• Aucun résultat trouvé

Chapitre I. Evolution d’un versant rocheux depuis la dernière phase glaciaire quaternaire

I.2 Contexte climatique du Quaternaire

I.2.2 Enregistrement du climat dans les Alpes

Quels ont été les effets de ces fluctuations climatiques et plus particulièrement de ces périodes glaciaires dans les Alpes ? Les travaux de cartographie des formes d’érosion glaciaires dans les Alpes (moraines, blocs erratiques, roches moutonnées) par Penck et Brucknet (1909) ont permis d’établir la première chronologie glaciaire qui avait pour objectif de retracer l’histoire des différentes glaciations ayant affecté les Alpes. Quatre grandes glaciations ont pu être identifiées, de la plus ancienne à la plus récente : Günz, Mindel, Riss et Würm (Tableau I-1).

Les enregistrements isotopiques dans les sédiments océaniques (stade isotopique marins, MIS) et dans les glaces (Figure I-1) ont mis en évidence un nombre important de périodes glaciaires et interglaciaires qui peuvent être mis en correspondance avec ces 4 grandes glaciations alpines (Tableau I-1). Ces très nombreuses fluctuations climatiques suggèrent cependant un nombre plus important de glaciations, même s’il n’existe plus de formes glaciaires associées. En effet les formes anciennes sont détruites à chaque glaciation et ce sont donc uniquement les traces des glaciations les plus puissantes ou les plus récentes qui sont les mieux enregistrées.

Figure I-2 Carte de l’englacement des Alpes Nord Occidentales au LGM. Localisation du mouvement de Séchilienne dans la vallée de la Romanche. Représentation du glacier de la Romanche en jaune. Modifiée d’après Couterrand, 2007.

Parmi ces nombreuses glaciations nous allons principalement nous intéresser à la dernière, celle du Würm, qui a laissé les traces glaciaires alpines les plus récentes. Elle est spatio-temporellement bien contrainte dans les Alpes, en raison des datations absolues réalisées sur de nombreux sites Alpins [Schoeneich, 1998]. Le Würm désigne la période glaciaire qui d’étend de -110 à -12 ka BP (années calibrées avant le présent) et qui précède la période interglaciaire de l’Holocène (Figure I-3).

températures de l’hémisphère Nord depuis -250 ka et permettent d’affiner le découpage chronologique du Würm mais également de la période interglaciaire correspondant à l’Holocène. Ce découpage chronologique met en évidence une période de transition appelée période Tardiglaciaire (~21 ka à ~11ka) entre la période plus chaude de l’Holocène et le dernier maximum glaciaire (Last Glacial Maximum, LGM)) du Würm.

Le dernier maximum glaciaire mondial (LGM), défini par Crowley and North [1991], est basé sur le dernier maximum des courbes SPECMAP (courbe de référence faisant la moyenne de l’ensemble des données océaniques de δ18O, [Daniel et al., 2000]), établies à partir des données de dépôts carbonatés [Chappell and Shackleton, 1986].Il correspond à la période comprise entre 26 ka et 21 ka [Svensson et al., 2006]au cours de laquelle les appareils glaciaires des Alpes Nord Occidentales auraient atteint leur extension maximale (Figure I-2). A la même période, le glacier de la Romanche situé au Sud de ce domaine atteignait également son dernier maximum et recouvrait alors le site de Séchilienne (Figure I-2) jusqu’à l’altitude de 1200m [Monjuvent, 1978].

Figure I-3 Contexte climatique global lors de la transition Pléistocène supérieur /Holocène représenté à partir des courbes d’évolution temporelles du δ18O des précipitations enregistrées dans les glaces du forage GRIP [Johnsen et al., 1997] et reconstitué à partir des ostracodes du lac Ammersee [von Grafenstein et al., 1999]. Indication des stades isotopiques marins (MIS), le dernier maximum glaciaire (LGM) et les interstades groenlandais (GI) d’après Swensson et al, 2006. Les différentes périodes climatiques caractéristiques du Tardiglaciaire et de la fin de la glaciation alpine du Würm sont indiquées. L’échelle temporelle utilisée est représentée en milliers d’années avant l’an 2000 (ka b2K) en accord avec l’échelle standardisée « Greenland Ice Core Chronology (GICC05) ; [Rasmussen et al., 2006]. Modifiée d’après Delunel, 2010.

