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Les dysfonctions sexuelles

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2.3.1

Définition

Si l’on se réfère au DSM-V (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Vème révision), les dysfonctions sexuelles sont un « groupe hétérogène de troubles qui se

caractérise typiquement chez une personne par une perturbation cliniquement significative de la capacité à répondre sexuellement ou à éprouver du plaisir sexuel. Un individu peut avoir plusieurs dysfonctions sexuelles en même temps ».

La CIM-10 (Classification Internationale des Maladies, 10ème révision), quant à elle,

indique que « les dysfonctionnements sexuels regroupent les différents types de difficulté à

avoir une relation sexuelle du type souhaité. La réponse sexuelle est un processus psycho- somatique et, le plus souvent, des processus à la fois psychologiques et somatiques inter- viennent dans le déclenchement d’un trouble de la fonction sexuelle ».

Les troubles sexuels les plus fréquemment observés en pratique clinique ont été regrou- pés dans le cadre de ces deux nomenclatures, DSM et CIM, et sont résumés dans le tableau suivant [Colson 2013] :

Table 2.1 – Nomenclature des symptômes les plus fréquents en pathologie sexuelle

CIM DSM Pratique clinique

Absence ou perte de désir sexuel Baisse de désir sexuel - Désir sexuel hypo-actif

- Anaphrodisie

Aversion sexuelle ou Aversion sexuelle - Aversions sexuelles

absence de plaisir sexuel - Anhédonies

Échec de la réponse génitale - Troubles de l’excitation chez l’homme - Troubles de l’excitation chez la femme

Dysfonctions orgasmiques - Troubles de l’orgasme chez l’homme Anorgasmies et dysorgasmies masculines et - Troubles de l’orgasme chez la femme féminines et leurs différentes formes cliniques

Éjaculation précoce Éjaculation précoce Éjaculation précoce

Vaginisme

Troubles sexuels avec douleur - Vaginisme

- Dyspareunies

Vaginisme

Dyspareunies Dyspareunies masculines et féminines

et leurs différentes formes cliniques

Activité sexuelle excessive Activité sexuelle excessive, addictions sexuelles

Troubles de l’identité sexuelle

Le jugement clinique sur le diagnostic de la dysfonction sexuelle doit prendre en compte les facteurs biologiques requis pour la réponse sexuelle (y compris le vieillissement, pouvant être associé à une diminution normale de la réponse sexuelle), les facteurs socioculturels, interpersonnels et psychologiques. Le fonctionnement sexuel est le résultat d’une interaction complexe entre tous ces facteurs.

2.3.2

Troubles sexuels chez l’homme

Chez les hommes, les problèmes sexuels les plus fréquents sont la perte de désir sexuel et la dysfonction érectile (DE) [Sadovsky et al. 2010]. Moins communs, mais également gênants, les changements dans la qualité de l’orgasme, les difficultés à atteindre l’orgasme, et les douleurs sexuelles au moment de l’érection ou de l’orgasme [Frey et al. 2014; Barnas et al. 2004]. Les innovations telles que la prostatectomie radicale laparoscopique robotisée, la radiothérapie IMRT (Intensity-modulated radiotherapy) [Incrocci, Jensen 2013; Lilleby et al. 2013; Budaus et al. 2012; Sheets et al. 2012; Whaley et al. 2012; Bekelman et al. 2011], ou la curiethérapie [Incrocci, Jensen 2013; Resnick et al. 2013; Budaus et al. 2012] ont amené en définitive des bénéfices assez limités. Dans le cas du cancer de la prostate traité par prostatectomie radicale, parmi les hommes qui avaient d’excellentes érections au départ, et âgés de moins de 65 ans, moins de 25% récupèrent une érection de la même qualité qu’avant traitement [Nelson et al. 2013; Kimura et al. 2011; Dalkin, Christopher 2008]. Il est clair que l’antécédent de cancer de la prostate est un facteur prédictif majeur de la dysfonction sexuelle, même pour les hommes en surveillance active. Dans le groupe d’étude scandinave sur le cancer de la prostate, après 12 ans de suivi, la proportion d’hommes déclaré avoir une dysfonction érectile était de 84% après prostatectomie radicale, 80% après surveillance active, comparativement à 43% chez les hommes témoins appariés sur l’âge qui n’avaient pas eu le cancer de la prostate [Johansson et al. 2011]. Aux États- Unis, après 10 ans de suivi, plus de 95% des hommes de l’étude PLCO auxquels on avait diagnostiqué un cancer de la prostate avaient une dysfonction érectile, quel que soit le traitement, de manière significativement plus importante que parmi les contrôles [Taylor et al. 2012]. Une autre étude de cohorte prospective a récemment rapporté qu’après 15 ans de suivi, 87% des hommes atteints de cancer localisé de la prostate avaient une dysfonction érectile [Lind et al. 2011]. Les hommes traités par chirurgie pour un cancer de la vessie [Mohamed et al. 2014], ou du rectum [Traa et al. 2014; Den Oudsten et al. 2012] ou par radio-chimiothérapie pour un cancer de l’anus [Bentzen et al. 2013] ont également des taux élevés de dysfonction érectile. Les problèmes sexuels ne sont pas exclusifs aux hommes qui ont un traitement anti-cancéreux pour les organes pelviens. L’hypogonadisme et des lésions au niveau des nerfs pelviens peuvent conduire à la dysfonction sexuelle après une chimiothérapie intensive [Kiserud et al. 2009; Aksoy et al. 2008; Strasser et al. 2006], ou chez les hommes traités par radiothérapie pelvienne ou une irradiation corporelle totale [Herman

