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1.4 Th`emes scientifiques majeurs pour une lentille gamma

2.1.4 T´elescopes Compton

Comme nous pouvons le voir sur la figure 2.1, pour du Ge ou du CdTe, l’interaction la plus probable entre un photon γ et un d´etecteur est une diffusion Compton entre ∼ 300 keV et 6 MeV. Dans ce type de diffusion, le photon c`ede une partie de son ´energie `a un

´electron et est d´evi´e d’un angle d´ependant de son ´energie initiale et de l’´energie c´ed´ee : ϕ = arccos  1− mec2  1 Er − 1 Etot  , (2.1)

o`u ϕ est l’angle de diffusion, mec2 est l’´energie de masse de l’´electron, E

r est l’´energie

transmise `a l’´electron (´energie de recul) et Etot est l’´energie totale du photon incident. Les t´elescopes Compton utilisent ce principe pour d´eterminer la direction d’incidence des photons, comme illustr´e sur la figure 2.4. Dans leur version la plus simple, ils sont consti- tu´es de deux plans de d´etection superpos´es. Le premier est optimis´e pour que les photons incidents n’y subissent qu’une seule interaction, en y d´eposant l’´energie E1. Le deuxi`eme

est beaucoup plus ´epais de fa¸con `a collecter toute l’´energie r´esiduelle du photon diffus´e, E2. On peut alors assimiler E1 `a Er et E1+ E2 `a Etot, ce qui permet de calculer l’angle

de diffusion ϕ. La connaissance des positions (x1, y1) et (x2, y2) des deux interactions sur

les plans de d´etection permet de remonter `a la direction (χ, Ψ). La position de la source est alors contrainte sur un cˆone d’ouverture ϕ et d’axe (χ, Ψ). Plusieurs photons avec des ´energies ou des angles de diffusion diff´erents sont donc n´ecessaires pour remonter `a la position exacte de la source.

Fig. 2.4: Principe du t´elescope Compton. Le photon incident subi une diffusion Compton dans le premier plan de d´etection et d´epose toute son ´energie r´esiduelle dans le second. La connaissance de la position des interactions et des ´energies d´epos´es permet de contraindre la position de la source sur un cercle. Plusieurs photons sont n´ecessaires pour d´eterminer pr´ecis´ement la position de la source.

Le syst`eme, qui a fait ses preuves (notamment avec le t´elescope COMPTEL), poss`ede cependant des limitations. D’une part la r´esolution angulaire est limit´ee par plusieurs facteurs comme la r´esolution spatiale et spectrale des interactions dans les plans de d´e- tection. L’erreur sur la mesure de l’´energie d´epos´ee et sur sa localisation transforme le cercle de localisation de la source en un anneau de 1 `a 2˚ d’angle solide. Mˆeme avec une tr`es bonne r´esolution ´energ´etique et une pix´elisation fine, l’impr´ecision sur la mesure de l’´energie d´epos´ee due au fait que l’´electron qui participe `a l’interaction Compton ne soit pas libre et au repos constitue une limite physique `a la r´esolution angulaire [Zoglauer

et Kanbach, 2003]. D’autre part, seule une petite fraction des ´ev´enements se comportent selon le sch´ema id´eal : une interaction Compton dans le premier plan de d´etection suivit d’une absorption totale dans le deuxi`eme. Les ´energies mesur´ees sont souvent incompl`etes (interactions multiples dans le premier plan, d´epˆot d’´energie partiel dans le second), ce qui limite l’efficacit´e de d´etection a des valeurs g´en´eralement inf´erieure `a 10 % (COMPTEL avait une efficacit´e de d´etection inf´erieure `a 2 % !).

Mais malgr´e cette faible efficacit´e, les t´elescopes Compton affichent une bonne sen- sibilit´e grˆace `a une r´ejection efficace du bruit de fond. Par exemple, la forme du pulse d´etect´e permet de discriminer les photons des particules du rayonnement cosmique dans le premier plan de d´etection. De plus, les ´ev´enements n’ayant pas ´et´e d´etect´e chronologi- quement dans le plan sup´erieur avant le plan inf´erieur sont rejet´es (la mesure du temps de vol n´ecessitant une r´esolution temporelle tr`es ´elev´ee, 1 ns pour COMPTEL).

