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Les principaux impacts environnementaux associés à la vie d’un appareil électronique sont le réchauffement climatique, la toxicité humaine, la déplétion des ressources naturelles, la consommation d’énergie, l’écotoxicité sur le sol, l’eau et l’air (Aoe, Michiyasu, Matsuoka, et Shikata, 2003; Yung et coll., 2011). La pression exercée sur l’environnement par les produits électroniques s’échelonne sur plusieurs étapes du cycle

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de vie. Une analyse du cycle de vie (ACV)1 réalisée sur un écran à cristaux liquides

(ACL) montre que c’est la phase de fabrication qui comptabilise le plus d’impacts sur

l’environnement2, suivie de la phase d’utilisation, puis la phase de transformation des

ressources naturelles (Matharu et Yanbing, 2009; Socolof et coll., 2005). Une autre ACV effectuée sur un téléviseur plasma conclue que c’est la phase de fabrication qui

répertorie le plus grand nombre d’impacts environnementaux3 notamment à cause de la

fabrication des circuits imprimés (Hischier et Baudin, 2010). Bien que ces deux ACV mettent l’emphase sur les impacts engendrés par les phases d’extraction et de transformation des ressources, de fabrication et d’utilisation, d’autres étapes, dont le transport et la fin de vie, sont également préoccupantes d’un point de vue environnemental (Hischier et Baudin, 2010; Jolliet et coll., 2005; Matharu et Yanbing, 2009; Park, 2005).

Le secteur industriel des biens électroniques est exigeant en termes d’utilisation des ressources naturelles (Røpke, 2012). Malgré une très grande hétérogénéité de matériaux, cinq principales catégories composent les appareils électroniques :

1) les métaux ferreux (fer, acier, fonte);

2) les métaux non ferreux (cuivre, aluminium, plomb); 3) le plastique;

4) le verre;

5) une diversité d’autres matériaux présents en quantité variable selon le type de produit (Ongondo et coll., 2011).

Dans le cas des métaux ferreux et non-ferreux, leur extraction et traitement font appel à l’utilisation d’une grande quantité d’eau, d’énergie et de produits chimiques hautement toxiques, avec des conséquences sur la santé humaine et l’environnement, telles que la

1. L’analyse de cycle de vie est un outil qui permet d’évaluer les impacts environnementaux de l’ensemble du cycle de vie d’un produit ou d’un service (Jolliet, Saadé, et Crettaz, 2005).

2. Pour l’écran ACL, une vingtaine d’impacts sur l’environnement et la santé humaine ont été évalués, dont l’écotoxicité terrestre et aquatique, l’utilisation de ressources renouvelables et non-renouvelables, l’eutrophisation, la qualité de l’eau (demande en oxygène), la radioactivité, le réchauffement climatique, l’utilisation de l’énergie, la production de déchets solides, l’acidification de l’air, la toxicité humaine, etc. (Socolof, Overly, et Geibig, 2005). 3. Pour le téléviseur plasma, trois principales catégories d’impacts ont été étudiés : 1) la consommation des ressources (aluminium, cuivre, charbon, pétrole brute, etc.) ; 2) les émissions dans l’air; (dioxyde de carbone, dioxyde de souffre, oxydes d’azote, méthane, etc.); 3) les émissions dans l’eau (sulfate, ammonium, nickel, cobalt, etc.) (Hischier et Baudin, 2010).

pollution de l’eau, l’air et le sol, ainsi qu’une dégradation du paysage (Cooper, 2013; Grossman, 2007; Hieronymi, 2012; Schor, 2005). L’industrie de l’électronique a tellement fait grimper le prix des ressources naturelles que des mines en Australie, aux États-Unis et en Allemagne, qui avaient fermé pour raisons économiques, ont finalement rouvert puisque l’extraction et le raffinage sont redevenus rentables (Hieronymi, 2012). Outre la pression environnementale liée à l’extraction et la transformation des ressources naturelles, la phase de fabrication est l’une des étapes du cycle de vie la plus polluante à cause notamment de divers impacts, tels que l’oxydation photochimique, l’acidification, la toxicité humaine et l’écotoxicité aquatique (Hischier et Baudin, 2010). L’oxydation

photochimique4 est due aux émissions de dioxyde de soufre dans l'air lors de la

production de palladium, minerai très utilisé dans la fabrication de composants

électroniques (Hischier et Baudin, 2010). Cette réaction conduit à la formation :

1) d’ozone qui, à basse altitude, est très nocif pour l’homme, la faune et la flore; 2) des composés oxydants provoquant une acidification du sol et de l’eau.

