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Section I- Les ententes en matière d'assurance

A. Ententes classiques entre assureurs

373. La diversité des structures, l'aléa et le mécanisme de fonctionnement des entreprises du secteur

des assurances pourraient favoriser l'établissement d'accords ou la mise en œuvre de pratiques concertées entre entreprises d'assurance de même forme juridique ou dont la forme est différente et au détriment des autres catégories d'entreprises. Ces pratiques, accords ou conventions, même s'ils n'ont aucun objet anticoncurrentiel, peuvent avoir pour effet d'évincer des concurrents, leurs produits ou circuits de production du marché.

374. Dans une décision du Conseil de la concurrence554, a été qualifié d'entente anticoncurrentielle

554Cons. Conc., Déc., n° 01-D-55, 21 décembre 2001, relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché du remboursement complémentaire à l'assurance maladie, définitive.

« un Pacte d'Union » mis en œuvre par la fédération nationale de la mutualité française (FNMF) contenant des clauses de non-concurrence entre les mutuelles de la fédération et des clauses tarifaires à respecter. Ces clauses ont été appliquées par certains membres de la FNMF, en l'occurrence la Mutuelle Nationale Hospitalière(MNH), la Mutuelle française du Gard et l'Union départementale, contre la Mutuelle de sud. En effet, celle-ci a démarché des personnels de l'hôpital d'Alès faisant partie de la clientèle de la MNH. Le Conseil de la concurrence a énoncé que cet accord constitue une entente au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce, dès lors qu'il résulte d'un accord de volonté entre les membres de la FNMF, en considérant que les clauses de non-concurrence constituent un accord de partage du marché entre les membres ayant pour objet et pour effet de supprimer toute concurrence555.

375. Des ententes particulières sur les primes d'assurance ont pu également être condamnées par les

autorités de la concurrence. La CJCE dans l'arrêt Verband der Sachversicherer précité556 a jugé que la recommandation émanant d'une association allemande d'assurance prescrivant une augmentation des primes d'assurance dans le secteur des assurances industrielle-incendie tombait sous le coup de la prohibition des ententes. Elle a estimé que malgré la particularité du secteur des assurances, cette recommandation n'était pas justifiée au regard de l'article 101 §3 TFUE. L'augmentation, portait atteinte à la concurrence et dépassait les avantages présentés par l'opération parce qu'elle englobait non seulement les coûts des sinistres, mais aussi les charges de gestion des compagnies. La cour a ainsi estimé que cette recommandation « était susceptible de par sa nature générale et

indifférenciée, d'apporter des restrictions à la concurrence qui allaient au-delà de ce qui était nécessaire pour assainir le secteur concerné ».

376. Par ailleurs, dans une autre décision, le Conseil de la concurrence, saisi par un syndicat des

courtiers en assurance, le Syndicat français des assureurs conseils (SFAC), contre des entreprises d'assurance directe en raison des pratiques de prix prétendus abusivement bas, a exclu toute qualification anticoncurrentielle. En l'espèce, selon l'analyse du marché, les tarifs proposés par les sociétés d'assurance directe étaient de 40 à 50 % moins chers que ceux pratiqués par les compagnies traditionnelles. Devant le Conseil de la concurrence, le SFAC a estimé que ces tarifs sont proposés

555Ibid, pt. 62 ; Cette décision a été prise quelques années après une décision ayant prononcé l'irrecevabilité pour absence d'éléments suffisamment probants et confirmé par la cour d'appel de Paris suite à une saisine dénonçant particulièrement l'existence d'un Pacte d'Union signé entre toutes les mutuelles sectorielles et aboutissant au partage du marché de la fonction publique : Cons. Conc. Déc., 28 avril 1993, n° 93-D-07, relative à la saisine présentée par la mutuelle générale des services publics : Cour d'appel de Paris, 11 janvier 1994.

afin d'évincer les concurrents de ces sociétés. Dans sa décision557, le Conseil de la concurrence a estimé qu'aucun élément de dossier ne permettait d'établir que les tarifs pratiqués par les assureurs directs avaient eu pour effet d’évincer les courtiers concurrents ou avait été la cause directe d'une baisse importante de leur chiffre d'affaires. Dans cette décision, la part de marché inférieure à 3 % détenue par les sociétés d'assurance directe était aussi un élément important dans la décision, puisque cela ne permettait pas de montrer que les courtiers étaient victimes d'une pratique d'éviction.

