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ENTREE AU MERCURE

Dans le document Jarry et les revues (Page 44-58)

Stratégie de Jarry à travers Haldernablou

En automne 1893, Jarry, qui travaille beaucoup, achève sa traduction de The Rime of the Ancient Mariner (Le dit du vieux marin) de Coleridge, qu’il propose vainement au Mercure au printemps suivant, le 4 mars 1894 exactement.

L’édition commentée des Gestes et opinions du docteur Faustroll du Cymbalum Pataphysicum 110, laquelle apporte maints éclairages sur l’œuvre de Jarry, explique que ce n’était pas à proprement parler un refus, puisque le manuscrit qui semble avoir été envoyé par Jarry à Vallette porte des traces de préparation typographique ; de plus, Remy de Gourmont dans le numéro d’août 1894 du Mercure de France annonce : « The Rime of The Ancient Mariner : je crois qu’on nous prépare une traduction valable ». Bien que cette traduction n’ait pas été refusée ouvertement, elle ne sera jamais publiée du vivant de Jarry.

108 Arnaud, Jarry, d’Ubu roi au docteur Faustroll, p 209

109 Bordillon, in Gestes et opinions d’Alfred Jarry, écrivain, p 84, parle de l’esprit de Jarry qui se trouve dans les chroniques comme étant « aristocratiquement anarchiste ».

110 P 41.

Jarry, dans la lettre 111 qui accompagne cet envoi, écrit au directeur du Mercure de France (« Monsieur Alfred Vallette, / Directeur du Mercure de France / 15, rue de l'Échaudé-Saint-Germain / Paris ») : « Monsieur, Je prends la liberté – un peu bien téméraire – de vous importuner encore d'une mienne production, traduction d'un poète anglais trop inconnu aujourd'hui et à qui doivent tout E. Poe et Baudelaire. Quoique bien jeune je ne me suis pas cru trop indigne de l'offrir au Mercure, qui a eu la gloire de faire connaître Multatuli. – Si ces vers courts tiennent trop de lignes, il serait facile de les composer comme prose, séparés par des traits. – Je m'excuse d'avoir donné comme titre à la pièce que j'ai envoyée : Histoire tragique, etc. Je ne veux point paraître copier celui de la Princesse Phénissa, très différente, et je comptais écrire simplement Cameleo. – Mais à quoi bon parler d'un manuscrit qui, comme celui-ci sans doute, ira au panier – sans que je m'en plaigne, car c'est moi qui aurai trop osé ? – Quel est pourtant le poète jeune qui ne rêve d'écrire un jour au Mercure ? Avec un espoir hélas bien incertain, je vous prie d'agréer mes meilleures et respectueuses sympathies d'art » (PL I, pp 1035-1036).

On peut déceler dans cet envoi et dans cette lettre avec quelle finesse s’exprimait la stratégie de Jarry. Il espère rentrer au Mercure. Rentrer signifie plus que publier, cela signifie avoir ses aises, avoir une place. Or, quoi de mieux pour rentrer dans une revue que de proposer à cette revue une traduction ? Envoyer une traduction, cela n’a rien à voir avec le fait d’imposer son œuvre, c’est un geste humble (l’expression maladroite « un peu bien téméraire » affiche la modestie), puisqu’on se propose de faire découvrir aux lecteurs un auteur étranger. En outre, on accroît l’ouverture de la revue sur l’étranger, ce qui est toujours une excellente chose pour une revue littéraire : on assoit un peu plus sa réputation, on permet son rayonnement (l’ouverture sur l’étranger, outre le fait que c’est d’abord l’époque qui veut ça, sera un des plus grands signes de qualité des petites revues).

Aussi Jarry se place-t-il de facto comme membre de la revue, veillant à son bon fonctionnement (de même il apparaît comme un connaisseur de l’objet revue – les lignes y sont précieuses, du fait du grand nombre d’auteurs

111 Arnaud a raison, quand il écrit qu’à la lecture de cette lettre on songe à la première lettre que Rimbaud envoya à Théodore de Banville (« ambition ! ô folle ! » : voir Rimbaud, Œuvres complètes, La Pochothèque, 1999, p 133) mais aussi à la seconde, encore plus maladroite que la première (« J’ai dix-huit ans. J’aimerai toujours les vers de Banville. L’an passé je n’avais que dix-sept ans ! Ai-je progressé ? » : voir Rimbaud, Œuvres complètes, La Pochothèque, 1999, p 267).

