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élément x dans Z/nZ Autrement dit, transposer un entier de classe de hauteurs par h

2.3.2 Enumération et classification des structures musicales

Un premier problème concerne l’énumération de toutes ces orbites pour un tempérament donné. La fonction card de la librairie Zn permet de calculer le nombre de classes de transposition d’un accord ayant k éléments. La figure suivante montre la situation pour n=12 et n=24, c’est-à-dire dans le cas de la division de l’octave en 12 et en 24 parties égales. Il y a, par exemple, 80 hexacordes (k = 6) dans la division de l’octave en 12 parties, alors qu’il y en a plus de 5000 (précisément 5620) dans la division en quarts de tons. Cela donne déjà une bonne idée de la complexité combinatoire engendrée par des grandes valeurs de n.

Figure 63 : Nombre de classes de transposition d’accords dans le système tempéré à 12 et à 24 degrés

Un premier changement « paradigmatique » s’obtient en remplaçant le groupe cyclique

Z/nZ par le groupe dihédral Dn. L’action de ce groupe sur l’ensemble sous-jacent au groupe

cyclique Z/nZ est la généralisation formelle de la Set Theory d’Allen Forte.

Après la publication de l’ouvrage de référence The Structure of Atonal Music [FORTE 1973], plusieurs implémentations de la Set Theory ont été proposées216. Dans le cas de la librairie Dn, nous avons commencé par adapter en OpenMusic une implémentation en lisp réalisée par Janusz Podrazik. Nous avons par la suite ajouté d’autres outils algébriques, en incluant certaines constructions théoriques qui relèvent de l’approche transformationnelle de David Lewin. Comme dans le cas de l’équivalence à une transposition près, la formalisation algébrique de la Set Theory nous permet d’obtenir un catalogue complet d’ensembles de classes de hauteurs pour toute division de l’octave en n parties égales. La figure suivante représente une relation d’équivalence compatible avec l’action du groupe dihédral sur Z/12Z. Un accord de do majeur est transformé en accord de do mineur par une inversion (par rapport à l’axe qui passe par les points 0 et 6) suivie d’une transposition (d’une quinte).

Figure 64 : Equivalence majeur/mineur dans le paradigme Dn

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Par exemple, voir « The Contemporary Music Analysis Package » réalisé par Peter Castine et discuté dans le texte Set Theory Objets [CASTINE 1994]. Nous discutons aussi quelques aspects de notre implémentation de la

Avec la fonction Dn-card, on peut calculer pour tous n et k le nombre d’ensembles de classes de hauteurs « généralisées » ayant cardinalité k. La figure suivante offre une énumération comparative pour le système tempéré à 12 et à 24 degrés.

Figure 65 : Distribution du nombre d’orbites sous l’action de Dn dans le cas de la division de l’octave en 12 et en 24 parties égales

Comme dans le cas du groupe cyclique Z/nZ, on peut remarquer la propriété d’invariance de la fonction Dn-card entre les orbites ayant k et n-k éléments, ce qui suggère qu’on peut restreindre la classification aux classes d’équivalence ayant une cardinalité k inférieure ou égale à n/2 sans perte de généralité. Par exemple, dans le cas de la division de l’octave en 12 parties égales on pourrait restreindre la classification aux ensembles de classes de hauteurs ayant au plus 6 éléments. À chaque ensemble de cardinalité k inférieure à 6 correspond un ensemble, le complémentaire, de cardinalité 12-k. Comme on l’a vu, dans le cas du catalogue de la Set Theory, l’ensemble complémentaire n’est pas considéré au sens littéral, mais il est toujours ramené à sa « forme primaire » [prime form].

Pour un ensemble de classes de hauteurs donné, nous avons gardé dans l’implémentation la possibilité d’avoir plusieurs représentations, au-delà de celle proposée par Forte dans son catalogue. Pour cela, on utilise la fonction pc-set qui opère sur un ensemble de classes de hauteurs représenté dans le catalogue de Forte et qui restitue l’ensemble sous trois formes ou

types :

3. La représentation par entiers des classes de hauteurs [integer mode], donnée par une collection ordonnée d’entiers entre 0 et 11.

5. La représentation symbolique traditionnelle [pitch mode]. Par convention, 0=C=do, 1=C#=do#=Db=réb, …, 11=B=si.

L’ensemble de classes de hauteurs donné à travers la représentation par des entiers de classe de hauteurs peut facilement être convertie dans la représentation intervallique déjà introduite, grâce à la fonction générique n—structure, où l’entier n indique l’ordre du groupe cyclique dans lequel se trouve la structure intervallique, comme le montre la figure suivante :

Figure 66 : les fonctions pc-set et n—structure

Comme nous l’avons déjà souligné, le vecteur d’intervalles ne détermine pas un ensemble de classes de hauteurs d’une façon unique. D’un point de vue algébrique, cela s’exprime en disant qu’on peut trouver des ensembles de classes de hauteurs ayant le même vecteur d’intervalles mais n’étant pas équivalents dans le paradigme Dn. Dans la terminologie de Forte cela s’exprime en disant que les deux ensembles de classes de hauteurs sont dans la

relation Z. Un exemple d’ensemble en relation Z avec l’ensemble de classes de hauteurs de la

Figure 67 : Un ensemble de classes de hauteurs en relation Z avec l’ensemble 6-Z10

Comme on peut le constater, les n-structures correspondantes ne sont pas en rapport de permutation cyclique ou d’inversion, ce qui montre que les deux accords ne sont pas représentés par la même orbite (par rapport à l’action du groupe cyclique Z/12Z sur l’ensemble de classes de hauteurs).