377. Dans une autre affaire relative à une pratique d’entente plus particulière, le Conseil de la

concurrence a dû se prononcer sur des menaces émises par la Fédération Nationale des Syndicats d'Agents Généraux d'Assurance (FNSAGA) et ses chambres syndicales à l'encontre de ses membres garagistes et concessionnaires indicateurs d'assurance. En l'espèce, après un échange d'informations et de renseignements, des menaces de déconventionnement ont dû être lancées contre les concessionnaires et garagistes afin de dissuader ces derniers d'intervenir sur le marche de la distribution des assurances automobiles de leurs concurrents. Le Conseil a qualifié ces pratiques d'ententes ayant pour objet d'évincer les concurrents du marché de la distribution de l'assurance automobile558.

378. Par ailleurs, il est très courant que des ententes se forment entre entreprises d'assurances afin

de prendre en charge des risques dont la couverture ne peut être garantie par un seul assureur. Dans un tel cas, la prohibition liée aux ententes peut être exclue. Dans une décision relative au marché de l'assurance maritime559, l'Autorité de la concurrence européenne a ainsi exclu un accord de partage de sinistres entre mutuelles spécialisées couvrant 89 % du marché mondial pour l’assurance en responsabilité civile et contractuelle maritime (protection et indemnité – P&I). Selon la Commission, cet accord n'était pas interdit par les dispositions de l’article 101, paragraphe 1, parce que les membres des clubs P&I n’étaient pas des concurrents réels et potentiels vu qu’ils étaient incapables d’assurer seuls les risques qualifiés « très grands risques en responsabilité maritime » couverts par le groupement.

557Cons. Conc ; Déc., n° 02-D-66, 6 novembre 2002 relative à des pratiques mises en œuvre par les sociétés d’assurance directe.

558Cons. Cons., Déc. n°93-D-46, 3 novembre 1993, relative à une saisine de Conseil National des professions de l'automobile à l'encontre de la Fédération national des syndicats d'agents généraux d'assurances, de la chambre syndicale des agents généraux d'assurances de l'Eure et de la chambre syndicale des agents généraux d'assurance de Calvados, définitive.

559Commis. CE., Déc., 12 avril 1999, n° 1999/329/CE, Clubs P & I relative à un accord de mise en commun, JOCE L 125, 19/05/1999, pp. 12-31.

379. De la même manière, la Commission européenne a clôturé trois enquêtes ouvertes à l'égard de

trois groupements de coassurance sur le marché d'assurance en responsabilité nucléaire. Dans ces affaires, la Commission européenne a conclu que sans les accords de groupement, une assurance en responsabilité nucléaire avec une couverture adéquate pour les risques impliqués ne pourrait être fournie560.

380. Pourtant, cette nécessité ne semble-t-elle pas permettre la tolérance de certaines pratiques

anticoncurrentielles. Le Conseil de la concurrence a été amené à analyser l'effet potentiellement anticoncurrentiel de certains usages propres à l'activité de coassurance. Il a, ainsi dans son avis de 2003561, estimé que les pratiques mises en œuvre dans le cadre de l'activité de coassurance par le biais de la clause dite « l'assureur le plus favorisé » était de nature à restreindre le jeu de la concurrence sur le marché en favorisant une hausse artificielle des prix au détriment de leur libre fixation par le jeu du marché. En effet, il a précisé qu' « en étendant à l'ensemble des offres

d'assureurs les conditions obtenues par un seul d'entre eux, la clause substitue les conditions obtenues par une société à l'appréciation que chaque entreprise du groupement porte sur ses coûts de revient, son prix de vente, et plus généralement sur son offre, au moment de poser sa candidature pour entrer dans le groupement ». Ainsi, si la pratique favorisait l'établissement des

conditions commerciales équivalentes à l'ensemble des conditions obtenues par les membres du groupement concurrents, l'atteinte disproportionnée à l'intérêt des consommateurs assurés peut conduire à condamner cette pratique.

381. À côté de ces cas classiques d'ententes verticales ou horizontales entre assureurs, d'autres

situations d'ententes propres au secteur des assurances méritent, en raison de leur composition particulière, d'être analysées séparément.

560 V., dans ce sens la direction générale de la concurrence, document de consultation portant sur l’examen du fonctionnement du règlement (CE) n° 358/2003 de la Commission concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité à certaines catégories d’accords, de décisions et de pratiques concertées dans le secteur des assurances, document consulté sur le cite de l'UE, dernière consultation 16 septembre 2015, sous le lien:

http://ec.europa.eu/competition/sectors/financial_services/consultation_paper_17042008_fr.pdf.

561Cons. Conc. Avis, n° 03-A-19, 17 novembre 2003 relatif à une demande de la Fédération française des courtiers d'assurances et de réassurances portant sur les conditions de négociation des contrats de coassurance des risques industriels.

B. Ententes particulières entre assureurs et autres