– et se montre conciliant : « si ces vers courts tiennent trop de lignes, il serait facile de les composer comme prose, séparés par des tirés » Ici, Jarry, comme le souligne Arnaud, donne « des conseils techniques afin d’être imprimé aux moindres frais et donc avec des chances accrues » 112). On peut même penser que Jarry a effectué cette traduction dans le seul but de l’envoyer au Mercure. Cela est très judicieux, car si la revue publie la traduction, elle ne prend pas beaucoup de risques dans le sens où elle ne publie pas vraiment l’auteur de la traduction mais plutôt, si je puis dire, l’auteur du texte traduit. Ce serait donc une façon pour Jarry d’être publié à demi, autrement dit de rentrer par la petite porte au Mercure de France. La traduction de Jarry regorge d’approximations et à celle-ci Vallette préférera un texte qu’il a déjà en sa possession, au moment où il reçoit ce « Dit du vieux marin », celui-là bien de la plume de Jarry, qui deviendra, après quelques modifications : « Haldernablou », et qui sera publié. Jarry voulait peut-être permettre à cette pièce en un acte d’être plus facilement acceptée en la faisant précéder dans la revue par un texte qui n’était pas de lui… Je pense pour résumer qu’il se cache derrière ces envois une stratégie. Mais qu’en est-il d’Haldernablou ?

Jarry hésite beaucoup sur le titre. Le titre définitif est « Haldernablou », laquelle pièce paraît dans Le Mercure de France de juillet 1894 sous le titre plus petit « Les Minutes de sable mémorial », sur-titre qui sera repris par la suite comme on sait pour la publication en volume d’un ensemble de textes (notons que nombre de premiers livres d’écrivains sont des recueils de textes dont certains parurent d’abord en revue. Jarry ne déroge pas à cette règle).

Jarry avait d’abord pensé à « Histoire tragique du page Cameleo ».

« Je m’excuse [déjà cité] d’avoir donné comme titre à la pièce que j’ai envoyée : Histoire tragique, etc. Je ne veux point paraître copier celui de la Princesse Phénissa [œuvre de Gourmont.], très différente… ». En formulant ces excuses, Jarry reconnaît une influence : celle de Remy de Gourmont, qui aura beaucoup de poids par la suite dans sa « carrière littéraire » : il sera pour lui, avant la brouille définitive, une sorte de protecteur. Jarry cherche-t-il à ce que le directeur soit conscient de ces influences, et ainsi s’en trouve indirectement flatté, puisqu’il est l’éditeur de Gourmont ? Je ne pense pas.

Jarry était certes un fin stratège mais il ne faut pas chercher à analyser chacun de ses gestes ou de ses écrits dans ce sens. Jarry a juste, dès le

112 Alfred Jarry, d’Ubu roi au docteur Faustroll, p 87.

début, trouvé en Vallette une personne de confiance à qui il peut se confier (il restera cet ami irremplaçable jusqu’à la mort de Jarry).

Le 27 mai 1894, de Laval, Jarry écrit à Vallette : « Si, comme je l’espère, je ne suis pas ce mois « expulsé » du numéro et dois voir arriver des épreuves… »

Jarry insistera toujours pour que ses textes paraissent rapidement. Il blâme les retards, occasionnés bien souvent pense-t-il par les comités de lecture. Le fait qu’un éditeur retarde la parution d’un de ses textes équivaut quasiment pour lui à un refus.

Dans une lettre à Vallette du 5 novembre 1895, il écrit : « Je crois qu’il serait imprudent – au point de vue vente [206 exemplaires tirés !] – malgré les évènements extérieurs, de différer la publication de César-Antéchrist. Je vous prie de bien vouloir en faire les dépôts aussitôt que bon vous semblera ». (PL I, 1041).

A propos de L’amour absolu, il écrit à Vallette (en 1899) : « Si donc il était à prévoir qu’en cas d’acceptation du comité, le Mercure ne dût néanmoins point être disposé à une publication honorable et précipitée (j’entends en mai, par exemple), la formalité serait tout à fait superflue de confier le dit in-18 au comité, et je vous en demanderais la restitution quand j’irai au Mercure dimanche. » (PL I, p 1075).

