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Chapitre 2 – L’imagerie hyperspectrale

2.2 Mod` ele physique de m´ elange

2.2.1 En observation de la Terre

Le processus de formation d’une image hyperspectrale en t´el´ed´etection peut ˆetre r´esum´e comme suit. Le rayonnement solaire, constituant la source principale d’´eclairage, illumine la surface imag´ee au niveau du sol. Le rayonnement ´electromagn´etique ´emis par notre ´etoile traverse l’atmosph`ere terrestre et interagit avec elle par des ph´enom`enes d’absorption et de diffusion modifiant ainsi sa distribution spectrale. Ce rayonnement interagit ensuite avec les mat´eriaux pr´esents au niveau du sol qui vont l’absorber, le diffuser et/ou le r´efl´echir, ceci en fonction de la longueur d’onde et de la nature des mat´eriaux. Le rayonnement r´efl´echi retraverse l’atmosph`ere, subissant ainsi de nouvelles modifications pour enfin ˆetre capt´e par l’instrument. Le spectre de radiance mesur´e par l’instrument provient donc du spectre du rayonnement solaire modifi´e par deux travers´es de l’atmosph`ere et par sa r´eflexion sur les mat´eriaux au sol.

La r´eflectance d’un mat´eriau not´ee ϕ(λ) est une grandeur physique mesurant la capacit´e d’un mat´eriau `a r´efl´echir un rayonnement incident. Elle est d´efinie comme le rapport entre la radiance incidente et la radiance r´efl´echie et donne ainsi la proportion de rayonnement r´efl´echie par le mat´eriau. Cette grandeur sans unit´e d´epend de la longueur d’onde et de l’orientation de la surface.

La r´eflectance, constituant le signal d’int´erˆet, est obtenue en corrigeant les effets des deux travers´ees de l’atmosph`ere et en normalisant le spectre de radiance capt´e par le spectre de radiance solaire. Ainsi chaque pixel d’une image hyperspectrale en t´el´ed´etection correspond `

a un vecteur de mesure de la r´eflectance caract´eristique des mat´eriaux pr´esents au sol. Nous illustrons ce propos sur la Figure 2.2. La figure pr´esente une version sch´ematique d’une image hyperspectrale acquise par un satellite observant la surface de la Terre. On remarque que

chaque ´el´ement constituant la sc`ene (eau, sol, v´eg´etation...) poss`ede une signature spectrale propre permettant de l’identifier.

Figure 2.2 – Illustration d’un cube hyperspectral en observation de la Terre. A chaque pixel du cube correspond un spectre de r´eflectance. Sch´ema issu de [19].

La surface couverte par un pixel correspond `a une zone spatiale locale mais dont l’´etendue est non n´egligeable. Cette zone ne co¨ıncide g´en´eralement pas avec la distribution spatiale des mat´eriaux `a la surface du sol. Ainsi un pixel couvre g´en´eralement une surface constitu´ee de plusieurs mat´eriaux purs. Les pixels m´elang´es sont parfois appel´es mixels en opposition aux pixels non m´elang´es appel´es pixels purs. Les pixels poss`edent donc une signature spectrale ne correspondant `a aucun des mat´eriaux purs pr´esents dans la sc`ene observ´ee. Ce ph´enom`ene de m´elange est principalement dˆu `a la r´esolution spatiale de l’instrument (de l’ordre de la dizaine de m`etres g´en´eralement, voire du m`etre pour les meilleurs instruments actuels en imagerie satellitaire (Pl´eiades) [57]).

Le comportement spectral d’un pixel est issu de la composition des r´eflectances des diff´erents mat´eriaux purs le constituant. Le mod`ele de donn´ees le plus courant pour repr´esenter cette composition est un mod`ele de m´elange lin´eaire. Ce mod`ele est r´ealiste lorsque la surface imag´ee est relativement plane, uniform´ement ´eclair´ee et les mat´eriaux purs sont agenc´es de mani`ere `a constituer un pavage grossier (Fig. 2.3). Cependant ce mod`ele devient inadapt´e pour un milieu urbain, par exemple, o`u des r´eflexions multiples sur diff´erents mat´eriaux peuvent apparaˆıtre. On pr´ef´erera dans ce cas un mod`ele lin´eaire quadratique (voir par exemple les travaux [100, 101, 103] ainsi que les r´ef´erences qui y sont cit´ees). Une autre limite au

mod`ele lin´eaire apparaˆıt lorsqu’un mat´eriau suppos´e pur n’est pas homog`ene et pr´esente des propri´et´es de m´elange au niveau microscopique. On parle alors de m´elange intime. De nou- veau, ce cas est pris en compte par des approches non-lin´eaires. Un r´esum´e des approches non-lin´eaires en t´el´ed´etection est disponible dans [53].

Figure 2.3 – Sch´ema d’une image contenant des pixels m´elang´es en observation de la Terre. Dans le cas d’un m´elange lin´eaire, le spectre de r´eflectance observ´e au niveau d’un pixel est repr´esent´e par la combinaison lin´eaire des diff´erents spectres de r´eflectance des mat´eriaux purs pr´esents dans le pixel. La pond´eration affect´ee `a chaque spectre pur repr´esente la proportion du mat´eriau associ´e dans le pixel (Figure 2.4). Le passage de la radiance spectrale mesur´ee `

a la r´eflectance observ´ee (i.e. la normalisation du rayonnement r´efl´echi par le rayonnement incident) introduit une contrainte suppl´ementaire sur les pond´erations affect´ees `a chaque spectre pur, que nous allons d´etailler ci-apr`es.

