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L’EMPIRE YEKE DU KATANGA-GARENGANZE

Dans le document Haut-Katanga, tome 1 (pdf - 21 MB) (Page 99-120)

MOUVEMENTS MIGRATOIRES DES PEUPLES DU HAUT-KATANGA

3. L’EMPIRE YEKE DU KATANGA-GARENGANZE

Les fondateurs du Garenganze, le royaume de M’siri, venaient de l’Unyamwezi, où les habitants étaient connus depuis au moins le xviiie  siècle comme des Banyamwezi ou Nyamwezi en Afrique de l’Est. L’Unyamwezi, c’est aussi le pays de Mirambo.

Il est situé entre le lac Tanganyika (au nord-est de ce lac) et le sud du lac Victoria-Nyanza. L’Unyamwezi était censé comprendre trois principales entités lignagères : Unyanyembe, Ugalanganza et Usumbwa.

Le père de M’siri, Kalasa, appartenait aux groupes lignagers de l’Usumbwa (Verbeken  1956  : 26)8. En s’installant au Katanga, différents clans venus en diverses caravanes composées de groupes hétéro-gènes se sont mariés avec des peuples environnants et ils ont continué d’intégrer dans leur sein des jeunes gens de partout. Au Katanga donc, les clans

8. I. Cunnison écrit : «  la grande tribu des Wanyamwezi est divisée en six branches qui, quoique distinctes l’une de l’autre en apparence générale, se ressemblent beaucoup quant aux langages et aux coutumes. La plus intelligente et la plus active est celle des Wagaranganza qui habite la partie centre de l’Unyamwezi oriental et, par conséquent, sont les plus proches de la côte. Cette sous-tribu, celle des Wasumbwa, appelée aussi Wanyamwezi (gens de l’Ouest), vit dans les territoires occidentaux de la contrée. Ces gens ne diffèrent des Wagaranganza que par leur excessive vanité et la réputation méritée qu’ils ont d’être enclins à la mendicité et à l’intrigue ; d’autre part, ils sont plus décoratifs et plus polis que les autres. Ils entretiennent aussi un commerce avec la côte ».

Xa Mandiamba (mwaant yav) photographié avec Henrique de Carvalho.

(Album da expediçao ao Muatiânvua, Henrique Augusto Dias de Carvalho, pl. 69.1, 1892.

Museu da Sociedade de Geografîa de Lisboa, Portugal.)

Les Yeke au Katanga.

Source : van Dorpe, W. 1974. « Cadre explicatif de l’établissement yeke ».

Mémoire de licence en Anthropologie, UNAZA, Lubumbashi. p. 13.

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venus principalement des chefferies Sumwa mais aussi de l’Unyamwezi et d’ailleurs ont voulu former un peuple nouveau doté d’un nouveau nom : Yeke.

Cette unification s’est réalisée sous le commande-ment d’un seul chef, elle est l’œuvre de Ngelengwa qui devint Mwenda M’siri.

Depuis la fin du xviiie et les débuts du xixe siècle, le portage, la chasse à l’éléphant et le courtage du grand commerce constituaient des spécialités des Nyamwezi dans ce territoire entourant Tabora, dont les Afro-Arabes allaient faire l’entrepôt central de la région au début des années 18509.

9. La colonie arabe de Tabora, au centre de l’Unyamwezi, est fondée vers 1830. En 1857, lorsque Burton et Speke y arrivent comme premiers Européens à visiter Tabora (8 novembre - 14 décembre), les Arabes de la côte et les Swahili se sont établis à quelques kilomètres à l’ouest, à Msene, laissant l’Unyanyembe (Kazeh ou Tabora) aux Arabes d’Oman, qu’ils détestaient. Tabora était au XIXe siècle un relais capital sur la route de la Côte de l’océan Indien au lac Tanganyika. Notons que le père de Tippo Tip, Moammed ben Juma, a épousé, en premières noces, une fille du chef des Nyamwezi Fundi Kira.

Les Nyamwezi, qui contrôlaient le courtage du commerce interrégional de l’Est et en Afrique cen-trale, atteignirent comme agents ambulants à la fois la côte orientale et la capitale des Kazembe aux alen-tours de 1800.

Il est probable que le cuivre arriva à Kazembe autour de 1800 grâce aux Nyamwezi au service des Yao, à partir de Katanga et du pays sanga. Dès la première moitié du xixe siècle, l’ivoire que transpor-taient les Nyamwezi était connu à Zanzibar. L’ivoire était un produit « localement inutile » au centre du continent, mais il jouait un rôle important dans la région nyamwezi, de même que, un peu plus tard, les armes à feu dans la chasse aux esclaves (Verbeken &

Walraet 1953 : 75)10 et aux éléphants.

