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Nous tenons à remercier toutes les personnes qui ont collaboré aimablement avec nous, en nous accordant leur temps pour répondre à nos questions ; et de manière spéciale les enfants travailleurs, qui nous montrent chaque jour un exemple de courage et d’enthousiasme. Un grand merci aussi à M. Hanhart, Mme Schurmans et Mme Pérez par leurs conseils pédagogiques; et à Maria José pour la passation des questionnaires.

Nous remercions également de tout cœur Véronique, pour sa précieuse aide en conseils et dans la correction de ce travail ainsi que pour le soutien qu’elle nous a accordé tout au long de notre formation.

PREMIERE PARTIE :

MISE EN CONTEXTE

« Ne fait pas cadeau de poisson à ton prochain, mais apprend lui à pêcher ».

Confucius

PREMIER CHAPITRE :

LES ENFANTS AU TRAVAIL : ESQUISSE DE LA PROBLÉMATIQUE

Le travail des enfants demeure un phénomène répandu dans le monde entier. Pour nombre d’enfants, le travail est une véritable exploitation, une épreuve difficile, et une source de souffrance. Il constitue aussi une violation majeure des droits de l’homme. Il porte souvent préjudice à l’instruction, à la santé et au développement de l’enfant, et se solde par un handicap social.

Pourtant, le travail peut constituer pour les enfants un élément important de leur croissance car il effectue une transition entre l’enfance et l’âge adulte. Il peut aussi s’avérer indispensable à la survie de la famille. Le travail des enfants est par conséquent un problème à multiples facettes que nous allons essayer d’analyser dans les pages qui suivent.

I. VISION HISTORIQUE

A l’origine, toute la vie de la communauté était centrée sur un contact direct avec la nature. Les activités économiques étant essentiellement la chasse, la pêche et une agriculture très primitive, la participation de tous les enfants était une nécessité pour vivre. Cette nécessité constituait la norme de l’éducation et la garantie de survie tant des individus que de la communauté.

Au cours des siècles, la pression de cet impératif de survie s’allège pour certaines populations et permet une division des tâches de la communauté, les enfants ne recevant que certaines responsabilités précises. Les tâches attribuées aux enfants sont considérées alors soit comme légères, c’est-à-dire adaptées à leurs forces physiques et mentales, soit comme moins urgentes que celles revenant aux adultes - par exemple, l’entretien de la maison, les soins des plus petits, le transport de l’eau, le recueil du bois de cuisson, etc.

Dans le cadre de la vie en forêt ou de la vie rurale en petits villages, les enfants au fur et à mesure de leur croissance, participent plus ou moins aux travaux de l’entourage - garde de bêtes, cueillette, irrigation, transport. Tout en étant un appoint à la vie économique de la famille et de la communauté, le travail est pour ces enfants surtout un moyen d’initiation; on le considère à la fois méthode d’apprentissage et processus de socialisation (Bonnet, 1998, pp. 34-41). Ainsi, aujourd’hui comme hier, des dizaines de millions d’enfants consacrent l’essentiel de leurs journées à des travaux domestiques et agricoles qui, sauf exception, seront le lot de toute leur vie.

l’artisanat (tisserands, brodeurs, sculpteurs sur bois, sur pierre, sur corne, potiers tailleurs de pierres précieuses, orfèvres, etc.). Dans les familles d’artisans, au moins un des enfants est retiré des travaux domestiques pour être consacré tout jeune, parfois dès l’âge de 4 à 5 ans, au métier du chef de famille afin de prendre la relève après de nombreuse années d’apprentissage. Même si progressivement, l’enfant peut assumer la responsabilité d’une partie de la production et augmenter ainsi le revenu familial, en fait sa véritable valeur économique se calcule sur le long terme, dans sa capacité à agrandir l’atelier familial et à subvenir aux besoins des vieux parents.

Dans certains pays, tout au long des siècles, la gigantesque demande provenant des grands travaux de construction a poussé à la mise en place d’une importante industrie du bois, de la brique et de la pierre qui repose sur une population active spécialisée. Toute la famille travaille et vit sur les chantiers de la naissance à la mort; les enfants y sont dès l’âge de 6 ou 7 ans des travailleurs à plein temps. Depuis des siècles et de façon immuable, des enfants pakistanais, par exemple, fabriquent les mêmes briques, cassent les pierres avec les mêmes outils, les mêmes techniques et les mêmes matériaux que leurs ancêtres.

Dans de nombreux autres pays les conquêtes coloniales ont eu une incidence sur la participation des enfants au travail. La réorganisation de la structure sociale de pays entiers en fonction de l’exploitation maximale de leur richesse amène aux limites de la famine une partie importante de la population. Ainsi, pour les classes sociales les plus fragiles le travail des enfants devient une nécessité pour survivre et non une participation progressive à la vie de la communauté.