Pourquoi cette peur panique du retard (du délaissement en somme) ? Cette angoisse du retard était-elle occasionnée par la peur du rejet dont on trouve les premiers échos dans la lettre de Jarry à Vallette du 27 mai 1894 (il emploie le terme très fort « expulsé ») ?

Haldernablou : une allégorie de la relation entre Fargue et Jarry

Dans cette même lettre où il fait part de sa peur d’être écarté du numéro, Jarry demande à Vallette de débaptiser le page Cameleo et de l’appeler Ablou : «…je voudrais avant la composition – après mûre réflexion l’autre jour avec M. de Gourmont – changer le titre de la pièce et changer aussi les noms des personnages, le « page Cameleo » m’ayant supplié de le débaptiser… Je mettrai (…) comme titre simplement HALDERNABLOU en un seul mot de l’horreur de la bête double accouplée ».

Pourquoi ce changement ?

Le « page Cameleo » qui supplie Jarry de le débaptiser, c’est Fargue.

Ainsi Fargue devient-il le page Ablou et Jarry qui était en premier lieu le duc Henrik devient le duc Haldern, anagramme incomplet du prénom de Jarry.

Cette lettre du 27 mai 1894 est pleine de sens (« la dissection indéfinie exhume toujours des œuvres quelque chose de nouveau », écrit Jarry dans le linteau des Minutes et il s’agit de considérer les lettres de Jarry comme de véritables œuvres : bien souvent leur qualité littéraire est certaine ; on pense même que certaines lettres de la fin qui furent envoyées à Rachilde pourraient être – ou contenir – des fragments ou des ébauches de La Dragonne).

Elle nous apprend tout d’abord que Jarry entretient avec Gourmont de longues conversations (« mûre réflexion »). Cette précision est une façon implicite pour Jarry d’avouer à Vallette la relation de proximité qu’il entretient avec Gourmont. Haldernablou est d’ailleurs dédié à Remy de Gourmont. La dédicace est étrange : Appartient à Remy de Gourmont. Ce « appartient » suggère plus qu’une dédicace. Est-ce une façon pour Jarry de s’acquitter de dettes vis-à-vis de Gourmont, dettes générales (il lui doit notamment sa découverte de Lautréamont, comme nous le verrons) ou dette particulière car Jean-Luc Steinmetz note 113 que Haldernablou « est redevable à l’ouvrage Phenissa [de Gourmont] de certaines situations ». Bordillon juge 114 lui qu’Haldernablou doit beaucoup au Château singulier de Gourmont.

Pour quelqu’un comme Jarry qui a toujours considéré les livres comme une partie de lui-même, de l’être 115, on peut penser que cette dédicace dit plus qu’elle ne veut dire : elle est une manière pour Jarry de reconnaître l’ascendant qu’a Gourmont sur lui. C’est, à travers « Haldernablou », une partie de lui qui appartient à Gourmont. Il lui « appartient » comme un élève appartient à son maître, comme un fils appartient à son père. Il lui appartient avant de s’appartenir, avant de se découvrir. C’est-à-dire qu’il laisse à Gourmont le soin de le guider.

113 Jarry, Œuvres complètes, Bouquin Laffont, p 1255.

114 In « Gourmont et Jarry », Bordillon, « Gourmont et Jarry », La Quinzaine Littéraire, numéro 374, 1-15 juillet 1982, pp 12-13.

115 Cette conscience culmine avec le chapitre 36 (« De la ligne ») des « Gestes et opinions du docteur Faustroll » : le manuscrit devient le scripteur (Faustroll), ou tout du moins son corps ; le livre devient le corps, ou plutôt apparaît comme étant le corps : « Et voici que le papier de tenture se déroulait, sous la salive et les dents de l’eau, du corps de Faustroll » (édition Cymbalum Pataphysicum, p 313). Après avoir longtemps réfléchi à une formulation, l’on pourrait se risquer celle-ci : la littérature est le corps de Jarry – le seul envisageable : tous les autres tendent à la désincarnation – libéré du poids du corps).