Ultime subdivision du Würm, le Tardiglaciaire est caractérisé globalement par un réchauffement marqué par quelques oscillations froides. Le contexte climatique global du Tardiglaciaire est représenté par les courbes de l’évolution temporelle du δ18O des précipitations enregistrées dans les glaces du forage du Groenland (GRIP) [Johnsen et al., 1997] et dans les coquilles des ostracodes du lac Ammersee [von Grafenstein et al., 1999] (Figure I-3). Le Tardiglaciaire est découpé en 3 périodes climatiques : le Dryas ancien (OD), le Bølling-Allerød (B-A) et le Dryas récent (YD) (Figure I-3). Le Dryas ancien (~18 jusque ~14,5 ka BP) marque la fin du dernier maximum glaciaire. Durant cette période, le froid s'atténue progressivement, permettant ainsi l’expansion des steppes à armoises [DAVID, 1993;

David and Barbero, 2001]. S’ensuit une brusque montée de température vers 14,5 ka BP,

correspondant aux épisodes chauds du Bølling-Allerød, avant une chute brusque vers 12,5 ka BP, caractérisant le Dryas récent (Figure I-3). Au cours du Tardiglaciaire, les températures vont donc être favorables à l’initiation du désenglacement de certaines vallées Alpines [Kelly et al., 2004; Delunel, 2010], malgré le bref et intense refroidissement au cours du Dryas récent permettant l’avancée de certains glaciers [Ivy-Ochs et al., 2009].

Figure I-4 Variabilité des 3 proxies liés au climat durant l’Holocène. a) Evolution de la température en Europe reconstruite à partir de données de pollen en hiver (courbe bleu) et en été (courbe rouge), d’après Davis et al., 2003. b) Distribution des dates du niveau haut des lacs dans les montagnes du Jura, les pré-Alpes françaises et le plateau Suisse (histogramme bleu), d’après Magny [2004 et 2007] et évolution du taux de pollen dans les Alpes du Sud (courbe verte) d’après de Beaulieu [1977]. Modifiée d’après Le Roux [2009].

La période interglaciaire de l’Holocène, qui débute il y a environ 12 ka BP, succède au Tardiglaciaire (Figure I-3). L’évolution paléo-climatique de la période Holocène, présentée à la Figure I-2, a été reconstruite à partir de l’évolution de 3 proxies:

- la température : l’évolution de la température moyenne en Europe a été reconstruite à partir de données quantitatives de pollen sur plus de 500 sites. [Davis et al., 2003].

- les caractéristiques hydrologiques : extrapolées à partir de la distribution des dates du niveau haut de 26 lacs situés dans les montagnes du Jura, pré-Alpes françaises et le plateau Suisse. [Magny and Haas, 2004; Magny et al., 2007]

- le couvert forestier : l’estimation de son développement dans les Alpes du Sud est rendu possible à partir de l’évolution du taux de pollen [Beaulieu, 1977](courbe verte, Figure I-3b). Ainsi, après le Dryas récent marquant la fin de la période glaciaire du Würm, cinq phases climatiques composant l’Holocène vont se succéder jusqu’à l’actuel. La plus ancienne, le Préboréal (12 à 10 ka BP) est une phase de transition durant laquelle règne un climat sec, associé à une augmentation des températures qui va se poursuivre et s’accroitre au cours de la phase suivante : le Boréal (10 à 9 ka BP). A ces deux phases succède l’optimum Climatique, qui va s’étendre sur une période de 4000 ans (zone grise, Figure I-4). L’évolution des 3 proxies au cours de l’optimum Climatique - l’augmentation de la température de 1 à 2°C [Davis et al., 2003], le développement du couvert forestier [Beaulieu, 1977]ainsi que l’augmentation des niveaux dans les lacs causée par de fortes précipitations annuelles [Magny and Haas, 2004; Magny et al., 2007] (Figure I-4) - décrit une période chaude et très humide. Par contre, durant les phases suivantes, le Suboréal (5 à 2.5 ka BP) et le Subatlantique (2.5 ka à 0 BP), la température va progressivement diminuer.

En résumé, le Quaternaire est marqué par des fluctuations climatiques correspondant à une succession de périodes froides et tempérées à l’échelle mondiale. Dans les Alpes, ces fluctuations vont fortement influencer l’englacement des vallées mais également la mise en place et l’extension du pergélisol, deux éléments qui vont avoir un rôle important dans la morphogénèse et l’évolution des versants rocheux. Leur rôle respectif est présenté et détaillé dans les paragraphes I.3.1 et I.3.2 .