Tippo Tip naîtra d’un autre lit : lire (Bontinck 1974b : 65, 180 ; Roberts, 1968 : 117-150). Tippo-Tip est probablement d’ascendance omanaise du côté de son père.

10. Les pombeiros parlent des Nyamwezi chez Kazembe en 1806. Lire aussi (Vansina 1965 : 179 ; Coquery-Vidrovitch &

Moniot 1974 :130-131).

À Bunkeya, la salle de réunion de la chefferie Bayeke. On voit les armoiries de la dynastie représentée par un lion entouré de deux pointes d’ivoire et d’une croisette de cuivre. (Photo Maarten Couttenier, 2010 © MRAC.)

Stanley dit des Nyamwezi  : «  [Le Nyamwezi]

est né commerçant et voyageur ; c’est le Yankee de l’Afrique. Sa tribu a le monopole du transport des marchandises et cela depuis les temps les plus recu-lés […]. Les Arabes ne vont nulle part sans lui […].

Il étend ses voyages des rives du Lualaba aux monts Karongonch […]. Aventurier, il se montre audacieux et sans scrupule. […] Dans le Londa (Katanga), il est chercheur énergique d’ivoire » (Stanley 1884 : 426)11.

11. L’Allemand Reichard, qui passe par Bunkeya en 1884, après avoir traversé la région Nyamwezi, note : « … le métier de porteur n’était pas rare chez les Waniamuezi car cela était considéré comme devant contribuer à la formation du jeune homme ; un Mniamuezi qui n’était pas allé jusqu’à la côte de Zanzibar, comme porteur, était tenu, par ses frères de clan, en médiocre estime de même que, mais pas au même point, s’il ne connaissait pas la langue de la côte, le kiswahili » (Verbeken, 1956 : 31).

Les Arabes de Kilwa atteignirent le lac Nyassa déjà dans la seconde moitié du xviiie  siècle ; les Nyamwezi étaient en contact avec les Arabes et leurs intermédiaires, les Yao.

Autour de 1830, des trafiquants arabes étaient chez Kazembe à la recherche des esclaves et de l’ivoire. Ils se déplaçaient par petits groupes en caravanes composées de chasseurs d’éléphants et en bandes armées de fusils, avec des porteurs. Ils nouè-rent des alliances avec les chefs locaux puissants12 pour combattre les chefs les plus faibles ou hostiles et les piller ; ils restaient en contact les uns avec les autres, se livraient aux achats d’ivoire et d’esclaves et contribuèrent largement à la chute « des rois » et à la destruction des sociétés locales.

12. Tippo-Tip appelle les chefs bemba Mwamba, Kitimukulu et Chansa, ses « amis ».

Deux chefs ayant servi sous les ordres de M’siri.

À gauche : chef Kabimbi.

(AP.0.0.36534, collection MRAC Tervuren ; photo G.-F. de Witte, 1931, © MRAC Tervuren.)

À droite : chef Mukulukushia.

(HP.2011.62.8-271, collection MRAC Tervuren ; photo G.-F. de Witte, 1930, © MRAC Tervuren.)

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Parmi les porteurs se trouvaient des Nyamwezi.

Lorsqu’il s’engagea en pays lunda de Kazembe (1872), Tippo-Tip se déplaçait avec huit cents Nyamwezi, cent cinquante fusils et des perles13.

Les Nyamwezi furent d’abord au service des Arabes et Afro-Arabes avant d’organiser des cara-vanes pour leur compte. Il est probable que parmi les

« hommes appartenant à un Arabe », dont parlaient les frères Livingstone en 1861, certains étaient des Nyamwezi, qui, selon Burton, avaient alors le mono-pole des transports et du portage régulier vers la côte orientale. Entre 1859 et 1861, on lit dans les notes des frères Livingstone :

«  Le commerce de Cazembe et de la contrée du Katanga et d’autres parties de l’intérieur traverse le Nyassa et le Shiré, sur la route du port arabe de Kilwa et des ports portugais et de Mozambique […]

[…] nous avons eu la visite de plusieurs hommes appartenant à un Arabe qui était depuis quatorze ans dans l’intérieur du Katanga, au sud de chez Cazembe.

Ils amenaient au Lac de l’ivoire, de la malachite, des anneaux, des cuivres et des esclaves pour échanger contre les étoffes. La malachite d’après ce qu’ils disent, a été extraite d’une grande veine sur le flanc d’une montagne, près de chez Katanga » (Verbeken 1956 : 133-134)14.