Cette proximité (renforcée par la mention « l’autre jour » qui peut laisser penser que d’autres discussions ont eu lieu) doit permettre à Vallette, Jarry le pense sûrement, d’accepter plus facilement son intégration au sein de la revue. De plus, Jarry dit qu’il a changé de titre « après mûre réflexion l’autre jour avec Remy de Gourmont ». Il affirme ainsi qu’il subit l’influence de Gourmont, mais la formulation de cette phrase suggère aussi un paradoxe (par rapport à la dédicace) : Jarry se place d’emblée dans un rapport d’égalité.

Ce n’est pas Gourmont qui choisit le titre, mais Jarry. Et il le choisit non pas grâce à l’aide de Gourmont mais après avoir parlé avec lui. Ainsi cette lettre laisse déjà percevoir toute la nature du comportement de Jarry vis-à-vis de Gourmont : ce sera de l’admiration, mais aussi un refus d’admirer. Un besoin de soutien, mais aussi un besoin de couper les liens, pour que son œuvre ne se ressente pas de cet attachement. La position de Jarry face à l’illustre Gourmont est inconfortable, et, finalement, quand le poids de la véritable figure littéraire qu’est Gourmont se fera trop sentir, Jarry provoquera une brouille, afin de se défaire de cette présence, comme nous le verrons par la suite.

Jarry laisse percer dans sa lettre une énigme (« le page Cameleo m’ayant supplié de le débaptiser »), en même temps qu’il se dévoile : ce page existe (en l’occurrence il s’agit de Fargue), il entretient une relation avec lui, et cette dernière est à constante dominant / dominé (Haldern : « … Tu es un bon serviteur. » 116 ; Haldern : « Je veux, après t’être avili devant moi, que tu puisses m’en demander raison » 117). Jarry domine (il est le duc – titre nobiliaire le plus élevé après celui de prince) puisque Fargue (il est le page – jeune noble placé au service d’un seigneur ; soulignons que page vient du grec paidion qui signifie petit garçon) a besoin de « supplier ». C’est une façon de se mettre en avant implicitement, en affirmant la différence qui existe entre lui et le page (Jarry crée, il écrit – le pouvoir est de son côté, c’est lui qui influe sur le cours des choses –, tandis que Fargue se contente de supplier – il tente de réfréner le cours des choses –), autant qu’une façon de tisser un lien privilégié avec le directeur du Mercure. Jarry va jusqu’à parler à mots couverts de la nature de la relation qu’il entretient avec Fargue. C’est tout le sens de l’expression : « l’horreur de la bête double accouplée ». « La bête double » suggère le caractère fusionnel, en même temps qu’elle brouille les identités.

116 Jarry, Œuvres Complètes, Bouquin Laffont, p 57.

117 Jarry, Œuvres Complètes, Bouquin Laffont, p 55.

On ne sait plus qui est qui. Peut-être Jarry suggère-t-il le pouvoir envahissant qu’avait Fargue, aussi bien dans sa vie que pour son écriture.

Ainsi, Jarry fait de Vallette son confident, il le met d’emblée dans le secret, et fait confiance à son intelligence pour tout découvrir. C’est une façon comme une autre de le séduire. Cela fait suite à l’attention qu’a eue Jarry vis-à-vis du Mercure quand, le 3 avril 1894, il en devient actionnaire (il achète quatre actions de 100 francs à la société anonyme du Mercure de France).

Pourquoi cet achat ? Etait-ce pour se faire bien voir du Mercure ?

Remarquons que Jarry cherchera à les négocier pour pouvoir les revendre en 1896. Néanmoins, si les parutions dans la revue sont à ce moment-là plus qu’épisodiques, en mai 1897 paraîtront les Jours et les nuits aux éditions du Mercure de France. Ainsi, je pense que si Jarry cherche à revendre ses actions, ce n’est pas par désintérêt vis-à-vis du Mercure (il ne s’en désintéressera jamais d’ailleurs ; on peut dire que sa vraie famille est constituée des gens du Mercure), mais pour faire face aux problèmes « phynanciers ».

