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Enonciation de Facebook en Français et prescription d’usage

ANNEXE 1) Analyses sémiotiques synchroniques

3) Enonciation de Facebook en Français et prescription d’usage

Les premières traces d’énonciation discursive de Facebook que l’on rencontre sont visibles : - dans le moteur de recherche du menu

- et dans le premier rectangle du fil d’actualité

Facebook s’adresse à l’internaute en utilisant une couleur de police très claire (gris pâle), presqu’en transparence, comme une marque de discrétion. Cela renvoie l’idée d’un texte qui n’aurait pas vocation à rester. Il s’agit d’une indication : une notice, un mode d’emploi que l’utilisateur lit la première fois, puis ignore facilement – de façon même involontaire (ce qui témoigne d’une accoutumance de l’œil faisant entrer le texte dans ce qui relève de l’infraordinaire).

Cette indication prescrit un usage : l’utilisateur est invité à écrire à son tour, dans une police plus foncée, sur le texte :

- « Chercher des personnes, des lieux ou d’autres choses » - « Exprimez-vous »

La différence entre ces deux énonciations est assez symptomatique de ce qui peut être perçu comme des incitations à la publication sur Facebook : lorsqu’il s’agit de recommander un usage pour naviguer sur le réseau, Facebook emploie l’infinitif (mode impersonnel, l’adresse est alors indirecte). En revanche, dès lors qu’il s’agit d’inciter à la publication, Facebook s’adresse directement à l’utilisateur en employant l’impératif et le vouvoiement. Nous notons, néanmoins, qu’il s’agit là de traductions à partir du Facebook anglais. Aussi, ces remarques ne veulent pas mettre au jour les intentions avérées

107 du dispositif Facebook (qui ne sont, peut-être, que de simples erreurs de traduction) mais elles rendent compte des imaginaires véhiculés par la version française du réseau socionumérique.

Au sein des différents cadres qui constituent le fil d’actualité, nous repérons de nouvelles prescriptions d’usage. Il s’agit de trois liens, placés l’un à côté de l’autre, et dont le clic permet une action différente :

- « J’aime » - « Commenter » - « Partager »

Notons les différents types d’énonciation :

- « j’aime » : indicatif présent, première personne du singulier.

Facebook parle au nom de l’utilisateur. Il choisit ses mots et ses émotions : il n’y a aucune nuance possible, si l’utilisateur clique, il « aime » sans demi-mesure. La liberté d’expression de l’utilisateur se résume alors au clic ou au non clic.

Aussi, ce type d’énonciation permet à Facebook de prendre le contrôle sur la prise de parole de l’utilisateur, tout en lui donnant l’illusion d’une expression libre et volontaire : le « je » renvoie encore à l’utilisateur A priori, seule l’initiative de ce-dernier devrait en être à l’origine. - « commenter » / « partager » :

Facebook utilise le mode impersonnel de l’infinitif là où il optait pour l’impératif et le vouvoiement dans le « exprimez-vous ». On peut donc deviner une incitation moindre à l’échange et au dialogue par rapport à celle de l’exposition de soi.

Les modalités d’énonciation de Facebook encouragent donc 1) à s’exprimer, 2) à prendre connaissance des publications postées par les contacts, 3) à se situer par rapport à elles en des termes immédiatement exploitables – puisque imposés par la plateforme (le « j’aime » renvoie aux intérêts quantifiables de l’utilisateur, susceptibles d’intéresser les annonceurs) – et enfin, 3) à échanger (commenter et partager).

L’ordre dans lequel ces 3 liens se succèdent révèle le primat donné au « je » de l’utilisateur dans la version française : la mention « j’aime » est placée à gauche des liens « commenter » et « partager ».

Conclusion

L’analyse globale de la page d’accueil des utilisateurs met ainsi évidence le type d’énonciation choisi par Facebook :

- L’énonciateur tente de se dissimuler à travers un jeu de couleurs et de formes : ces énonciations textuelles apparaissent en gris pâle, seul son logo (énonciation logotypique) n’indique sa présence et les mentions légales passent presque inaperçues (la taille et la couleur de la police sur un fond gris-bleu les rendent quasiment illisibles).

- Facebook ne parle jamais en son nom par l’emploi du « nous » et lorsqu’il utilise le « je », c’est pour parler au nom de l’utilisateur (« j’aime »).

En somme, Facebook – assis sur une notoriété certaine rendant inutile tout effort d’affirmation identitaire, largement relayée par l’image des pages Facebook (un simple coup d’œil à l’écran permet, en effet, d’identifier la marque) – semble vouloir disparaître pour créer l’illusion d’une intimité, d’un quant à soi qui faciliterait la libre expression de l’utilisateur et la confidence. Les différentes injonctions à la publication sont tellement claires (sur fond blanc) qu’elles se mêlent au décor et semblent relever de l’impensé du texte. Ces messages, presque « subliminaux », laissent croire à une expression spontanée de la part des utilisateurs. Dans le même temps, ils clarifient les fonctionnalités du dispositif.

108 Nous notons à ce sujet que les informations relatives au mode d’emploi du dispositif se veulent, elles aussi, des plus discrètes : elles peuvent être renseignées dans une couleur très claire comme nous l’avons dit précédemment, ou n’apparaître qu’au passage de la souris (un paratexte explicite certains pictogrammes).

Une couche informationnelle se superpose donc au contenu de la page, mais uniquement en cas de nécessité. Cette économie d’indications rend la page plus aérée et la présence de Facebook moins évidente.

De la même façon, les lignes et les colonnes du tableau logiciel disparaissent, rendues inutiles par le dégradé de bleu présent dans l’ensemble du site. C’est donc toute la matrice logicielle qui semble vouloir se dissimuler, laissant l’utilisateur seul face à « sa » page d’actualité.

Les injonctions à la publication passées inaperçues, l’utilisateur pourrait se penser à l’initiative d’une expression libre et en son nom (le « je » de « j’aime » renvoie, en effet, à l’utilisateur. Pourtant, ce ne sont aucunement ses mots). Sans percevoir les acteurs (Facebook) et le dispositif (le logiciel), il pourrait naïvement croire à une médiation directe avec les autres utilisateurs, propice à l’exposition d’éléments de son intimité et seulement limitée par l’appréhension du regard d’autrui (ses contacts).

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2) Analyse sémiotique de la page de profil de l’utilisateur (Onglet « Journal »)