4.5

Besoins en soins oncosexologiques

Pour ce qui concerne les besoins oncosexologiques, la modalité de soins ayant reçu le moins l’adhésion des patients est la participation à un groupe de soutien. Ce résultat illustre la difficulté pour les patients d’aborder l’intimité en public.

Même si 74% des participants à l’étude étaient en couple, il n’est pas surprenant que la thérapie de couple soit une option n’ayant pas leur préférence. Il est difficile de convaincre un patient de débuter une thérapie de couple sans avoir établi au préalable une relation de confiance thérapeute-patient avec l’un des partenaires, ce qui place logiquement la prise en charge individuelle avant la prise en charge du couple dans une population n’ayant actuellement aucune prise en charge. Ceci pourrait également illustrer le fait que les patients priorisent la prise en charge des dysfonctions sexuelles. Enfin, l’enquête explorant la période entre le diagnostic du cancer et le début de la radiothérapie, on peut penser que le soutien de la part du conjoint est forte à cette période et qu’il n’y a pas encore de conjugopathie. Concernant la différence entre soins médicaux et soins psychosexuels, d’une part en France les consultations médicales sont remboursées par le système de santé, contrairement aux consultations psychologiques. D’autre part, les hommes semblent davantage préférer les soins médicaux, car la prescription de traitements pharmacologiques est strictement limitée aux médecins. Une autre explication pourrait être le fait que certains patients continuent à amalgamer la nécessité de soins psychosexuels (aide psychologique) et pathologie mentale.

5.4.6

Limites de l’étude

Notre étude a été réalisée dans un centre régional de référence pour la lutte contre le cancer et n’a donc pas une représentativité nationale. Cependant, l’IUCT-Oncopôle prend en charge les patients avec différentes localisations cancéreuses, sans aucune condition de revenus ou de pronostic de guérison. Il est également peu vraisemblable que la qualité des soins oncosexologiques soit supérieure dans des plus petits centres moins spécialisés.

Un autre élément sensible de ce type d’étude est le biais de mémorisation, notamment pour les données concernant l’année précédant le diagnostic du cancer, mais ce biais est limité du fait d’un laps de temps relativement court entre le diagnostic et le moment de l’enquête.

On pourrait également penser que les patients ayant bénéficier d’un autre traitement avant la radiothérapie verraient leur qualité de vie sexuelle impactée négativement. Il était important de vérifier que les traitements avant la radiothérapie n’avaient pas eu d’impact sur l’évaluation de la qualité de vie sexuelle au moment de l’enquête. L’analyse multivariée n’a mis en évidence aucune différence significative en ce sens.

Aussi, ce résultat nous indique qu’après diagnostic du cancer, bien que les troubles sexuels auraient pu survenir lors des précédents traitements, seuls les troubles ressentis comme significativement perturbants pour les patients se trouvent associés au score de qualité de vie sexuelle.

Une autre question pouvant se poser est celle de la validité de l’utilisation du SQOL pour la comparaison de la qualité de vie sexuelle entre les hommes et les femmes. Bien que l’organisation européenne pour la recherche et le traitement du cancer (EORTC) ait mis en place une étude qualitative pour le développement d’un outil multidimensionnel de mesure de la santé sexuelle chez les patients en phase de sortie et de surveillance (Elfriede Griemel, PhD, personal communication), il n’existe à ce jour aucun questionnaire pour l’évaluation de la qualité de vie sexuelle des hommes et des femmes permettant de capturer les 3 dimensions de la santé sexuelle : les aspects fonctionnels, psychologiques et relationnels.

Le SQoL a l’avantage d’avoir 11 questions communes aux hommes et aux femmes, et 7 questions supplémentaires pour les femmes. De plus, chacune des questions communes a été indépendamment validée pour les hommes et les femmes.

À cet égard, et en l’absence d’outils plus appropriés, nous avons considéré le SQoL comme le meilleur outil pour comparer la qualité de vie sexuelle des hommes et des femmes de notre série.

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