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Les enjeux de l’intermodalité comme révélateurs des incohérences, des points d’oppositions et de réunions

L’Enjeu intermodal : entre réseau et territoire

4. L’intermodalité : un concept tridimensionnel

4.1 Les enjeux de l’intermodalité comme révélateurs des incohérences, des points d’oppositions et de réunions

dans les définitions proposées

L’idée de l'articulation des différents modes de transport et de la cohérence de l'offre, sont des problèmes aussi anciens que les transports eux-mêmes. Dans ce contexte les enjeux de l’intermodalité se jouent à deux niveaux, celui de l’usage et celui des opérateurs :

Le but de l'intermodalité est de concevoir une chaîne de transport ou la

totalité de la prestation doit se faire sans rupture de chaîne312 où toutes les échelles de dessertes sont considérées. Son développement doit aider à rationaliser le choix des usagers, chaque mode ayant un créneau de pertinence. De plus, l’intermodalité doit aider à mettre en place une offre intégrée répondant à l'ensemble des besoins de mobilité des personnes. Enfin, l’intermodalité est un des moyens de répondre à la liberté de circulation des personnes par la réduction des frontières institutionnelles.

« L'usager trouvera dans l’intermodalité la qualité et la continuité du service. La société y verra une logique d'optimisation de la desserte territoriale ainsi qu'une promotion du développement durable via

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l'utilisation des modes de transport dans leur domaine d'efficacité socio-économique maximum »313.

D’un autre côté, les opérateurs trouveront dans l’intermodalité un outil d’amélioration de la rentabilité de l'offre. L’intermodalité air-fer en est un bon exemple : le report modal sur les trains à grande vitesse vise à permettre à l’avion de libérer des créneaux horaires. Ces créneaux horaires seront utilisés non plus pour des vols courts et moyens courriers qui peuvent être effectués par les trains à grande vitesse, mais pour des vols longs courriers. L’intérêt des exploitants est de permettre un usage

combiné de services de transport techniquement ou

organisationnellement différents, avec des articulations plus ou moins poussées.

L’intermodalité correspond à une recherche de gestion intégrée des modes de transport. Dans le cas de l’intermodalité air-fer, l’intérêt réside dans la réunion des deux modes rapides en un même lieu, qui les rend complémentaires314. Une complémentarité qui ne sera effective que si elle repose sur une interconnexion des réseaux, une coordination des horaires de trains avec les avions, des billets combinés, des tarifs acceptables, des réservations simultanées et une gestion complète des bagages315.

La finalité de l’articulation de modes de transport différents, pour les autorités organisatrices, comme pour les opérateurs de transport, est de permettre un usage

combiné de services de transport, techniquement et / ou organisationnellement

différents, avec des articulations plus ou moins poussées. A travers l'intermodalité et l'interconnexion, autorités et opérateurs cherchent à unifier en un seul réseau de déplacements la multiplicité des réseaux de transport, spécifiques à un mode et à un type de trajet.

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Margail, F. (1998). De `l'Automobilité`à `l'intermodalité`dans les métropoles (From exclusive car use to `intermodality`in Metropolis). La Politique de déplacements urbains ; outils du Développement Durable (Urban Transport Policy). Balkema. Rotterdam: 451-456.

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Plassard, F. (1991). "Le Train à grande vitesse et le réseau des villes." Transports 345: 14-23. 315

Duron, P. (2001). "Un Point de vue sur les schémas de services collectifs par..." Territoires 2020 : Analyses et débats 4: 25-26.

De plus, au-delà de l’articulation des modes de transport, l’intermodalité vise aussi à mettre en réseau des territoires316. Les enjeux et les objectifs des politiques intermodales sont donc multiples317 :

• les opérateurs de transport y trouveront un outil d'augmentation de la rentabilité de l'offre de transport,

• les collectivités locales trouveront une rationalisation de l'utilisation de l'espace public et un développement orienté de l'espace là où les réseaux se connectent,

• l'usager trouvera dans l’intermodalité la qualité et la continuité du service de transport,

• la société y verra une logique d'optimisation de la desserte territoriale ainsi qu'une promotion du développement durable, via l'utilisation des modes de transport dans leur domaine d'efficacité.

Le plus important reste que l’intermodalité repose sur des choix modaux, fondés sur une mesure de l’évaluation du coût de transport, de l'adaptation aux besoins ainsi que de la flexibilité des modes alternatifs pour des utilisateurs individuels318. Que ce soit dans l’analyse de réseau, des orientations politiques ou celle des opérateurs de transport, l’intermodalité a un but précis qui est celui de concevoir une chaîne de transport de porte à porte performante.

Les quelques enjeux évoqués ci-dessus, nous montrent la réelle difficulté à cerner l’intermodalité dans son ensemble, au vu de la diversité des points de vue exprimés. Cette remarque, renvoie d’ailleurs à la multitude de définitions qu’on a pu collecter et confronter. L’ensemble des enjeux explique la diversité des définitions recensées. En effet, à partir de ces enjeux et des points de vue exprimés, on peut reconstruire les définitions reflétant la position des usagers, celle des exploitants comme celle des autorités organisatrices. Finalement, prendre position sur une seule définition de

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Offner, J.-M., Hubert, J.-P., Margail, F. et Zembri, P. (1995). Les Enjeux organisationnels et territoriaux des interconnexions de réseaux de transports collectifs. Paris, CNRS-GDR 903 "Réseaux": 112.

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Margail, F. (1998). De `l'Automobilité`à `l'intermodalité`dans les métropoles (From exclusive car use to `intermodality`in Metropolis). La Politique de déplacements urbains ; outils du Développement Durable (Urban Transport Policy). Balkema. Rotterdam: 451-456.

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Haynes, K. (1997). "Intermodalism." Journal of transport Geography 5: 21-22. Intermodalism is modal

choice, which rests on some measure of the full cost assessment of transportation and the reality of timeliness, convenience and flexibility of alternative modes for individual users. (Article).

l’intermodalité ce serait prendre le risque de créer de l’incohérence, puisque, chaque acteur définit et emploie le terme intermodalité dans un contexte particulier. Chaque acteur du système de transport peut légitimement avancer sa propre définition. En adoptant une définition unique on perdrait la richesse d’interprétation de la coexistence de points de vue différents.

La multiplicité des définitions de l’intermodalité constitue une difficulté si l’on souhaite cerner cette notion. Ainsi, certaines définitions de l’intermodalité sont liées au déplacement et envisagent l’intermodalité comme « la possibilité de passer d’un mode de transport à un autre »319, tandis que d’autres mettent en avant « la combinaison d’au moins deux modes de transport lors d’un déplacement »320. On dispose également d’un certain nombre de définitions adoptant une dimension supplémentaire, celle de la qualité de service dont celle proposée par Sandrine Goulet-Bernard et Ronan Golias. Ces auteurs décrivent l’intermodalité comme « un principe d’organisation et d’articulation de l’offre de transport, visant à coordonner plusieurs systèmes modaux par une gestion et un aménagement spécifiques des interfaces entre les différents réseaux »321. Cependant, qu’elles soient simplement descriptives des équipements, ou qu’elles intègrent une dimension plus qualitative, ces définitions demeurent insuffisantes pour répondre à notre besoin d’une définition stable et sans équivoque. A ce stade, il est nécessaire de présenter un développement méthodologique complémentaire. Nous proposons donc d’étudier la notion d’intermodalité à partir d’un triptyque fondé sur l’existence de trois composants : un usage, une organisation et un lieu.