L’eutrophisation5, quant à elle, est due aux émissions dans l’air d’oxydes d’azote lors du

processus de fabrication de wafers, terme anglais qui désigne une tranche ou une plaque de semi-conducteurs. Par ailleurs, les activités d’assemblage lors de la fabrication occasionnent quelques dommages tels que la toxicité humaine, le changement climatique, la consommation d’énergie (Hischier et Baudin, 2010).

La phase d’utilisation, quant à elle, est également responsable d’importants impacts environnementaux dus principalement à la consommation énergétique. Dépendamment de la façon dont l’électricité est produite dans les pays (centrale à charbon, nucléaire, hydroélectricité), la pression sur l’environnement variera considérablement comme l’expliquent Hischier et Baudin (2010) dans leurs travaux [traduction libre] : « Une électricité d'origine fossile […] a un impact associé à la phase d'utilisation environ deux fois plus élevés que celui lié à sa production » (p. 428). D’autres catégories d’impacts

4. L’oxydation photochimique produit des oxydants qui se forment à partir de polluants issus de l’activité humaine, tels que les hydrocarbures (provenant de solvants industriels) sous l'action des rayons ultra-violets émis par le soleil. 5. L’eutrophisation correspond à un apport important d’azote, de carbone et de phosphore issu de l’activité humaine, qui, déversé dans un milieu aquatique, va provoquer un développement important d’algues et l’étouffement du milieu.

5   liés au gaspillage engendré par l’utilisation de piles généralement non recyclables pour les télécommandes ou l’appareil (Yung et coll., 2011), les produits chimiques, tels que les détergents, ainsi que l’eau nécessaire au fonctionnement de certains équipements (lave-vaisselle, lave-linge, etc.) ont eux aussi une influence non négligeable sur l’environnement. Outre le type de technologie utilisé par un équipement, la façon dont l’usager l’utilise a également une grande influence sur les différents impacts environnementaux. Par exemple, la consommation énergétique d’un lave-linge dépendra de la taille des brassées, de la fréquence d’utilisation, du choix du programme, ainsi que du type de détergent et de la quantité utilisée. Une ACV réalisée sur une machine à laver la vaisselle a conclu que 90% des impacts sur l’environnement sont liés à la consommation d’énergie, d’eau et de détergent au moment son fonctionnement (Cooper, 2005).

D’autres préoccupations environnementales se matérialisent au niveau de la phase de fin de vie, notamment à cause d’un flux important d’appareils électroniques obsolètes (Kahhat, 2012). Ces équipements électroniques en fin de vie représentent une des catégories de déchets les plus dangereuses pour l'environnement et la santé humaine (Nnorom et Osibanjo, 2008; Park, 2005). En effet, les composants électroniques et

circuits imprimés contiennent des métaux lourds, tels que le plomb6 et le mercure7, qui

sont très nocifs même à très petites doses. La réutilisation et le recyclage des DEEE peuvent représenter des alternatives durables pour diminuer les impacts environnementaux associés à la fin de vie des déchets électroniques et réduire le

gaspillage en récupérant certains matériaux, dont les métaux précieux8 (Siegfired, 2012).

Bien que plus répandues et mieux encadrées d’un point de vue légal que par le passé, ces deux pratiques ne sont pas suffisamment développées dans les pays occidentaux,

6. Autrefois utilisé dans les écrans des téléviseurs cathodiques, le plomb tend de moins en moins à être présent dans l’électronique à cause des différentes législations (directive RoHS). On peut le trouver dans certaines batteries et composants électroniques, tels que les semi-conducteurs et les tubes fluorescents. Le plomb peut causer des incidences neurodéveloppementales sur les nourrissons et les enfants, ainsi que des problèmes sur le système cardio-vasculaire, rénal et de reproduction chez l’homme (Gossey, 2009; Grossman, 2007; Santé Canada, 2013). Il est également très nocif pour la faune et la flore, car il se bioaccumule et se bioconcentre.

