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Des dispositions environnementales impactant plus directement le SUV

2. L’impact créatif de l’autorégulation et de la législation publicitaire

2.2. Des dispositions environnementales impactant plus directement le SUV

Au début des années 2000, la société devenant de plus en plus sensible à la question environnementale et à la lutte contre le réchauffement climatique, pouvoirs publics et parties- prenantes renforcent leurs actions et engagements. Les professionnels de la communication, en tant que secteur d’activité à part entière de l’économie, prennent également conscience de l’impact environnemental, notamment celui de la publicité. Dans le sillage du Grenelle de l’environnement de 2007, un nouveau cadre législatif entre en vigueur, avec les lois dites « Grenelle I » en 2009 puis « Grenelle II » en 2010. Toute une série de mesures est prise pour améliorer la protection de l’environnement, des espaces naturels, de la biodiversité, ou encore encadrer l’urbanisme, la gestion des déchets etc. Dans ce contexte, l’ARPP lance dès 2007, en partenariat avec l’ADEME190 un bilan annuel « Publicité et environnement », étude dans laquelle

les deux organismes évaluent la publicité par le prisme de la question écologique, visant notamment à contrôler la véracité, la proportionnalité ou plus globalement l’utilisation de « l’argument environnemental » dans les communications191. De cette démarche nait également

en juin 2009 une nouvelle recommandation de l’ARPP « Développement durable »192 ; adressée à

l’ensemble des professionnels de la communication et des secteurs d’activités. Elle vise notamment à lutter contre les procédés frauduleux ou opportunistes de certains annonceurs, tentés par la tendance du « greenwashing193 ».

Parmi les neuf catégories de cette recommandation, l’une d’entre elles nous intéresse plus particulièrement. L’article 9-1, sur l’impact éco-citoyen de la publicité, précise qu’elle « doit

proscrire toute représentation susceptible de banaliser, et a fortiori valoriser, des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable.194 » En matière de publicité automobile, une

mention est même ajoutée, indiquant que « la représentation, sous quelque forme que ce soit, de

véhicules à moteur en milieu naturel devra clairement les positionner sur des voies ouvertes à la circulation.195 » Cette précision, si elle pourrait apparaître à première vue anecdotique, est tout de

190Nb : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

191Rapport d’étude – Publicité et environnement – Bilan 2015 | ARPP – ADEME, juin 2016,

http://www.arpp.org/wp-content/uploads/2016/08/env-2015.pdf (Consulté le 10/08/2017)

192Recommandation « Développement Durable » – ARPP, juin 2009, http://www.arpp.org/nous-

consulter/regles/regles-de-deontologie/developpement-durable/ (Consulté le 10/08/2017)

193Nb : l’« écoblanchiment », pratique marketing consistant à donner une image écologique et durable à une

entreprise.

194Ibid. 195Ibid.

57 même cruciale, et impacte fortement les marges de manœuvre dont disposent les constructeurs automobiles pour mettre en valeur leurs modèles. Cette même règle – initialement du fait de l’autorégulation – a par ailleurs été reprise par le droit positif. En 2012, elle est intégrée au Code de l’Environnement par le législateur. Nous apprenons donc à l’article L362-4 qu’est « interdite

toute forme de publicité directe ou indirecte présentant un véhicule en situation d'infraction aux dispositions du présent chapitre.196 », dispositions énoncées au paragraphe 1 du même article : « en

vue d'assurer la protection des espaces naturels, la circulation des véhicules à moteur est interdite en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l'Etat, des départements et des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur.197 ». Concrètement, les publicités automobiles se doivent ainsi de respecter une mise en

scène des véhicules uniquement sur des voies délimitées et identifiables comme telles, et ce y compris en situation de stationnement – d’où son importance pour les publicités « statiques », avec une voiture immobile. L’ARPP ne conditionne par ailleurs pas cette directive à l’énergie du véhicule : les véhicules électriques, y compris, doivent s’y soumettre. Cette règle est particulièrement suivie par l’ARPP et l’ADEME dans la réalisation de leur étude annuelle ; et constitue l’un des exemples récurrents de non-respect de la recommandation de 2009.

Si ce cadre impacte tous les segments automobiles, il constitue néanmoins une spécificité de plus pour le segment SUV. L’une des racines du territoire d’expression du SUV provient de l’univers des véhicules tout-terrain, des 4x4. Le grand public fait régulièrement l’amalgame entre les deux segments, comme nous avons pu le montrer précédemment. Néanmoins, le SUV souffre de cette comparaison, pour une raison précise : la pollution. Avec la multiplication des pics de pollution dans les grandes villes françaises ces dernières années, mais aussi la prise de conscience et la remise en cause de la nocivité des moteurs diesel, les 4x4 ont rapidement constitué une cible privilégiée. En 2012, le journal La Dépêche pose ainsi la question : « Pollution : si on interdisait les

4X4 au centre-ville ?198 ». Le segment tout-terrain peine encore aujourd’hui à se défaire de sa

mauvaise réputation. Ce lien subtil – mais pourtant perçu par les consommateurs, entre 4x4 et SUV est connu des constructeurs automobiles, et leurs agences. Et c’est justement un point de

196Article L362-1 et -4 du Code de l’Environnement,

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=3B6F6EF42A8D25C2C12E16D0C5A57803.tpdil a21v_3?idSectionTA=LEGISCTA000025143508&cidTexte=LEGITEXT000006074220&dateTexte=201501 09 (Consulté le 15/07/2017)

197Ibid.

198SOUILLES Gilles, « Pollution : si on interdisait les 4X4 au centre-ville ? », La Dépêche,

http://www.ladepeche.fr/article/2012/03/14/1305919-pollution-si-on-interdisait-les-4x4-au-centre- ville.html (Publié le 14/03/2012, consulté le 15/07/2017)

58 différenciation : « Si on se place d’un point de vue consommateur, à la place de M. « Tout-le-monde »,

le SUV c’est le 4x4 sans la mauvaise conscience.199 ».

Les constructeurs doivent donc prêter attention à la question environnementale en matière de SUV – d’une part parce qu’ils y sont contraints, mais aussi parce qu’ils doivent veiller à ce que leurs modèles, imposants, ne soient pas trop perçus comme des tout-terrain, au risque d’en récolter la mauvaise réputation. Quels qu’ils soient, l’autorégulation et le cadre existants autour des publicités automobiles poussent à la mise en place d’un univers d’usage contraint pour le SUV.