En ce qui concerne la relation de complémentarité au sens abstrait, nous avons déjà évoqué la possibilité, pour un ensemble de classes de hauteurs, d’être inclus dans son complémentaire. Prenons un exemple tiré de l’analyse du Sacre du Printemps d’Igor Stravinsky par Allen Forte [Forte 1978]217. L’ensemble de classes de hauteurs A est inclus dans l’ensemble B, car tout élément de A appartient à B. Le complément « littéral » de A est donné par C à travers la fonction Dn-comp. À son tour, l’ensemble C peut être transformé en

B à travers les opérations de transposition et d’inversion données respectivement par les

fonctions Dn-transp et Dn-inv. En conclusion, A est contenu au sens « abstrait » dans son complémentaire.

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Cet exemple est discuté également par Marc Chemillier dans « Monoïde libre et musique « [CHEMILLIER 1987].

Figure 68 : Un ensemble de classes de hauteurs contenu dans son complémentaire

Comme nous l’avons montré en discutant la notion de complexe et sous-complexe d’ensembles, les relations d’inclusion et de passage au complémentaire permettent de mettre en rapport des ensembles de classes de hauteurs ayant des cardinalités différentes.

La figure suivante montre le sous-complexe Kh de l’ensemble de classes de hauteurs 4-28, correspondant à l’accord de septième diminuée. Son sous-complexe comprend par définition tous les ensembles de classes de hauteurs Xi qui sont en « relation d’inclusion »

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avec A et son complémentaire, l’ensemble A étant le nexus du sous-complexe. Le sous-complexe, calculé avec la fonction Dn-sub-complex, est constitué, dans ce cas particulier, de quatre ensembles, dont la représentation circulaire met en évidence les rapports d’inclusion avec le nexus et son complémentaire.

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Figure 69 : Le sous-complexe de l’accord de septième diminuée

Dans le cas de la célèbre analyse du Sacre du Printemps par Forte, la technique des sous- complexes d’ensembles met en évidence une organisation harmonique autour de l’hexacorde

6-27, dont le sous-complexe est donné par les cinq ensembles de classes de hauteurs

représentés par la figure suivante :

Figure 70 : Un des nexus mis en évidence dans l’analyse du Sacre du Printemps par Allen Forte

Nous pouvons maintenant abandonner l’approche « classique » de la Set Theory et discuter quelques aspects computationnels de l’approche « transformationnelle » de David Lewin.

Certains outils, comme la fonction intervallique IFUNC, sont de simples généralisations des concepts classiques. L’exemple suivant montre l’implémentation de la fonction ifunc qui opère sur deux ensembles de classes de hauteurs, respectivement l’accord de do mineur et de

do majeur représentés, comme toujours, à l’aide du cercle chromatique :

Figure 71 : La fonction ifunc entre l’accord de do mineur et l’accord de do majeur

On peut noter qu’en renversant l’ordre des ensembles, la fonction intervallique résultante correspond à la lecture en rétrogradation de la fonction précédente à partir de son premier élément, comme le montre la figure suivante :

Figure 72 : La fonction intervallique appliquée aux mêmes ensembles mais dans l’ordre inverse

Il s’agit en effet d’une généralisation du vecteur d’intervalles de Forte, comme on le constate en calculant la fonction intervallique dans le cas où les deux ensembles coïncident. La figure suivante montre la relation entre la fonction intervallique IFUNC d’un ensemble et le vecteur d’intervalles de Forte. Notons que pour calculer le vecteur d’intervalles, il faut d’abord transformer un ensemble de classes de hauteurs dans sa forme primaire à l’aide de la fonction p-form.

Figure 73 : La fonction intervallique et le vecteur d’intervalles de Forte

Remarquons également qu’à ce stade de la présentation d’outils techniques utilisés par Lewin, l’aspect « transformationnel » est caché par le cas très particulier de la structure d’ensemble d’intervalles généralisés (GIS), appliquée dans le cas du groupe Z/nZ et avec la fonction int qui compte la distance entre deus classes de hauteurs (modulo l’octave). Cependant, la structure de GIS est beaucoup plus générale car le concept d’« intervalle », exprimé par la fonction int, ne repose que sur deux axiomes qui ne sont aucunement restreint au cas de la distance traditionnelle. Ainsi, une autre fonction qui généralise la Set Theory classique, à savoir la fonction d’injection INJ, est définie dans le cas abstrait d’un GIS avant d’être appliquée au cas particulier de la théorie classique.