COMPTEL est le premier t´elescope Compton a avoir observ´e depuis un satellite (de 1991 `a 2000 `a bord du satellite CGRO). Sa gamme d’´energie s’´etendait de ∼ 0,5 `a 30 MeV, avec une r´esolution de 8,8 % `a 1,27 MeV. Sa r´esolution angulaire variait de 3,5˚ `

a 500 keV jusqu’`a 1,25˚ `a 10 MeV. Les surfaces g´eom´etriques du plan de diffusion et du plan inf´erieur ´etaient respectivement de 4200 et 8750 cm2. N´eanmoins, consid´erant

l’efficacit´e de d´etection, la surface efficace se r´eduisaient `a 10-50 cm2, suivant le processus

de s´election des ´ev´enements op´er´e et l’´energie des ´ev´enements. La sensibilit´e en raie fine `

a 1 MeV atteignait pourtant∼ 5 10−5 ph/s/cm2 pour deux semaines d’observation. Une

description d´etaill´ee de l’instrument est donn´ee dans [Sch¨onfelder et al., 1993].

2.1.4.1 Mesure de la polarisation `a l’aide d’un t´elescope Compton

Lors d’une diffusion Compton, tous les angles de diffusion sont possibles mais ne sont pas ´equiprobables. Notamment, la polarisation de l’onde incidente influence l’angle azimutal de diffusion comme exprim´e dans la formule de Klein-Nishina

KN dΩ = r2 e 2  E E 2 E E + E E − 2 sin 2ϕ cos2φ  , (2.2)

o`u re est le rayon classique de l’´electron, ϕ l’angle de diffusion, φ l’angle entre le plan de diffusion (d´efini par la direction d’incidence et la direction de diffusion) et le plan de polarisation (d´efini par la direction du champ ´electrique et la direction de propagation de l’onde), et E et E respectivement les ´energies des photons incident et diffus´e. Cette formule s’interpr`ete comme la section efficace diff´erentielle de diffusion par effet Compton pour un photon incident d’´energie E dans l’angle solide dΩ = sin ϕ dϕ dφ. E, E et l’angle de diffusion ϕ sont reli´es par la formule

E =  E

1 +mE

ec2(1− cos ϕ)

 (2.3)

L’efficacit´e relative d’un polarim`etre est caract´eris´ee par le facteur de modulation po- larim´etrique Q mesur´e `a l’aide d’un faisceau 100 % polaris´e lin´eairement. Q est d´efini par

Q = N⊥− N

o`u Net Nsont les comptages r´ealis´es dans le plan perpendiculaire au faisceau incident, respectivement dans les directions perpendiculaire et parall`ele `a la direction de polarisation du faisceau. Le facteur Q peut donc s’´ecrire

Q = dσKN(φ = 90)− dσKN(φ = 0) dσKN(φ = 90) + dσKN(φ = 0) = sin2ϕ E E + E  E − sin 2ϕ (2.5)

On voit sur la figure 2.5 que le facteur de modulation polarim´etrique est maximis´ee pour des angles de diffusion ϕ proche de 90˚ dans la bande X-durs / γ mous, et que ces angles de diffusions restent probables.

Fig. 2.5: Section efficace (en barn) de diffusion Compton (graphique de droite) et facteur de modulation polarim´etrique Q (graphique de gauche) en fonction de l’angle de diffusion ϕ (en degr´e) pour diff´erentes ´energies : jaune : 100 keV ; vert : 300 keV ; bleu : 500 keV ; rouge : 1 MeV ; cyan : 2 MeV.

Ainsi un plan de d´etection fin et pixelis´e est optimal pour la mesure de la polarisation, puisque apr`es avoir subi une diffusion Compton, les ´ev´enements ayant ´et´e diffus´es avec de petites ou grandes valeurs de ϕ - dont l’effet de la polarisation est moins ´evident - sortent du plan de d´etection, alors que les ´ev´enements ayant ´et´e diffus´es avec un angle ϕ proche de 90˚ ont une probabilit´e plus forte de faire une deuxi`eme interaction dans le d´etecteur. Ce type de d´etecteur plan peut ainsi permettre d’obtenir une statistique d’´ev´enements doubles suffisamment importante pour remonter `a la polarisation de l’onde incidente, encore faut il que la source envoie un flux suffisamment important...

2.1.5

Instruments futurs

L’objectif dans l’avenir va ˆetre de continuer `a am´eliorer la sensibilit´e et la r´esolution angulaire des t´elescopes. Les t´elescopes `a masque cod´e ont le potentiel pour am´eliorer leur r´esolution angulaire en ´eloignant le masque du plan de d´etection (bien que cette

distance soit d´ej`a de 3,2 m dans le cas de IBIS), mais il sera difficile de gagner un facteur 10 (ou plus !) en sensibilit´e par rapports aux instruments `a bord d’INTEGRAL dans la bande 100 keV - 1 MeV. En effet, augmenter la sensibilit´e implique d’augmenter la surface de collection sans augmenter le taux de comptage de bruit de fond, ce qui semble tr`es difficile dans cette bande o`u le bruit de fond hadronique domine (par opposition `a la bande inf´erieure `a∼ 50 keV o`u le fond diffus cosmique est la source dominante de bruit de fond).

