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Un enjeu de rentabilité et d’internationalisation pour les marques

1. Un contexte de marché qui conditionne l’action des marques automobiles

1.3. Un enjeu de rentabilité et d’internationalisation pour les marques

« Si les constructeurs se ruent, c'est que le principe SUV relève du bon filon.171 » L’automobile

est marquée par la lourdeur et l’ampleur de l’outil industriel nécessaire à sa fabrication. La quête de productivité et de rentabilité a toujours guidé l’histoire de l’automobile. La naissance du

169Annexe n°5 Compte-rendu d’entretien / Thomas Boutte 170Ibid.

51 fordisme en 1908, ou du toyotisme en 1962172 constituant les exemples les plus parlants de

l’influence de l’industrie automobile et de ses marques en termes de formes d’organisation du travail. Comme nous avons pu le voir plus tôt, les SUV s’inscrivent dans des logiques de plateformes (châssis) communes au sein des groupes automobiles ; et sont ainsi développés à partir de bases existantes, et déjà insérées au processus industriel. Ce premier point est important : les constructeurs automobiles ne doivent donc pas nécessairement engager de dépenses trop importantes de recherche et développement, qui pourraient constituer un obstacle, pour se lancer sur le segment du SUV. En termes économiques, les barrières à l’entrée sont relatives. L’autre source d’économies substantielles des SUV concerne l’un des points que nous avons évoqués dans la partie précédente : la dimension internationale. En permettant le lancement de véhicules à vocation mondiale, les SUV coûtent moins cher aux constructeurs automobiles, notamment sur les coûts marketing. Les marques développent en effet pour leurs modèles des campagnes publicitaires à vocation encore plus internationale que pour leurs autres modèles, les SUV étant souvent les mêmes sur tous les continents, à l’inverse des berlines. Ces modèles étant adaptés selon les marchés, ils nécessitent par là même l’adaptation des campagnes, à l’inverse des SUV. Comme nous avons déjà pu le souligner, la dimension internationale des SUV offre également au constructeur, à l’instar de Peugeot, l’opportunité de viser davantage de parts de marché sur des territoires plus lointains. La perception du produit SUV étant la même selon les régions du monde, la pénétration des différents marchés sera effectivement plus aisée avec des modèles uniques ; en résonnance avec les attentes des consommateurs. Pour Peugeot, le lancement d’une « vraie » gamme SUV en Chine est notamment l’opportunité de rattraper le retard pris par la marque sur ce créneau pourtant incontournable. La marque a effectivement proposé pendant longtemps des produits inadaptés au marché : des berlines tri-corps (berlines comprenant un coffre « malle » à l’arrière), alors que la tendance était déjà au SUV. En corrigeant le tir, le constructeur espère ainsi coller au mieux aux aspirations des consommateurs et augmenter ses volumes. La silhouette SUV constitue ainsi la première ligne des marques automobiles qui souhaitent étendre leur influence à l’international. Le véhicule le plus en vogue en ce moment constituant logiquement - et à moindre coût comme nous venons de le voir – leur figure de proue.

Si les SUV sont rentables pour les constructeurs, cela ne s’explique pas seulement par leurs coûts de fabrication, mais surtout par leurs prix de vente. « À catégorie équivalente, un SUV se vend

172DOCKES Pierre, « Les recettes fordistes et les marmites de l'histoire : (1907-1993) », in Revue

économique, volume 44, n°3, 1993. pp. 485-528, http://www.persee.fr/doc/reco_0035- 2764_1993_num_44_3_409461 (Consulté le 10/08/2017)

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plus cher qu'une silhouette classique - berline ou break. On peut vendre un petit SUV au prix d'une berline compacte. C'est un effet de mode très intéressant pour les marques.173 » C’est l’une des

caractéristiques du segment : les véhicules SUV sont d’après le journaliste Jean-Michel Normand,

« vendus environ 20 % plus cher qu’une berline correspondante174 ». Le phénomène faisant, les SUV

sont devenus les vitrines des constructeurs, qui les surchargent d’options en tout genre (aides à la conduite, possibilités de personnalisation etc.), faisant ainsi grimper la facture finale. Stéphane Lévi partage ce point, lorsqu’il évoque la nécessité pour le constructeur de valoriser (ou justifier) cette montée en valeur. « Si tu n’as jamais vu les différentes ADAS, ou les choses qui ne sont pas

évidentes dans ta voiture (…) il y a un moment où tu ne vas pas comprendre pourquoi tu payes ce que tu payes. Il y a un vrai boulot de valorisation de ce qui est visible et de ce qui ne l’est pas. C’est ce qu’on appelle le « non-vendable » immédiatement (…) et c’est là le rôle de la pub.175 » Nous faisons

ici également l’hypothèse – naïve – que les constructeurs automobiles profitent également de l’engouement autour du SUV pour procéder à des tarifications plus ambitieuses. Et il semblerait qu’ils aient tort de s’en priver. Les consommateurs, séduits par les SUV seraient effectivement prêts à payer plus cher leur voiture. Vincent Behaeghel précise pourtant que l’automobile est « un

objet de consommation qui coûte hyper cher. Après ta maison, le premier poste d’investissement c’est ta bagnole. Il y a un tas de gens pour qui ça représente un an de salaire, c’est monstrueux (…) Ce n’est pas un sujet léger du tout.176 » L’« effort financier » consenti par le consommateur à l’achat tend

pourtant à progresser, comme nous l’explique Thomas Boutte. « Aujourd’hui les gens remplacent

des berlines, des monospaces par des SUV, ils font augmenter leur effort d’acquisition ; de mémoire ils étaient sur des efforts aux alentours de 20-25%, en prenant en compte les revenus annuels moyens ; et sur les SUV c’est plutôt aux alentours des 30%.177 ». Cet effort à l’achat certifie donc bien

la désirabilité et l’attrait du SUV du point de vue du consommateur. Dans ce cadre, les ventes de SUV enregistrent des niveaux de marge nettement supérieurs, « les niveaux de finition et les prix

même moyens sont très élevés par rapport aux autres segments.178». Cela renforce encore un peu

plus l’importance du segment pour les constructeurs qui voit aussi par là même réduire leur « droit à l’erreur » en la matière. Les SUV sont un moyen pour certains constructeurs généralistes, comme Renault, ou Peugeot, d’accéder à des niveaux tarifaires supérieurs, et ce à grande échelle. Dans le cas de Peugeot, la marque étant engagée dans une stratégie de montée en gamme, la

173AMIOT Maxime, DUPONT-CALBO Julien, ibid. 174NORMAND Jean-Michel, Op. Cit.

175Annexe n°3 Compte rendu d’entretien / Stéphane Lévi 176Annexe n°2 Compte rendu d’entretien / Vincent Behaeghel 177Annexe n°5 Compte-rendu d’entretien / Thomas Boutte 178Ibid.

53 proposition SUV lui permet ainsi de pouvoir vendre des véhicules aux « mix179 » élevés, atteignant

des prix qui auraient pu être jusqu’alors « interdits ». Le SUV devient alors significatif de la montée en valeur de la marque au global – aussi bien monétairement qu’en termes d’image et de perception.

Comme nous l’avons donc vu, le segment SUV est marqué par un contexte de marché et macro-économique dynamique et très concurrentiel. Dans cette situation, les constructeurs automobiles, s’ils veulent bénéficier du phénomène, n’ont pas le droit à l’erreur, tant les enjeux économiques sont importants. A cette situation économique, nous nous proposons désormais d’étudier l’impact que pourrait également avoir l’autorégulation dans la publicité sur le processus créatif.