Des groupes de Nyamwezi se seraient instal-lés à l’est du Katanga (au sud et au sud-ouest du lac Tanganyika), et les traditions orales locales de l’Usumbwa placent les débuts d’importations du cuivre dans l’Unyamwezi autour de 1830, alors qu’il est établi que le cuivre katangais atteignait, déjà vers la fin du xviiie  siècle, certaines parties de l’actuel Ouganda (Roberts 1970 : 57).

En 1883, un jeune officier de marine français de vingt-trois ou vingt-quatre ans écrivait à partir de la rive droite du Luapula : « Autrefois ces États (de la rive gauche) portaient le nom de Katanga […]

le Katanga s’appelle aujourd’hui “M’siri”, d’un chef

13. C’est à cette occasion qu’il fait détrôner et tuer le Kazembe de l’époque, déclenchant ainsi des guerres de succession irrépressibles auxquelles M’siri sera mêlé.

David Livingstone a laissé des pages saisissantes sur la pénétration et les razzias des Arabo-Swahili dans la région de Kazembe (Livingstone 1879 : 96-108).

14. Cet Arabe, c’est probablement Saïd ben Habib.

vunyamwezi qui s’y est installé […] et dispose de forces considérables15 ».

M’siri, qui, selon Vansina, s’était déjà proclamé mwami autour de 1875, contrôlait autour de 1880, à partir de Bunkeya, le commerce du cuivre, qui était alors échangé contre de l’ivoire à l’intérieur du pays et contre les étoffes et d’autres biens d’échange de la côte. Dans l’Unyamwezi, le cuivre était encore échangé contre du petit bétail et de l’ivoire. Avec les Ovimbundu et les Arabo-Swahili, le cuivre s’échan-geait contre des fusils (Olivier & Atmore 1970 : 50).

Il existe sur le Garenganze au moins quatre versions de la tradition orale récoltées indépendam-ment les unes des autres, du vivant même de M’siri (celle d’Arno date de 1889) ou quelques années après sa mort (Verdick, Pirie, Mukanda-Bantu).

Le père de M’siri, Kalasa, aurait été  lui-même porteur à la côte orientale et courtier au service des Arabes ou Afro-Arabes installés dans la région de Tabora ou Kazeh. Il allait ensuite organiser des cara-vanes autonomes autour de 1850 vers l’intérieur du continent et, particulièrement, dans le royaume de Kazembe.

En 1906, un prospecteur de la Tanganyika Concessions Limited de Robert Williams, G. Pirie, recueillit de trois autochtones sanga la version sui-vante, conservée dans la mémoire populaire :

«  Le père de l’actuel Mwenda Mukanda Bantu était venu du Nord, au-delà du Tanganyika avec ses guer-riers. Notre chef Mpande eut peur et lui dit : “Je suis comme une femme devant toi. Je suis incapable de te faire la guerre”. Et ainsi il devint vassal de Mwenda M’siri et lui abandonna tous ses biens : chèvres, brebis et presque toutes ses femmes.

De plus, il lui paya un tribut annuel. Mwenda devint le plus puissant chef du pays et ayant vaincu les Baluba en deux occasions, il fit la guerre − avec l’aide de ses vassaux, les Basanga − à toutes les tribus voisines et les soumit à son joug » (Verbeken 1956 : 58).

Écrivant en 1924 sur les techniques du travail du cuivre, l’évêque Jean-Félix de Hemptinne parla incidemment de cette arrivée des Nyamwezi (ou des

« gens de l’Est ») au Katanga. Ils furent précédés par

15. V. Giraud a été, à partir de la Côte orientale, en pays bemba ; au lac Bangweolo, en pays Aushi et chez Kazembe.

Lire aussi en appendice : (Arnot 1969 : 264-274).

des Tutsi et des Bai (?). Selon le chef Mwepu, son informateur, il écrivit :

« [Des] Batushi isolés arrivèrent au Katanga avant les organisateurs de la conquête.

Ils furent reçus pacifiquement par les Basanga qui ne s’opposèrent pas à leur désir de faire du cuivre.

Une catastrophe arrêta leurs premiers travaux. Les Batushi Mudilo et Mudinda entreprirent l’extraction du minerai dans un puits de la mine de Kambove. Un éboulement se produisit et tous les travailleurs furent ensevelis. Les survivants de la catastrophe prirent la fuite assurés que les Esprits de la mine leur en vou-laient. Quelques années plus tard arriva la première caravane de Bayeke, dont le but était de s’établir dans le pays et d’en exploiter le trésor » (de Hemptinne 1926 : 371-403).

