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Egypte – à batons rompus

Dans le document Td corrigé Les Miettes pdf (Page 117-126)

Les carrières

Entre les sables désertiques absolument arides, sans pluies, coule le Nil, dans le lit qu’il a creusé entre des falaises, depuis les grands lacs africains jusqu’à la pointe du Delta où il se divise en branches dans les terres alluviales très fertiles. Comme une tige de lotus gigantesque, le fleuve porte à son sommet une fleur triangulaire.

A la pointe sud de ce triangle, les grands pharaons dressèrent leurs tombeaux. On compte 80 pyramides en Egypte, 100 en Nubie, mais celles de Guizeh (trois) sont les plus hautes : Celle de Chéops atteint 138m au dessus du sol. Largeur du carré de base 227m à 6 ou 8 kms au sud-est du Caire, sur la falaise rive gauche, en pleins sables aujourd’hui ainsi que le sphinx.

Il est taillé dans une anciennes dune solidifiée à la côte 67m. On a dégagé des sables ses énormes pattes qui encerclent les restes d’un temple. Escalier, tombeau à l’intérieur des pyramides.

Professeur de 4ème au Collège de la Sainte Famille du Caire, j’allai visiter seul les cavernes carrières rive droite, en amont des pyramides. La hauteur était nécessaire pour la descente des blocs sur les rouleaux. Les larges ouvertures face à l’Ouest recevaient ainsi la lumière du soleil couchant jusqu’au moment où le « rayon vert », simple point, annonce le coucher total. Effet d’optique. Le Nil, à l’Ouest des Carrières arrêtait les sables gênants pour le travail et la vue. J’avançais donc parmi les blocs de rebut vers une entrée dans une solitude absolue. Mais 2 ou 3 individus d’allure louche, des indigènes en galabiyeh, m’aperçurent de loin, paraissant et disparaissant entre les blocs. « Pour vivre heureux, vivons cachés… ou couchés ? ». Je restai tapi dans un recoin. Le bruit de leurs pas m’avertissait : Les blocs feuilletés comme de gros livres par l’action de l’humidité nilotique et du soleil, s’écroulent sous les pieds avec fracas. Je restai là vingt minutes. Ils passèrent à mes côtés sans me voir et disparurent en me cherchant toujours dans les cavernes.

Ces cavernes larges de 7 à 8m, à parois verticales et plafond horizontal s’enfoncent dans la falaise, jusqu’à 80m environ. Les carriers taillaient le bloc en avançant vers le fond, dessous, dessus, derrière et sur les côtés par une étroite tranchée. Finalement détaché, le bloc de 2 ou 3m déposé sur des rouleaux glissait jusqu’au Nil à 500 ou 600m et était tiré jusqu’à la pyramide. Une encoche ou de la couleur indiquait au contrôleur payeur l’avance quotidienne sur la paroi du fond. Une seule force motrice : la courbache. Et bien entendu, les bras des fellahs, les leviers, les rouleaux en pente. A l’entrée, sur la paroi, dans un cartouche, le nom du maître carrier, etc., en relief, ou en couleur. Tout a été déchiffré et photographié.

Dessin.

Dessin.

Au IVème siècle de notre ère sûrement, et peut être bien avant, les anachorètes chrétiens (= retirés du monde) vécurent dans ces cavernes. Ils cultivaient des jardins au bord du Nil. Ils avaient à les défendre contre les onagres (onos-agrios), ânes sauvages, proches parents des zèbres, qui venaient se régaler de leurs légumes. Avec les joncs et les roseaux, ils travaillaient à tresser couffins, corbeilles, nattes, échangés contre des dattes et des figues.

Saint Jérôme et d’autres (IVème siècle) ont écrit leur vie, parfois sous forme de contes merveilleux et édifiants. C’était les romans d’alors… A propos d’onagres, leurs descendants, les ânes actuels d’Egypte, plus grands et plus forts que ceux d’Algérie, supportent aussi mieux les traversées que les chevaux. Ceux-ci meurent en grand nombre sur les bateaux de nos expéditions militaires. Il faudrait peut être leur donner des pains cuits d’orge, de maïs, ou des tourteaux. Nous avons envoyé des ânes d’Egypte pour relever le type des mulets de Madagascar.

Les Coptes, de la haute Egypte, totalement distincts de la race arabe (VIIIème siècle de notre ère) représentent encore le type des fellahs qui construisirent les pyramides.

Grands souvent, maigres, épaules droites, de couleur cuivrée avec aussi une tendance vers le noir, de caractère, ils ont parfois une mobilité quelque peu versatile, de vives colères suivies d’affaissement moral : Un Père S.J. copte cependant évolué (possédant 22 langues) se présente dans un café anglais du Caire avec sa lointaine parenté de haute Egypte, les tables étaient libres. Le serveur aborde aussitôt les arrivants : « Gentlemen, toutes ces places sont prises ». Et il glisse à l’oreille du Père : « Nous ne recevons pas les personnes de couleur » ! ! Tempérament gai. Des statues millénaires de pierre et de bois du musée représentent exactement les Coptes actuels de la haute Egypte. Pas de races mélangées vu l’étroite vallée.