7. Le mercure est principalement présent dans les lampes des écrans ACL et plasma (Franz, 2010). Il cause des dommages au système nerveux humain, mais aussi aux poumons et reins (Grossman, 2007). Le mercure s’accumule également dans l’organisme des animaux présents en bout de chaîne alimentaire comme le thon.

8. Une étude conduite par Huisman (2003) révélait que 97 à 98% des métaux précieux contenus dans les déchets électroniques pouvaient être recyclés (Khetriwal, Kraeuchi, et Widmer, 2007).

notamment lorsque l’on considère les quantités croissantes produites annuellement (Aoki-Suzuki, Bengtsson, et Hotta, 2012; Røpke, 2012). Aujourd’hui encore, les déchets électroniques peuvent être enfouis ou incinérés dans certains pays développés, entraînant une pollution des écosystèmes par des émissions dans le sol et l’air. Tollemer (2012) mentionne que 70% des déchets électroniques produits en France ne passent même pas par l’étape de la collecte sélective. Sur les 30% rejoignant le tri sélectif, 2% sont réemployés, 80% recyclés et 18% incinérés. Pourtant, la directive européenne relative à la gestion des DEEE (voir section 1.3.1.) énonce comme prioritaire le réemploi, qui ne représente au final que 2% des DEEE dans la filière formelle, le recyclage, qui correspond à 80% des 30% des DEEE de la filière de collecte sélective, face à l’élimination pure et simple comme l’incinération (Tollemer, 2012).

Les déchets électroniques sont composés de plastiques, dont la plupart contiennent des retardateurs de flammes bromés qui, lorsqu’ils ne sont pas incinérés correctement ou soumis au rayonnement ultra-violet provenant de la lumière du soleil lors d’un entreposage dans une décharge, se désagrègent en différents composants très toxiques comme les furanes et dioxines (Centre de recherche industrielle, 2009; Grossman, 2007). Aux États-Unis, de 75 à 78% des produits électroniques en fin de vie ont été enterrés dans les décharges américaines entre 2006 et 2009 (U. S. EPA, 2011). Une organisation nommée le Basel Action Network estimait, de son côté, qu’en 2005 environ 50 à 80% des équipements américains en fin de vie étaient envoyés dans des infrastructures informelles de recyclage en Chine (Kahhat, 2012). Les pays développés éprouvent d’ailleurs des difficultés à concurrencer les bas coûts du recyclage informel dans les pays en développement qui n’ont pas ou n’appliquent pas de règlements concernant la protection de l’environnement et de la santé humaine (Aoki-Suzuki et coll., 2012). Outre les phases d’extraction des ressources, de fabrication, d’utilisation et de fin de vie susmentionnées dans cette section, d’autres étapes comme l’emballage, la distribution et le transport ne doivent pas être négligés (Yung et coll., 2011). Avant d’être expédiés, les appareils électroniques fabriqués généralement au Japon, en Chine, en Corée et à Taïwan sont emballés, ce qui nécessite l’utilisation de colles, cartons, papiers et divers plastiques dont le recyclage est non rentable (cas du polystyrène expansé). À la suite de

7   quoi, ils vont être transportés sur plusieurs milliers de kilomètres utilisant principalement le transport maritime, puis terrestre (routier, ferroviaire) avant d’être mis sur le marché occidental. Le transport deviendra un enjeux central d’ici peu de temps aussi bien d’un point de vue économique (augmentation annoncée du prix du baril), qu’environnemental à cause de l’exploitation des sables bitumineux et de l’utilisation de la fracture hydraulique pour améliorer l'exploitation des réservoirs à faible perméabilité (Cooper, 2013). À cette situation viendront aussi s’ajouter les conflits géopolitiques dus au monopole des pays détenteurs des réserves de pétrole. L’extraction complexe et coûteuse du pétrole se fait également ressentir pour d’autres ressources, dont plusieurs utilisées dans la fabrication des équipements électroniques, qui sont à l’origine de conflits sociaux et éthiques, et que nous allons aborder dans la prochaine partie.