Selon la tradition, dont Verdick consigna une version en 1897, Kalasa achetait de l’ivoire et des esclaves autour de 1850, à la tête de petites caravanes.

Il découvrit le cuivre du Katanga chez Ngandubesa.

C’est au cours d’un second voyage qu’il atteignit à la fois Katanga, Sampwe des Beena-Mitumba (Balomotwa), Kinemana des Baushi et quelques autres principaux chefs du Sud-Katanga avec qui il aurait conclu des traités d’amitié et des accords de commerce. Il allait repartir du Katanga en y laissant des membres de sa caravane. Au cours du troisième voyage au centre du continent, Kalasa voyageait avec son second fils, Msidi ou M’siri, jusque chez Katanga. Dans la suite, M’siri devait revenir sans son père s’installer avec sa caravane chez Katanga, qui l’autorisa à habiter au bord de la rivière Kaseshi en un lieu que le Nyamwezi dénomma Litupisha. Cela se passait autour de 1860 (Verdick 1952 : 32-41).

Arnot, qui avait récolté la toute première version écrite de la tradition sur les Yeke, écrivit : « Kalasa, le père de Msidi, actuel souverain de Garenganze, était un chef mineur sous Mirambo, le grand chef du pays Unyamwezi, à l’est du lac Tanganyika. Kalasa était commerçant en cuivre, et après de fréquentes visites à Sanga, une étroite amitié s’établit entre lui et le vieux chef de ce pays. Une fois, Msidi (qui était le deuxième fils de Kalasa) fit une visite à Sanga au lieu de son père » (Arnot 1969 : 231-233).

En réalité, avant d’atteindre les chefferies sanga, les Nyamwezi s’étaient probablement d’abord limités au territoire contrôlé par Katanga. La tradition rap-porte que, lorsque M’siri vint ainsi dans la région, qui était une «  périphérie  » des Kazembe, le chef

lunda régnant l’autorisa à aller au Katanga. Le chef yeke venait d’offrir au Kazembe  VI une technique de vaccination contre la variole16. Le roi Lunda de l’époque devait être Kinyanta Munona (1854-1862).

Une fois installé à Litupisha près du chef-lieu du suzerain local, M’siri aida Katanga à soumettre Kapema, chef mwina bowa. Le Yeke aurait tué Kapema et rasé le village (Verdick 1952 : 35). Dans la version reçue du chef Mwepu, Mgr Jean-Félix de Hemptinne situait cet épisode à l’époque des ran-données de Kalasa et lui donnait une plus grande importance :

« [Le premier objectif des Yeke] semble avoir été les mines de l’Est. En effet, Kalasa fut d’abord chez les Beena-Bowa et noua amitié personnelle avec le grand chef Katanga.

Une circonstance fortuite éloigna définitivement Kalasa du territoire des Beena-Bowa. Le chef Katanga mourut et Kalasa fut accusé de lui avoir jeté un mau-vais sort.

La guerre éclata entre les Bayeke et les Beena-Bowa.

Kalasa, qui avait fait alliance avec Pande, chef des Basanga, se fixe chez celui-ci, qui lui prêta appui, comme à son “frère de sang” » (de Hemptinne 1926 : 377).

Pour de Hemptinne, « la conséquence de cet inci-dent fut que les mines de l’Est demeurèrent fermées, tandis que toute l’activité des Bayeke se portait sur les mines du Centre, dépendant des Basanga. En raison de leur alliance avec ceux-ci, les Bayeke bénéficiè-rent sans conflit du régime de propriété collective des gisements miniers »17.

Bref, c’est à la mort de Katanga que les Nyamwezi se déplacèrent pour s’installer en pays sanga. De Litupisha, M’siri s’installa à Kisungu sur la rivière Mwafi et entoura son nouveau village de fortifi-cations. De Kisungu, probablement, M’siri dut se battre contre les « gens du Katanga » au moins deux fois. La dernière fois, les fils de Katanga, dont un

16. Cette technique de lutte contre la variole était encore utilisée dans les villages du Katanga au moins jusque dans les années 1960 (Grévisse 1976 : 414).

17. Les Nyamwezi ont ainsi décidé de s’établir dans la région même où ils ont ivoire, cuivre et esclaves. Roberts fait remarquer que cette décision obéit aux conditions nouvelles des échanges, exigeant la création d’une nouvelle organisation pour l’expansion de la traite : cf. Roberts 1981 : 67) ; Coquery-Vidrovitch & Moniot 1974 : 131 ; Olivier & Atmore 1970 : 50 et 55.

