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Le site de Séchilienne est localisé dans le canton de Vizille anciennement classé en zone sismique Ib (Zonage 1991) et, par application du nouveau zonage de 2011 [Article D563-8-1 du code de l’environnement] , est aujourd’hui reclassé en zone de sismicité 4 (moyenne). En 1999, un séisme de magnitude 3,5 (séisme de Laffrey) dont l'épicentre se situe à environ 6 km du mouvement de Séchilienne et à 1 km de profondeur a été enregistré [[Panet et al., 2000]]. Ce séisme, qui est le plus gros mesuré dans la zone depuis une vingtaine d’années, n’a cependant eu que peu d’effet sur le site de Séchilienne comme l’indique la faible intensité mesurée IV-V et l’absence de mouvement dans la déstabilisation (mesures extensométriques et géodésiques). Des séismes plus forts, pouvant atteindre une magnitude 6, sont susceptibles de se produire le long de la faille bordière de Belledonne [Thouvenot et al., 2003]. Dans ce contexte, l’incidence d’un séisme sur le mouvement de Séchilienne a été évalué en calculant la stabilité des pentes en pseudo statique [Panet et al., 2000]. Cette étude s’est appuyée sur la réglementation alors en vigueur (Zonage de 1991), pour laquelle la valeur d’accélération nominale (aN) pour une zone sismique Ib est comprise entre 1,5 et 2,5 m/s2. En appliquant au versant de Séchilienne une accélération horizontale correspondant à 0,5 aN et une accélération verticale de 0,3 aN (soit au maximum des accélérations de 1,25 m/s2 et de 0,75 m/s2), cette étude a montré que : (1) de telles accélérations seraient susceptibles de provoquer l’éboulement dans la zone active de quelques centaines à quelques milliers de m3 de roches, (2) pour le reste du versant l’incidence serait nulle [Panet et al., 2000]. La répétition de ces événements pourrait toutefois produire un effet de fatigue et ainsi affaiblir le massif [Panet et al., 2000]. L’application du nouveau zonage de 2011 implique cependant une augmentation de cette valeur d’accélération nominale qui passe alors d’une valeur comprise entre 1,5 et 2,5 m/s2 à une valeur comprise entre 1,6et 3 m/s2. Des études plus fines sur les mouvements du sol au niveau du site de Séchilienne intégrant d’une part (1) ces nouvelles valeurs d’accélération [Durville et al., 2004] et considérant d’autre part (2) le possible effet de site généré par la déstructuration du versant affecté par le mouvement et la chute de la rigidité associée (comme cela a été observé sur des mouvements de terrain en Italie [Bozzano et al., 2008]) sont donc de ce fait attendues.

II.2.3.2 Risques et enjeux

Le risque de Séchilienne combine donc plusieurs aléas qui font de ce risque non pas uniquement le résultat d’un éboulement rocheux mais d’une succession de phénomènes associés : création d’un barrage avec formation d’une retenue d’eau, inondation d’une partie de la vallée en amont, génération d’une onde de crue par rupture du barrage ou par éboulement rocheux dans le lac/barrage, avec impact sur les populations et industries situées en aval. Le risque de Séchilienne apparait donc comme un risque en chaine : du risque initial « éboulement » va s’initier une cascade de risques seconds (inondation, submersion, industriel). Ces risques seconds vont, selon des modalités distinctes et en fonction du scénario de rupture, menacer différents territoires.

Le risque premier d’éboulement menace directement la RD 1091 (scenario 1 à 3). Cet axe de communication qui assure l’accès aux vallées de l’Oisans (10 000 habitants permanents, 22 communes), abritant des espaces touristiques (Alpes d’Huez, Deux-Alpes) d’intérêt national (80 000 lits de capacité) mais également aux Hautes Alpes (Serre-Chevalier, La Grave) joue un rôle

économique très important. Les chiffres d’affaires induits par les activités (touristiques, ski, sport de montagne) de ces différents lieux sont annuellement de l’ordre de 250 à 300 M€ [Durville et al., 2004]. Il apparait donc capital sur un plan économique de maintenir la communication sur la RD 1091.