et al. 2013; Incrocci, Jensen 2013; Yau et al. 2009]. Les survivants d’un cancer du testicule ou d’un lymphome peuvent aussi avoir des taux élevés d’inactivité sexuelle ainsi qu’une baisse du désir sexuel [Tal et al. 2014; Willemse et al. 2013], bien que l’évidence reste équivoque [Recklitis et al. 2010]. Les causes des dysfonctions sexuelles peuvent être multifactorielles, y compris l’hypogonadisme, la fatigue et l’humeur négative [Kiserud et al. 2009]. Les études sur des modèles animaux suggèrent que l’obtention d’érections plusieurs fois par semaine en utilisant des traitements, tels que les inhibiteurs de la phosphodiestérase-5, la thérapie d’injection pénienne, ou les dispositifs de pompe à vide, peuvent prévenir l’atrophie du tissu érectile pénien, ce qui permettrait une meilleure récupération des érections au fil du temps. Malheureusement, l’adhésion à de tels traitements, souvent appelés réhabilitation pénienne, est si faible qu’il a été difficile de démontrer un bénéfice clair [Mulhall et al. 2013].

2.3.3

Troubles sexuels chez la femme

Chez les femmes, les problèmes sexuels les plus communs sont la sécheresse vaginale et d’autres perturbations génitales provoquant des douleurs lors des rapports sexuels, ou la perte de désir sexuel, souvent accompagné des difficultés d’excitation et de plaisir pendant les rapports sexuels [Sadovsky et al. 2010]. Les traitements du cancer qui accroissent le risque de dysfonction sexuelle comprennent tout ce qui est à l’origine de l’insuffisance ova- rienne prématurée chez les femmes en pré-ménopause [Finch et al. 2012; Schover 2008]. Les femmes pour lesquelles le cocktail de chimiothérapies conduit à une insuffisance ovarienne permanente semblent avoir un risque plus élevé de troubles sexuels que celles qui continuent à avoir leurs règles ou que celles ayant simplement une aménorrhée temporaire [Bober et al. 2013; Ochsenkuhn et al. 2011]. Le risque d’insuffisance ovarienne est en augmentation per- manente avec l’âge de la femme, en particulier pour les femmes de plus de 35 ans, sous médicaments alkylants et/ou prenant des doses élevées de chimiothérapie. Comme chez les hommes, une radiothérapie pelvienne contribue fortement au risque d’une dysfonction sexuelle, notamment une insuffisance ovarienne et des dommages tissulaires dans le champ de rayonnement [Incrocci, Jensen 2013; Milbury et al. 2013; Lind et al. 2011; Provencher et al. 2010]. L’utilisation d’agonistes ou d’antagonistes des gonadotrophines pour créer un état temporaire d’insuffisance ovarienne entraîne également des problèmes sexuels, bien que les dysfonctions sexuelles puissent se résoudre une fois le traitement hormonal inter- rompue [Baumgart et al. 2013]. L’ovariectomie bilatérale augmente la prévalence de la dysfonction sexuelle qu’elle soit effectuée dans le cadre de la chirurgie du cancer ou de la chirurgie prophylactique chez les femmes des mutations génétiques qui augmentent le risque de cancer gynécologique [Finch et al. 2012]. Bien que le remplacement de l’œstro- gène contribue quelque peu contre la sécheresse vaginale, il ne restaure toutefois pas une fonction sexuelle normale [Finch et al. 2012]. L’hormonothérapie peut également causer

des problèmes sexuels. Des femmes sous traitement à base de tamoxifène pour prévenir ou traiter le cancer du sein, ont des perturbations négligeables de leur fonction sexuelle si elles n’ont pas eu de chimiothérapie antérieure [Bober et al. 2013; Schover 2008], par contre, les inhibiteurs de l’aromatase peuvent causer une sécheresse vaginale sévère et des douleurs pendant les rapports sexuels [Baumgart et al. 2013; Van Londen et al. 2014]. Au moins un quart des femmes qui ont une greffe systémique, ont développé une irritation, ainsi que des cicatrices sur la vulve et le vagin, versus celles qui ont une transplantation de la moelle osseuse. Si ce n’est pas traité rapidement, la greffe des organes génitaux peut rendre les rapports sexuels impossibles, par oblitération du vagin de la femme [Hirsch et al. 2012].

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