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Carte 6. Aire du groupe kongo H10 en République du Congo Collectif (1987 : carte 5)

3 Emplois comme opérateur syntaxique

3.3 Emplois suivi d’un nom abstrait

Ga (cl. 16) est suivi d’un nom abstrait dans l’énoncé (15) :

Madizí « les veillées mortuaires » (cl. 6) exprime une notion d’ouverture par le fait qu’elles

ont lieu en plein air ; sa notion n’est donc pas limitée. C’est là que le sujet batoko na

bandúmba « les jeunes garçons et les jeunes filles » (cl. 2) est localisé. Son positionnement,

sur l’axe vertical, est exprimé par bee « être souvent ». Ga (cl. 16) marque donc la surface

madizí « les veillées mortuaires » (cl. 6). En outre, le classificateur nominal de classe 6 qui

1 Endroits où des personnes – familles, amis et connaissances – se rassemblent pour veiller ensemble à l’annonce d’un décès. Elles viennent soutenir, par leur présence, la famille éprouvée. Certains s’installent dans la maison, d’autres dans la cour, d’autres encore dans la rue.

(13e) Beeno bánsoní koteenó mu kaminyo.

ba-á-no ba-á-nsoní Ø-kot-á-no mu Ø-kaminyó CL2-CONN-2PL ACL2-CONN-tous IMP-entrer-NR-2PL LOC18 CL9-voiture m. à m. « [Personnes] de vous [personnes de vous] de tous entrez intérieur la voiture. » « Vous tous entrez dans la voiture. »

(15) Batoko na bandúmba báyika kwéé bee kimpéne ga madizí.1

ba-tokó na ba-N-dúmba ba-á-yik-a ku-yend-á CL2-jeune garçon avec CL2-CL9-jeune fille MS2-PASS-devenir-MN CL15-aller-NR Ø-ba-aak-á ki-N péne ga ma-di-zi

CL15-être-HBT-NR CL7-CL9-nudité LOC16 CL6-CL5-veillée mortuaire

m. à m. « Les jeunes garçons et les jeunes filles ils [les jeunes garçons et les jeunes filles] se sont transformèrent aller être souvent lanudité contact les veillées mortuaires. »

« Les jeunes garçons et les jeunes filles [ont pris l’habitude] de se dénuder aux veillées mortuaires. »

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traduit le pluriel, renforce par la généralisation son caractère non délimité. Cet énoncé montre que la valeur d’un autre classificateur peut également être mise à contribution pour exprimer l’absence de pourtours associée à ga (cl. 16).

Ga (cl. 16) est également utilisé avec un nom abstrait dans l’énoncé (16) :

Pendant le mariage coutumier, il est demandé, à la jeune mariée, de ‘passer à travers l’espace compris entre les jambes de son père’2. Ce geste symbolique la protégerait des esprits malveillants.

Mfookolo « creux » (cl. 9) exprime l’inériorité par le « creux » qu’il désigne. Il prend le

sens d’entre-jambe de l’objet taatá « papa » (cl. 5). Kakótá « qu’elle entrera » exprime le passage de l’extérieur vers l’intérieur de l’espace arc-boutant de mfookolo « creux » (cl. 9) qui, de ce fait, a des contours, à l’instar de la porte, ce qui permet l’emploi de ce verbe. Cette mise en relation enclenche la valeur contextuelle « entre » de ga (cl. 16). Les limites de

mfookolo « creux » (cl. 9) ne constituent pas un frein à l’emploi de ga (cl. 16) comme nous

l’avons vu dans les énoncés (13b) et (14). Contrairement à l’énoncé (13d), où le verbe kótá « entrer » (cl. 15) est également utilisé sans que l’énoncé ne soit possible à cause des limites du nom concret, ce même verbe ne pose aucun problème dans ce context-ci. La verticalité du positionnement de la cible sur le site3 que permet ga (cl. 16), ne rencontre aucun obstacle car

mfookolo « creux » (cl. 9) est abstrait. La perméabilité de cet espace, du fait qu’il est abstrait,

rend possible l’emploi de ga (cl. 16). C’est également le cas, dans l’énoncé (16b), avec le terme mweeló « porte » (cl. 3) :

1Extrait de Mariage Congolais de M. et Mme Ntsatou Nadège, vidéo déposée le 29 novembre 2013, htpps:www.youtube.com/watch?v=lyO2N2E5Br8.