Le risque second d’inondation (scénarios 2 et 3) de l’amont de la vallée lié à la formation d’un lac-barrage va menacer le Village de Séchilienne (670 habitants) ainsi que le lotissement du Grand-Serre. Pour le risque submersion par l’onde de crue, le territoire menacé en aval de la vallée varie en fonction de l’ampleur de l’onde de crue. Ainsi, pour les scénarios 1b à 3, le territoire affecté s’étendra respectivement jusqu'à Vizille ou jusqu’à Grenoble (Vizille, Jarie, Champagnier, Pont-de-Claix). Les dégâts alors estimés oscillent entre quelques centaines de millions d’euros à plusieurs milliards d’euros. La présence d’installations chimiques dans la zone sud de Grenoble (Champ sur Drac, Jarrie, Pont de Claix), pouvant être frappées par le passage de l’onde de crue soulève également la possibilité d’un risque industriel. L’endommagement et la rupture éventuelle de canalisations (chlore et phosgène) par l’onde de crue entraînerait en effet dans l’agglomération grenobloise une catastrophe sanitaire et écologique.

II.2.3.3 Parades techniques et Juridiques

Afin de réduire le risque et les dommages décrits précédemment, des parades techniques (routières ou hydrauliques) mais également juridiques (mesures conservatoires) ont été mises en place dès 1985(Figure II-3). Les parades techniques (dites routières) ont pour objectif d’assurer la continuité de la RD 1091 en cas d’éboulement (scénario 1 à 3). La première a été la construction d’un remblai de protection. Comme il s’est avéré rapidement insuffisant, des restrictions de circulation en mars 1985 par des feux de circulation ont alors été appliquées. En mars 1986, deux ouvrages de franchissement de la Romanche de 1400 m de long ont été réalisés pour dévier en rive gauche la RD 1091 qui passait alors au pied du versant. Parallèlement, un merlon de protection (Figure II-3) a été réalisé avec un objectif double : contenir un éboulement jusqu’à 1 millions de m3 pouvant atteindre la RD 1091 et protéger le hameau de 90 maisons de l’île Falcon. Cette même année, un canal de dérivation de la Romanche de 1,2 km de long a été construit afin de maintenir son écoulement dans le cas d’un éboulement de faible volume (scénario 1.a). A cette parade hydraulique est venue s’ajouter en 2003 la construction d’une galerie de déviation (Figure II-3) en rive gauche, dimensionnée pour répondre aux scénarios 2 et 3. En cas d’obstruction de la vallée par un éboulement important, l’objectif de cette galerie est d’empêcher ou de limiter la formation d’un lac de retenue en permettant l’évacuation d’un débit de 50m3/s. En plus de ces différentes parades techniques, des mesures conservatoires ont été appliquées, notamment suite aux premières études de 1997 considérant que l’éboulement était inéluctable. L’expropriation et l’évacuation des 94 personnes du hameau de l’ile Falcon ainsi que la fermeture d’une papeterie (51 employés) ont été décidées en application de la loi Barnier de 1995.

Figure II-3 Présentation et localisation des différentes parades technique appliquées (galerie hydraulique, merlon, canal) et des zones concernées par les mesures conservatoires (papeterie et hameau de l’ile Falcon).

II.3 Contexte géomorphologique et géologique

La compréhension du mouvement de Séchilienne passe par une meilleure connaissance du contexte géologique (terrain, structure) et géomorphologique à (1) l’échelle du versant qu’il affecte (échelle locale) mais également à (2) l’échelle du massif où il se développe (échelle régionale). Dans ce but, de nombreuses études ont été menées sur ce phénomène depuis une trentaine d’années. Elles sont synthétisées dans ce paragraphe.

II.3.1 Echelle régionale : Présentation du massif de Belledonne.

Le site de Séchilienne est situé sur la bordure sud du Massif de Belledonne appartenant aux Alpes occidentales françaises (Figure II-4). Ce massif, dont le modèle numérique est présenté à la Figure II-4, montre une extension Nord-Ouest/Sud-Ouest et s’étend sur une soixantaine de kilomètre de long et une dizaine de km de large. Il est bordé à l’Ouest par la large dépression de la vallée de l’Isère et fait face au massif de la Chartreuse. Au Sud, il est incisé par la vallée étroite et encaissée de la Romanche. Ce modèle numérique de terrain révèle également un relief adouci à l’ouest du massif qui va progressivement et fortement s’accentuer dans sa partie Est avec des sommets atteignant 3000 m (Figure II-4).