Rappelons que pour tout système d’intervalles généralisés GIS = (S, IVLS, int), pour tous sous-ensembles X et Y de l’ensemble S et pour toute application bijective f de X dans Y, on peut définir la fonction injection INJ(X,Y) par rapport à la fonction f comme le nombre d’éléments x dans X tels que f(x) appartient à Y. La figure suivante offre un exemple de fonction injection entre l’accord de do majeur et l’accord de septième de dominante, en correspondance de la fonction f égale à la transposition à la quinte.

Figure 74 : La fonction injection INJ dans le cas d’une transposition

Comme nous l’avons souligné dans la présentation de l’approche transformationnelle, la fonction injection INJ permet de généraliser certains résultats classiques, comme par exemple le théorème de l’hexacorde de Milton Babbitt. Rappelons que d’après ce résultat, un hexacorde a toujours le même contenu intervallique que son complémentaire, ce qui s’exprime également en termes de fonction intervallique IFUNC en disant que pour tout hexacorde X et pour tout index i, la fonction intervallique calculée sur l’ensemble X sera égale à celle calculée sur l’ensemble complémentaire X’. Formellement on aura donc l’égalité suivante :

IFUNC ( X, X )(i) = IFUNC ( X’, X’ )(i) pour tout intervalle i

La version « transformationnelle » du théorème de l’hexacorde s’obtient en utilisant la relation fondamentale entre la fonction intervallique IFUNC et la fonction injection INJ. Cette propriété affirme que la fonction intervallique entre deux ensembles A et B est égale, pour toute valeur i de l’intervalle, à la fonction d’injection de l’ensemble A dans B en correspondance de la transposition Ti de i demi-tons. En prenant comme ensembles A et B

respectivement un hexacorde X et son complémentaire X’ on pourra écrire les deux égalités suivantes :

IFUNC ( X, X )(i) = INJ( X, X )(Ti) pour tout intervalle iIFUNC ( X’, X’ )(i) = INJ( X’, X’ )(Ti) pour tout intervalle i

En utilisant l’égalité entre les fonctions intervalliques d’un hexacorde et de son complémentaire, on arrive ainsi à la formulation transformationnelle du théorème de Babbitt, qui peut donc s’énoncer en disant que pour toute transposition Ti de i demi-tons les fonctions

d’injection correspondantes sont égales. Formellement : INJ( X, X )(Ti) = INJ( X’, X’ )(Ti)

Lewin montre que le résultat précédent reste vrai si l’on substitue à l’opération de transposition une opération d’inversion, une transformation affine et, plus généralement, toute transformation bijective. Le théorème généralisé de l’hexacorde peut donc s’énoncer en disant que pour toute fonction bijective f et tout hexacorde X (et son complémentaire X’ ) on a la relation suivante :

INJ( X, X )(f) = INJ( X’, X’ )(f)

Ce résultat montre l’existence d’une relation « structurale » profonde entre les contenus intervalliques d’un hexacorde et de son complémentaire, dans le sens que ce contenu est préservé par les quatre opérations qui sont à la base des relations d’équivalences entre ensembles de classes de hauteurs (et du catalogue qui en découle) : la transposition, l’inversion, la multiplication (ou application affine) et la permutation. L’approche algébrique du phénomène de la classification d’accords est « structurale » dans le sens de l’existence d’une structure de groupe qui constitue le « paradigme » sur lequel se fonde la notion d’équivalence entre ensembles de classes de hauteurs219. La possibilité de changer le « paradigme » selon le répertoire musical choisi ou selon le contexte analysé est la philosophie qui a guidé la conception de la librairie OMGroups, dont une première version est actuellement disponible sur OpenMusic. La figure suivante montre l’architecture formelle de cette librairie qui permet d’affiner l’analyse musicale selon quatre types de groupes différents. Chaque groupe établit ainsi un « paradigme » bien défini en ce qui concerne le problème de la classification d’accords : groupe cyclique Zn (ou paradigme transpositionnel), groupe dihédral Dn (ou paradigme de la Set Theory), groupe affine Affn (ou paradigme de la théorie mathématique de la musique)220 et groupe symétrique Sn (ou paradigme des textures d’Estrada). Nous reviendrons dans la partie conclusive de ce travail sur certaines ramifications

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Notons que cette approche s’applique aussi bien au domaine des rythmes, une fois la notion de rythme définie de façon algébrique. Nous reviendrons sur le modèle algébrique du rythme musical dans la prochaine partie, lorsqu’on discutera la formalisation de la structure de canon rythmique telle nous l’avons implémentée à partir de la théorie proposée par Dan Vuza.

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philosophiques de la notion de « paradigme » algébrique en théorie de la musique, analyse et composition.

Figure 75 : Architecture « paradigmatique » de la librairie d’aide à l’analyse musicale

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Aspects compositionnels : théorie des groupes et combinatoire

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