2 Les locuteurs utilisent l’expression idiomatique kotá ku ncya máalu littéralement ‘entrer sous les jambes’.

3 Cf. C. Vandeloise (1986).

(16a) Ntabí gá mfookolo ya taatá kakótá.1

ntabí ga N fookoló yi-á Ø-táta ka-Ø-kot-á

à tout prix LOC16 CL9-creux ACL9-CONN CL5-papa MS1-FUT-entrer-NR m. à m. « À tout prix contact le creux de papa elle entrera. »

« Elle [doit] à tout prix ‘[passer] entre [les jambes]’ de papa. »

(16b) Ntabí gá mweeló kakótá.

ntabí ga mu-élo ka-Ø-kot-á

à tout prix LOC16 CL3-porte MS1-FUT-entrer-NR m. à m. « À tout prix contact la porte elle entrera. »

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Dans ce contexte, mweeló « porte » (cl. 3) active sa valeur d’espace compris entre les cadrans par où l’on peut accéder à l’intérieur de la maison ; il y a également, à ce niveau, une perméabilité. Il est évident que si mweeló « porte » (cl. 3) est considéré comme étant le bâton de la porte, devenant ainsi un objet concret, l’énoncé n’est plus possible comme en (13d).

Ga (cl. 16) est suivi d’un nom ayant une valeur temporelle dans l’énoncé (17) :

(17) Gá mbatukúlu lufwení wiisaná.

ga N-batukúlu lu-Ø-fwaan-i Ø-wiis-an-á

LOC16 CL9-commencement MS2-RSLT-devoir-R CL15-s’entendre-ASSOC-NR m. à m. « Contact le commencement vous devez s’entendre. »

« [C’est] dès le commencement que vous devez vous entendre. »

La notion de mbatukúlu « commencement » (cl. 9) marque un premier point de lieu et de temps. Il active surtout la valeur temporelle à cause du contexte situationnel. En effet, il représent le moment où a lieu l’évènement lufwení wiisaná « vous devez vous entendre ».

Mbbatukúlu « commencement » (cl. 9) exprime qu’il est borné à gauche et ouvert à droite. La

borne de gauche correspond au moment où il ne se passe encore rien. Et à partir de cette même borne, et de celle de droite, correspond le début de lufwení wiisaná « vous devez vous entendre ». Le ton haut exprime la valeur prédicative de gá (cl. 16) qui marque la correspondance de mbatukúlu « commencement » (cl. 9) avec lufwení wiisaná « vous devez vous entendre ». Gá (cl. 16) est possible parce que mbatukúlu « commencement » (cl. 9) exprime l’absence de limites par sa borne ouverte de droite. L’aspect lexical initial de

mbatukúlu « commencement » (cl. 9) est mis à contribution pour exprimer l’absence de

contours. Cela apparaît également dans l’énoncé (18) :

Gá (cl. 16) opère à deux niveaux :

1 Proverbe lari.

(16c) *Ntabí gá mweeló kakótá.

ntabí ga mu-élo ka-Ø-kot-á

à tout prix LOC16 CL3-porte MS1-FUT-entrer-NR m. à m. « À tout prix contact [espace de] la porte elle entrera. » « Elle doit à tout prix entrer à travers la porte. » [le bâton de la porte]

(18) Mayela ma bwáatu gá nkotólo.1

ma-yéla ma-á bu-átu ga N-kotólo CL6-intelligence ACL6-CONN CL14-pirogue LOC16 CL9-entrée

m. à m. « Les intelligences celles [les intelligences] de la pirogue contact l’entrée. » « [C’est] dès le commencement qu’il faut faire preuve d’intelligence. »

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il fonctionne comme un marqueur de lieu en déterminant le terme abstrait nkotólo « entrée » (cl. 9) qui exprime également un point du temps ;

— il joue également un rôle prédicatif en suppléant l’absence du verbe dans l’énoncé. Cela veut dire que gá correpond à ga (cl. 16) au niveau métalinguistique. Cette correspondance se traduit par l’identification qui en résulte exprimée par la valeur contextuelle « est ». L’objet mayela « intelligence » (cl. 6), relié au sujet bwáatu « pirogue » (cl. 14), par un lien d’appartenance exprimé par le connectif ma (cl. 6), est localisé à l’endroit

nkotólo « manière d’entrer » (cl. 9). L’aspect de nkotólo « manière d’entrer » (cl. 9) est

également inchoatif. On remarquera que ces noms abstaits sont marqués par le même classificateur N- (cl. 9) et sont constitués de radicaux verbo-nominaux. Nous verrons que cette propriété leur permet d’aller de la catégorie des noms à celle des verbes1 ; ils peuvent alors facilement être perçus comme étant des procès capables de fonctionner, comme tels, avec ga (cl. 16).

Ga (cl. 16) détermine les surfaces des noms abstraits avec lesquels il est employé. Dans

ce contexte, sa valeur exprime le ‘contact’.

Ga (cl. 16) fonctionne comme un marqueur de lieu lorsqu’il est suivi d’un nom de lieu,

d’un nom concret ou d’un nom abstrait. L’endroit qu’il désigne est considéré comme étant une zone de contact. On en déduit que sa valeur exprime le ‘contact’.