Un changement ayant un effet immédiat sur le travail des enfants est l’apparition dans l’agriculture du système des plantations et des grandes fermes spécialisées dans la production commerciale. Les enfants y sont employés soit indirectement pour permettre aux parents d’atteindre le taux de production fixé, soit directement comme salariés ayant leur propre rendement à assurer. Avec certaines différences selon les pays, les enfants font l’expérience d’une vie de travail très dure sous le contrôle brutal des forces de l’ordre, que ce soit l’armée, la police officielle ou les milices privées.

Un autre changement crucial influençant le travail des enfants est l’introduction de machines et de procédés nouveaux dans la production industrielle, notamment au XIX siècle. Avec le développement technique de ces cents dernières années, les machines et procédés d’autrefois sont tombés en désuétude. Toutefois, ils continuent à être utilisés par les entreprises d’un secteur industriel classé comme secteur informel. Pour ces petites entreprises, dont le champ d’activité est généralement un marché concurrentiel, souvent très instable et saisonnier, le travail des enfants présente quelques avantages sur celui des adultes : il convient mieux à la demande fluctuante de l’emploi, il coûte moins cher que le travail des adultes, les enfants ne peuvent s’affilier à un syndicat et n’ont aucun droit en tant que travailleurs.

Dans les régions où la main d’oeuvre est surabondante, les travailleurs enfants peuvent constituer aussi une partie considérable de la main-d’oeuvre migrante. Le travail migrant revêt plusieurs formes : il peut être saisonnier - c’est le cas de l’extraction de l’or au Pérou -, ou plus ou moins permanent - comme dans les fabriques de tapis de Varasi -, en Inde (Bequele et Boyden, 1990). Si certains enfants migrent en compagnie de membres de leur famille, d’autres s’en vont tous seuls. En général, les enfants migrants se heurtent à de nombreuses difficultés et ont grand besoin de services communautaires. En étant complètement séparés de leur famille et de leur communauté, ils souffrent de carences alimentaires et affectives, et sont exposés à toutes sortes d’abus.

Etat actuel de la question

De nos jours, mis à part le travail agricole - secteur traditionnel utilisant la main d’oeuvre enfantine -, la majorité des emplois sont concentrés dans les zones urbaine, et il apparaît clairement que dans les villes de certains pays, le nombre des travailleurs enfants a considérablement augmenté au cours de ces dernières décennies.

L’implication des travailleurs enfants dans l’économie, la nature des tâches qu’ils exécutent et les conditions dans lesquelles ils sont souvent employés les soumettent à d’importants risques pour leur santé et leur sécurité. La vulnérabilité physique des enfants, notamment ceux de très jeune age, fait que leurs possibilités et leurs besoins sont très différents de ceux des adultes (évidence rarement prise en compte par les employeurs). Toutefois, bien que de nombreuses tâches ne soient absolument pas adaptées aux travailleurs enfants, ils sont parfois très recherchés dans certaines activités, en raison des avantages que leurs aptitudes offrent aux employeurs. Cela s’applique notamment aux industries qui utilisent des techniques simples et dont la production dépend d’une main-d’oeuvre abondante. On estime que les enfants sont plus aptes que les adultes au tissage des tapis, par exemple, car ils ont une meilleure vue et ils sont plus rapides et plus habiles. Malheureusement, à long terme, ce travail peut gravement altérer leur santé.

D’une manière générale, la grande majorité d’enfants qui travaillent sont confrontés à des problèmes et dangers similaires. Ils sont victimes de sous-alimentation et d’autres problèmes de santé, ils sont le plus souvent exploités au travail et même soumis à de mauvais traitements par leurs pairs et par les adultes. Leur travail est médiocrement organisé et mal payé et leurs longues journées de travail perturbent leur instruction et compromettent leur avenir. Bien qu’un nombre étonnamment élevé d’enfants aille à l’école, la majorité n’y va pas; lorsqu’ils la fréquentent, c’est d’une manière si irrégulière que bien peu apprennent à lire et à écrire. Ceux qui travaillent dans les rues sont aussi exposés à d’autres risques physiques et sociaux : sous la direction de bandes d’adultes organisées ou de groupes antisociaux, beaucoup d’entre eux se livrent à des activités illicites allant jusqu’à la prostitution ou la criminalité. Nombre d’enfants vivent aussi sous la constante menace de la violence, qui est parfois même le fait des autorités.

Une enquête menée auprès des enfants de la rue au Brésil a ainsi révélé que la violence est ce qu’ils craignent par-dessus tout. Il est donc pratiquement inévitable que des enfants qui grandissent dans de telles conditions subissent des dommages psychoaffectifs irréversibles (Bequele et Boyden, 1990, p. 25).