Figure II-4 Modèle numérique de terrain (IGN 50m avec localisation du mouvement de Séchilienne en sur la bordure du Massif.

Ce massif appartient à l’ensemble des massifs cristallins externes des Alpes formant la courbure de l’arc alpin. Il est composé de deux grands domaines : le domaine externe et le domaine interne [Antoine et al., 1998], séparés par l’Accident Médian de Belledonne (BMF, Faille Médiane de Belledonne). Comme le montre la Figure II-5, le domaine externe à l’Ouest de la BMF forme l’essentiel du massif de Belledonne. Selon Ménot [1988], ce domaine peut être divisé en deux sous-domaines (Nord-Est et Sud-Ouest), dont la limite est marquée par la zone de cisaillement senestre orientée Nord-Sud correspond à la faille de Rivier Belle Etoile (RBE, Figure II-5, [Guillot et al., 2003]). Nous nous intéresserons ici uniquement au domaine interne Sud-ouest séparé du domaine externe à l’ouest par l’Accident Médian de Belledonne. Ce domaine interne Sud-Ouest présente une forte diversité lithologique avec des micaschistes et une succession tectonique de plusieurs unités formées d’amphibolites acides et basiques d’âge Cambrien à Dévonien [Menot, 1988; Guillot and Ménot, 1999] ainsi que de granitoïdes. Ces formations lithologiques étant très compétentes, ce domaine va être caractérisé d’un point de vue géomorphologique par un relief marqué (sommet 3000m) (Figure II-4). Le domaine externe situé à l’Est de la BMF forme une bande relativement étroite de reliefs mous et peu élevés (Figure II-4), en raison de la faible compétence de l’unique formation lithologique

soulignée par la faille de Vizille (VF, Faille Vizille) qui marque le contact entre ce domaine et les collines bordières correspondent à une couverture sédimentaire mésozoïque (marne et calcaire) de direction Nord-ouest/Sud-est, délimitée à l’Est par la vallée de l’Isère.

Figure II-5 Carte géologique et structurale du massif de Belledonne. Localisation des principales failles et des différents domaines. Modifiée D’après Ménot [1988].

La formation du massif de Belledonne s’est opérée en plusieurs phases :

- La première se déroule au cours de l’orogénèse hercynienne de -350 à -245 Ma. Durant celle-ci, le socle du massif constitué de roches formées du Précambrien au Carbonifère va être déformé et métamorphisé [Menot, 1988; Von Raumer et al., 1993]. Au cours de cette même phase, de -300 (fin du Carbonifère) à -245 Ma (Permien) des sédiments détritiques vont être progressivement déposés, recouvrant ainsi le socle déformé et métamorphisé.

- Dés la fin du Permien (-245 Ma), va débuter la phase tectonique posthercynienne caractérisée par une extension qui va engendrer la création de failles normales. Le socle et la couverture de sédiments paléozoïques sont alors débités en blocs qui vont, lors de leur basculement, induire d’importantes et rapides variations d’épaisseur des couvertures sédimentaires liasiques et jurassiques qui se sont déposés sur ce substratum au cours du Mésozoïque. - La dernière phase a lieu de -40 à -5 Ma. Elle correspond à l’orogénèse alpine. Durant celle-ci

le massif de Belledonne va subir un raccourcissement crustal important induisant (1) un épaississement important dans les zones profondes du massif auquel sera associé un métamorphisme dont les conditions sont celles du faciès schistes verts [Goffe et al., 2004] et

(2) un soulèvement tardif l’amenant à son altitude actuelle. Indépendamment de ce raccourcissement crustal, la couverture mésozoïque est, durant cette orogénèse, cisaillée vers l’ouest donnant ainsi naissance aux chaînes subalpines de la Chartreuse et du Vercors.