Pour cette d´emonstration, nous n´egligerons les effets de l’atmosph`ere et supposerons que la sc`ene est illumin´ee uniform´ement. Reprenons l’exemple d’un pixel contenant deux mat´eriaux not´es M1 et M2, comme illustr´e sur la Figure 2.4. La surface occup´ee au sein du pixel par le

mat´eriau M1 (resp. M2) est not´ee SM1 (resp. SM2). On note φM1(λ) et φM2(λ) les radiances

spectrales r´efl´echies par les mat´eriaux M1 et M2. La radiance spectrale totale r´efl´echie est

donc φT(λ) = φM1(λ) + φM2(λ). La radiance spectrale solaire incidente sur le pixel est not´ee

φS(λ). D’apr`es la d´efinition de la r´eflectance, la r´eflectance total ϕT(λ) du pixel est donn´ee

par :

ϕT(λ) =

φM1(λ) + φM2(λ)

φS(λ)

. (2.1)

Cependant, dans cette relation la notion de surface occup´ee par les deux mat´eriaux est cach´ee. On note φ0M1(λ), φ0M2(λ) et φ0S(λ) la radiance spectrale r´efl´echie par surface unitaire pour le mat´eriau M 1, M 2 et pour la radiance spectrale solaire incidente, respectivement. On a donc : φM1(λ) = SM1φ0M1(λ), (2.2) φM2(λ) = SM2φ0M2(λ), φS(λ) = (SM1 + SM2)φ0S(λ). On en d´eduit alors : ϕT(λ) = SM1φ0M1(λ) + SM2φ0M2(λ) (SM1+ SM2)φ0S(λ) . (2.3)

Ainsi les contributions des r´eflectances de chaque mat´eriau dans la r´eflectance totale est donn´ee par : ϕT(λ) = SM1 SM1 + SM2 ϕM1(λ) + SM2 SM1 + SM2 ϕM2(λ), (2.4) o`u ϕM1(λ) = φ0M1(λ) φ0 S(λ) et ϕM2(λ) = φ0M2(λ) φ0 S(λ)

sont respectivement les r´eflectances des mat´eriaux M1 et M2. Le coefficient de pond´eration associ´e `a chaque r´eflectance est donc la proportion

de surface dans le pixel occup´ee par le mat´eriau consid´er´e. On en d´eduit ais´ement que la somme des pond´erations associ´ees `a chaque mat´eriau vaut 1. La g´en´eralisation de la relation Eq. (2.4) au cas du pixel contenant L mat´eriaux donne :

ϕT(λ) = L X `=1 SM` ST ϕM`(λ), (2.5)

o`u ST est la surface totale couverte par le pixel : ST = L

P

`=1

SM`.

Par ailleurs, chaque terme de l’expression de la r´eflectance totale d’un pixel (Eq. (2.5)) est non n´egatif. En effet, SSTM` est la fraction de la surface du pixel occup´ee par le `i`eme mat´eriau,

elle est donc positive est comprise entre 0 et 1. La r´eflectance ϕM`(λ) du `i`eme mat´eriau est

le rapport de deux radiances spectrales (i.e. de deux puissances), elle est donc positive et comprise entre 0 et 1.

Par identification avec le mod`ele de m´elange lin´eaire Eq. (1.15), les r´eflectances des mat´eriaux constituent les sources et leurs proportions associ´ees (commun´ement appel´ees

abondances) repr´esentent les coefficients du m´elange. En utilisant les notations usuelles en SAS, le mod`ele de m´elange d’un spectre associ´e `a un pixel en observation de la Terre est donn´e par :                        x(λ) = L X `=1 a` s`(λ) L X `=1 a` = 1 a` > 0 ∀` ∈ {1, . . . , L} s`(λ) > 0 ∀` ∈ {1, . . . , L} (2.6)

o`u x(λ) = ϕT(λ) est le signal observ´e correspondant au spectre de r´eflectance totale du pixel,

a` = SM`

ST est le coefficient de m´elange correspondant `a l’abondance du mat´eriau M` dans le

pixel et s`(λ) = ϕM`(λ) est le spectre de r´eflectance du mat´eriau M`. Par la suite, on utilisera

pour ce mod`ele la notation d’indice spectral d´efinit pr´ec´edemment, i.e. la notation λ sera replac´ee par la notation g´en´erique n.

Pour conclure, on constate que le mod`ele de m´elange lin´eaire des r´eflectances au ni- veau d’un pixel est contraint par la non n´egativit´e et par la somme `a 1 des abondances des mat´eriaux. La contrainte de non n´egativit´e provient de la nature des signaux observ´es et la contrainte de somme `a 1 provient de la normalisation des radiances spectrales r´efl´echies par la radiance spectrale incidente uniforme. Nous verrons dans la Section 2.4.2 que l’ajout de la contrainte de somme `a 1 au mod`ele de m´elange lin´eaire non n´egatif induit une repr´esentation g´eom´etrique diff´erente de celle expos´ee dans la Section 1.4.5. Les propri´et´es g´eom´etriques induites par le mod`ele Eq. (2.6) sont `a l’origine de nombreuses m´ethodes propres `a la t´el´ed´etection d´ecrites dans la Section 2.4.2.