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SECTION I : CADRE DE LA RECHERCHE

1.2 Environnement & démarche de recherche

1.2.3 Enjeux

1.2.3.1 Enjeu industriel : le groupe Renault

Nous avons introduit notre problématique de thèse avec les constats suivants : les récentes (r)évolutions technologiques qui ont intégré notre quotidien (domotique, smartphone, etc.) arrivent aujourd’hui dans la voiture, bousculant l’expérience de la mobilité jusqu’alors relativement stable. Les pratiques sociales évoluent via les nouveaux entrants (Blablacar, Uber, Drivy…) qui introduisent le partage automobile et réinventent le service de t axi. De nouveaux business models gravitent autour des constructeurs, offrant à leurs clients de nouvelles possibilités d’actions — et favorisant du même coup les nouvelles pratiques sociales évoquées à l’instant.

En remettant en question la pérennité du modèle automobile, ces nouveaux acteurs obligent les constructeurs historiques à innover techniquement pour répondre aux nouvelles attentes des consommateurs. Jusqu’alors orientées sur l’aspect sécuritaire des véhicules, les entreprises comme le groupe Renault proposent aujourd’hui à leurs clients de nouvelles fonctionnalités offrant une nouvelle expérience hédonique — notamment multimédia — qu’elles s’attachent à rendre compatible avec l’activité de conduite.

Dans un contexte résolument porté par la technologie, nous considérons que l’appréhension de l’avenir de l’automobile restera superficielle tant que son caractère profondément social sera ignoré. Nous considérons malgré tout que la socialité de la route sera rendue possible et portée par cette technique, « anthropologiquement constitutive » qui modélise l’expérience que le conducteur a de son monde. Par cette thèse, Renault se positionne en tant que constructeur proposant une alternative au futur de l a mobilité technocentrée en situant le

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facteur humain au cœur de sa réflexion. Le département User eXperience du Groupe Renault et le projet TV7 (Emotion by Sensation), demandeurs du sujet de thèse, ont conscience du défi sociétal que représente la relation inter-conducteurs. L’enjeu industriel de cette thèse est donc d’explorer la composante sociale à résultante émotionnelle de la conduite et de l a formaliser. Cette vision est liée à celle du laboratoire de recherche COSTECH.

1.2.3.2 Enjeu académique : le laboratoire COSTECH

L’identité du laboratoire COSTECH (Connaissance Organisation et Systèmes TECHniques) réside dans la singularité de son objet de recherche : la relation entre homme, technique et société. Cet intérêt s’articule au travers des problématiques variées, comme les conditions techniques de la constitution des connaissances, les expériences vécues et leurs valeurs, ou encore les usages et nouvelles pratiques sociales autour des supports techniques.

Les recherches menées à COSTECH conçoivent et problématisent les dimensions techniquement constituées et techniquement constituantes de l’expérience humaine. Par « expérience humaine », il est entendu ce qui nous arrive tant à l’échelle individuelle qu’à l’échelle collective, dans des situations perceptives, sociales et collaboratives. Le « ce qui nous arrive », dans ses rapports avec la technique, est décrit et problématisé à pa rtir de différents registres ou points de v ue : registre phénoménologique, cognitif ou enc ore expérimental. Chacun de ces registres est solidaire de gestes ou de méthodes de problématisation spécifiques : description de l’expérience vécue, analyse et travail conceptuel, observation et expérimentation, modélisation, travail de terrain, etc.

En ce sens, l’enjeu scientifique de la thèse que nous nous efforçons de suivre est dans la continuité des ambitions du laboratoire, à savoir la contribution théorique sur la manière dont l’innovation technique modifie nos pratiques et nos possibilités, et les questions qu’elle soulève.

L’apport du laboratoire de COSTECH vis-à-vis de cette thèse est également méthodologique : la construction d’expériences par des méthodes originales de modélisation (par exemple, la méthode expérimentale minimaliste, présentée en Section II, chapitre 3) permet un dialogue entre psychologie scientifique, design et phénoménologie. La technique sert de support à une recherche qui prend pour objet les dimensions techniquement constitutives de l’expérience vécue.

Cette recherche interdisciplinaire s’inscrit avant tout dans le cadre d’une recherche qui porte sur la constitutivité technique de phénomènes décrivant et problématisant de manière située le caractère constituant de la technique pour l’expérience humaine. Notre approche procède à partir de concepts (« couplage », « interaction », « milieu », « constitutivité », « énaction », « expérience ») et requiert des instruments d’observation et de modélisation que nous concevons. Le design est présent en tant qu’activité de conception technique, menée dans une perspective énactive, c’est-à-dire soucieuse de l’expérience et des interactions.

Cette thèse donne lieu à un travail sur les interactions inter-conducteurs, et plus généralement sur l’expérience sociale de la conduite, qui mobilise la psychologie expérimentale, le design et la phénoménologie. Le design, en tant que démarche de conception, est amené à reconsidérer ce qu’il entend par « expérience » « besoin » et « usages » en étant mis au contact de ces autres démarches théoriques. Le pari, ici, porte sur l’intégration du design dans des sciences humaines visant à contribuer de manière exigeante à une recherche technologique.

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A l’encontre de l’idée romantique d’un processus de design reposant

uniquement sur l’intuition d’un designer inspiré (Vial 2013), ce travail se

construit sur une base scientifique couplée à des expérimentations

ethnographiques, ainsi qu’un dialogue avec différents métiers (design,

recherche, ergonomie, innovation, ingénierie) pour développer des

connaissances et des recommandations industriellement valorisables. La

recherche par le design se pose comme une méthodologie en capacité de

dégager sur le monde des connaissances originales et significatives. En s’y

référant, notre démarche de recherche vise à contribuer à l’intelligibilité et à la

compréhension de l’expérience de conduite inter-usagers de la route, à laquelle

se sont déjà intéressés plusieurs autres disciplines, auxquelles nous

souhaitons apporter notre contribution.

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