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certain Kifongo, demandèrent secours à Kazembe du Luapala. Dans la version de Verdick, les Lemba de Katanga aidés par les Lunda de Kazembe comman-dés par un fils ou neveu de Kazembe, Lubalila, furent battus par les Yeke. Lubabila fut tué (Verdick 1952 : 35-36). D’autres versions parlent de cette bataille qui indique que le chef Katanga et les Balemba durent se défendre contre l’intrusion des Yeke et des Arabo-Swahili, qui prenait des formes politiques.

On peut situer cette bataille des Lemba aidés des Lunda entre 1860 et 1863. La tradition yeke ajoute que le combat se déroula dans la plaine de la Lufira. À l’époque, Mohammed ben Saleh vivait avec de nombreux autres trafiquants dans la capitale des Kazembe depuis 1846-1847. La bataille marqua un grand tournant, parce que non seulement les Kazembe perdirent le Katanga et que la route lunda reliant Kazembe et Mwaant Yav fut coupée, mais aussi parce que la chasse aux Swahili en pays lunda oriental poussa ceux-ci à aller grossir les rangs des Nyamwezi de M’siri18.

Les effectifs ne cessèrent de grossir à partir même de l’Unyamwezi vers le pays sanga. Alors qu’ils igno-raient les événements récents de Lubabila et de Shakadiata, Dikuku, un demi-frère de M’siri, et sa caravane apprirent que la traversée leur était inter-dite au Luapula, car, disaient les responsables du débarcadère à Kazembe : « Vous avez fait traverser Mukala (M’siri), et voilà qui rend le pays dangereux.

Ne faites plus passer le fleuve à ceux-ci… » (Mwenda Munongo 1967 : 112-113)19.

Dikuku prétendit que son but était d’aller cher-cher du sel chez Ntumbi (Mwanshya) à échanger

18. Même si les événements se télescopent à un point tel qu’il est difficile de lire correctement les faits dans une chronologie claire, l’on sent ici une histoire qui se déroule entre Africains du centre de l’Afrique, ceux de la côte et son « hinterland » (Bontinck 1974 : 49-56 ; Mwenda Munongo 1967 : 13 et 121 ; Verdick 1952 : 36 ; Livingstone 1879 : 320 ; Labrecque 1951 : 18-67 ; Verbeken 1956 : 64-65). Verdick rapporte une version de la tradition orale dans laquelle il est fait état d’un lien entre la défaite des Lemba et des Lunda et le départ de Kashiba de la Lofoï pour le Luapula : (Verdick 1952 : 36).

19. L’auteur cité traduit en fait les fameux « mémoires de Mukanda Bantu » confiés au futur roi Albert Ier en 1909. Le texte est en kisanga (original).

contre des vivres en pays lunda. C’est ainsi qu’ils tra-versèrent le Luapula pour aller chez M’siri20.

Dans le récit historique, la tradition que rapporte Arnot fait un raccourci des événements d’une ving-taine d’années, en évoquant comment M’siri aida les Sanga à faire face à des razzias des Luba avant qu’il ne décidât de s’établir au pays définitivement. Arnot écrit :

«  Les armes à feu comme moyen de guerre étaient alors totalement inconnues dans les régions centrales de l’Afrique. Msidi, cependant, était en possession de quatre canons pour son parti et, arrivé dans le pays de Sanga, il trouva le chef de la garde en guerre avec un chef puissant au nord de lui, qui avec son peuple, les Baluba, envahissait le Sanga Pays. Msidi vint au secours de l’ami de son père, et après quelques coups de son parti, les Baluba, alarmés par les nouvelles armes de guerre, s’enfuirent. Naturellement, l’ancien chef sanga était content de Msidi, qui l’avait ainsi déli-vré, lui et son peuple, des mains de leurs ennemis, et décida de le récompenser généreusement  » (Arnot 1969 : 231-232)21.

Verdick revient sur un des épisodes de ces batailles de barrage aux incursions luba dans un ter-ritoire où M’siri était décidé à avoir le monopole de

« cueillette » d’ivoire, de cuivre, de sel et d’esclaves.

La tradition orale parle constamment des incur-sions effectuées périodiquement par des groupes luba dans le sud du Katanga. Probablement autour de 1873 et 187522, des Luba du confluent du Lualaba et de la Luvua (prolongement supposé du Luapula) opéraient à cette époque des incursions et des

La tradition orale parle constamment des incur-sions effectuées périodiquement par des groupes luba dans le sud du Katanga. Probablement autour de 1873 et 187522, des Luba du confluent du Lualaba et de la Luvua (prolongement supposé du Luapula) opéraient à cette époque des incursions et des

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