Fig. 2.6: Le t´elescope MEGA est constitu´e de trackers stripp´es en silicium entour´es de calorim`etres pixelis´es en CsI. Ce t´elescope se base sur l’interaction Compton (avec suivit de l’´electron de recul `a partir de 2 MeV) et sur la cr´eation de paires `a partir de 8 MeV.

Les t´elescopes Compton b´en´eficient actuellement de d´eveloppements importants dans le but d’am´eliorer leurs performances. Une voie prometteuse pour am´eliorer la r´esolution angulaire et la sensibilit´e est l’electron tracking, le suivi de l’´electron de recul lors d’une interaction Compton. C’est le principe propos´e pour l’instrument MEGA (Medium Energy Gamma-ray Astronomy) [Kanbach et al., 2003] qui est constitu´e d’une pile de d´etecteurs plans stripp´es en silicium (Si trackers) entour´es de calorim`etres pixellis´es en CsI (figure 2.6). Op´erationnel de 0.4 `a 50 MeV, ce t´elescope utilise principalement `a partir de ∼ 8 MeV la cr´eation de paire en traquant `a la fois l’´electron et le positron. Lors d’une interaction Compton, le suivi de l’´electron de recul devient possible `a partir d’´energies de ∼ 2 MeV, ce qui r´eduit l’incertitude sur la direction d’incidence du photon. MEGA aura une surface efficace de ∼ 100 cm2, un champ de vue de 130˚ et une r´esolution angulaire

de 2˚. Un prototype est actuellement d´evelopp´e et test´e au MPE (Garching, Allemagne) [Kanbach et al., 2005].

Un autre concept actuellement d´evelopp´e est le ACT (Advanced Compton Telescope) [Boggs, 2006]. Il s’agit d’un t´elescope Compton de haute r´esolution angulaire et spectrale bas´e sur un empilement de 27 d´etecteurs plans (2 mm d’´epaisseur) stripp´es en silicium situ´es juste au dessus de 4 couches de d´etecteurs plan stripp´es en germanium de 16 mm d’´epaisseur. La fine r´esolution spatiale (∼ 1 mm3) dans les d´etecteurs en Si associ´ee au

pouvoir d’arrˆet et `a la spectroscopie des d´etecteurs en germanium devrait permettre de localiser relativement finement les sources avec une bonne sensibilit´e dans un champ de vue large (voir tableau 2.3).

Domaine d’´energie 0,2 - 10 MeV

R´esolution spectrale 0,2 - 1 %

Champ de vue 25% du ciel

R´esolution angulaire ∼ 1˚

Localisation des sources ponctuelles 5’

Surface collectrice 12 000 cm2

Surface efficace ∼ 1000 cm2

Sensibilit´e en raie ´elargies (3%) 1,2 10−6 ph/s/cm2 Sensibilit´e en raie fine 5 10−7 ph/s/cm2

Tab. 2.3: Estimation des performances de l’Advanced Compton Telescope. Adapt´e de Boggs [2006].

Les t´elescopes Compton pr´esentent l’avantage d’avoir de tr`es grand champ de vue, ce qui est int´eressant compte tenu des temps d’expositions n´ecessaire dans le domaine des rayons γ nucl´eaires (typiquement 2 semaines). Ils peuvent atteindre de tr`es bonnes sensibilit´es, mais leur r´esolution angulaire est intrins`equement limit´ee par l’´elargissement Doppler dˆu au mouvement des ´electrons, surtout `a basse ´energie [Zoglauer et Kanbach, 2003].

Une lentille γ semble donc ˆetre le seul moyen d’am´eliorer `a la fois la r´esolution angulaire et la sensibilit´e dans le domaine des rayons γ de faible ´energie. Malheureusement, cela ne peut se faire qu’au prix d’un champ de vue extrˆemement r´eduit, de l’ordre de quelques minutes d’arc, de mˆeme que pour tous les t´elescopes op´erant dans les autres domaines de longueur d’onde. Cependant, tout d´epend de la cam´era qui est plac´ee au foyer, on peut toujours imaginer de focaliser sur un ACT... [Wunderer et al., 2004].