« Haldernablou », qui sera publié par le Mercure en juillet 1894 (Jarry corrige les épreuves alors qu’il est à Pont-Aven), représente l’acmé de la compétition (à sens unique semble-t-il) entre Jarry et Fargue. Cette compétition a d’ailleurs toujours été là, dès le début de leur amitié (elle est déjà présente au moment où Jarry publie à L’écho de Paris et remporte des prix scolaires. On perçoit une volonté diffuse chez Jarry de se démarquer notablement par rapport à son ami. Il écrit ainsi à Léon-Paul Fargue –1894, PL I, 1040 – : « Je te félicite de tes prix de composition latine et de mathématiques. Je crois que tu ne t’attendais pas au second ? Je t’embrasse ») mais on peut observer qu’elle ne s’exprime totalement qu’à partir du moment où seules les individualités comptent.

En effet, à L’Art littéraire (plus encore qu’aux Essais d’art libre), il s’agit d’avoir relativement l’esprit d’équipe, de s’entraider. C’est une publication à compte d’auteur qui ne possède pas de prestige. Jarry et Fargue se retrouvent au sein de cette revue au même niveau. Alors que dès qu’il s’agira de se faire remarquer par Le Mercure de France, la compétition s’exprimera ouvertement, et ne laissera de côté aucun moyen pour écraser l’autre. Il s’agit de se faire une place, et les places sont comptées, Jarry le sait.

Fargue le caméléon

Le texte que Jarry publie au Mercure ridiculise, à mon sens, Fargue, le discrédite auprès du Mercure. Dans la première version (celle que Jarry voulait publier), Fargue est, comme nous l’avons déjà souligné, le page Cameleo. Fargue, un caméléon, capable de prendre toutes les apparences pour se faire accepter, de se fondre dans la couleur de son « milieu » ? On sait que Fargue avait moins de personnalité que Jarry et qu’il n’hésitait pas à flatter, à montrer aux autres l’image de lui que les autres selon lui attendaient.

En mettant l’accent là-dessus, Jarry souligne le trait de la personnalité de Fargue le plus détestable. Il le dénonce ainsi dans le milieu littéraire, où tout est beaucoup question d’amitié, et où il s’agit de sauvegarder les apparences.

L’image que Jarry veut donner de Fargue, c’est bien celle-ci : celle de quelqu’un qui supplie (un paidion – un petit garçon –), sans personnalité propre.

C’est comme si Jarry, non content de paraître au Mercure, voulait tout faire pour que Fargue n’y paraisse jamais vraiment (d’où le premier titre choisi : « Histoire tragique du page Cameleo ». Haldern dit en parlant de Ablou : « Il ne parlera plus – et c’est tout ce que je regrette en lui. » 118).

Nuançons ce jamais. Dans le numéro de juillet 1894 du Mercure qui accueille Haldernablou : Léon-Paul Fargue fait, lui aussi, son entrée au Mercure, laquelle ne sera que ponctuelle 119. Mais peut-on vraiment parler d’entrée ? Dans la rubrique « Les livres », Léon-Paul Fargue offre au livre de Paul Fort Premières lueurs sur la colline un éloge fort obscur 120. Tandis que Fargue fait œuvre de critique, Jarry lui est accueilli comme poète. Cette distinction devait être fondamentale aux yeux de Fargue. Et si le texte de Fargue est si obscur, c’est sans doute parce qu’il a voulu donner vie à toute la littérature possible (faire entrer le plus de littérature dans le court espace qui lui était imparti, faire tenir le plus de sens et de poésie en un minimum de mots : il tente de passer outre l’obligation de faire un compte-rendu, fait de la littérature malgré cette position de critique : il y a un effort manifeste de Fargue visant à s’approcher de la position de Jarry).

Il y a quelque chose d’assez pervers dans la façon qu’a Gourmont (ou peut-être Vallette) d’accueillir Jarry et Fargue dans le même numéro, et en

118 Source : Arnaud, Alfred Jarry, d’Ubu roi au docteur Faustroll, p 102.

119 Voir Arnaud, Alfred Jarry, d’Ubu roi au docteur Faustroll, p 106.

120 On peut le lire pp 107-108 in Arnaud, Alfred Jarry, d’Ubu roi au docteur Faustroll.

recréant, de part la position de chacun (au sein de la revue, position renforcée

recréant, de part la position de chacun (au sein de la revue, position renforcée

Dans le document Jarry et les revues (Page 44-58)

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