Les Pyramides

Celle de Chéops, près de Memphis à Gizeh, 7 ou 8km au Sud-Est du Caire.

Hauteur 138m a-dessus du sol. Base carrée 227m. Gradins : un peu plus d’un mètre. D’après les archéologues : « du début du 4ème millénaire avant notre ère » 4ème dynastie. Le porphyré poli, rose, qui protégea longtemps les gradins fut enlevé par les arabes. L’ascension reste aisée du côté ouest.

Le chamelier à pied qui conduit avec ses deux bêtes mon compagnon, le P. de Vaureix et moi en retour vers la France (1907), s’écarte exprès des pyramides dans les sables. D’un cri guttural, inimitable, il les fait d’accroupir. Les bêtes ne se relèveront que si nous payons le double du prix convenu d’abord sans difficulté aucune. Il nous prend pour des frangis fraîchement débarqués. Nous lui sortons quelques mots d’arabe décisifs. Furieux, il lance ses bêtes au grand trot. Vissé sur ma selle, cramponné des deux mains au long pommeau, sûr de mes deux bras vigoureux, les balancements, même un peu exagérés d’avant en arrière ne me troublaient guère. Mais mon compagnon, d’un équilibre moins stable, voltigeait littéralement, en avant, en arrière, sursautant à droite, à gauche, à des hauteurs qu’il estimait vertigineuses, sans nul souci des règles de la sainte modestie religieuse, et avec des cris, des vociférations en français le plus pur, le gaulois veux-je dire ; en cette langue non apprise, non usitée, connue de chacun à son insu, voire des saints et des martyrs, mais qui ne sort jamais du tréfonds de l’inconscient. Le chameau n’y comprenant goutte, le pôvre, sinon qu’il fallait accélérer, prit le galop de toute la longueur de ses longues jambes. Alors ce furent des acrobaties, des galipettes invraisemblables dignes des cirques les mieux cotés.

J’appris alors à ne jamais l’oublier, tout le vocabulaire faubourien le plus riche que peut recéler une âme dévote. Si les pieux élèves du collège de la ville de P… dont il est le grave et très digne recteur actuellement, pouvaient le voir gigoter dans l’azur par dessus son chameau et remplissant le désert de ses cris surhumains, ils en mourraient de rire en se voilant la face… et les oreilles.

Le résultat le plus heureux de cette « chamélique » sarabande fut que le chamelier lui-même, hors d’haleine, bien qu’accroché d’une main à la selle, modéra ce train échevelé et nous ramena par le plus court au pied de la grande pyramide.

Alors changement de décor à vue. L’individu prétendait maintenant nous faire payer l’ascension et nous tirait par nos soutanes pour nous empêcher de monter. Mon compagnon, devenu féroce et altéré de sang dès qu’il eut touché le sol, montra qu’il était petit fils des croisés, décidé à en découdre comme les preux ses aïeux. On versa illico ce qui était convenu et dû, pas un radis de plus. Ainsi se termina notre « chamalcade ».

Chamelier, mon ami, quand tu auras affaire à des Frangis de France, vas-y avec un peu plus de moelleux. Quand on sait les prendre par le bon bout, ça va tout seul. N’oublie donc pas le dicton arabe : « Les Français, c’est comme les carottes, c’est long, c’est fort, c’est fin, mais si on les tire doucettement par en haut, tout vient ». En affaire, le Français cause. l’Anglais compte, le… triche.

Ascension

Ascension. Gradins, en blocs longs de 3 à 4m. Hauteur : un peu plus d’un mètre95, donc 130 rétablissements environ. Au milieu, un petit serpent se croit attaqué et se lance sur moi. Le temps d’un éclair, et d’un réflexe de ma canne, c’est-à-dire, sans réflexion aucune, je l’envoie dans l’espace. Au sommet, décapité, une plate forme carrée de 3 à 4m.

Panorama : Au Nord, le Caire, poussière grise de maisons où l’on devine les minarets. Au sud, dans l’immense désert de sable gris éblouissant de soleil serpente le Nil, filet d’eau miroitant. Tout est gris, uniforme, sans relief ni couleur. Inutile de se « matagroboliser » la cervelle pour éprouver des impressions esthétiques dignes de 40 siècles. Il faut réfléchir, méditer.

Méditons : Alors que les Gaulois nos pères vêtus de peaux de bêtes, chassaient l’aurochs dans les rochers d’Avon (j’y ai ramassé des disques levallois préhistoriques près de la sablière) vivaient ici dans l’étroite vallée du Nil et le delta la plus ancienne population civilisée connue. Elle connaissait l’écriture (vers 3000 av. JC ?), c’est tout dire96. L’organisation politique et économique était très avancée. Etait-on plus malheureux qu’aujourd’hui ? C’est à discuter. Pharaons et fellahs, tous au torse nu, dorment ici leur dernier sommeil en attendant la Résurrection. Ils l’attendaient tous, leurs monuments l’attestent, y compris « le Livre de la Mort » de plusieurs mètres que j’ai vu à Turin. Des armées de ravageurs ont alternativement descendu et remonté les rives du fleuve. Les stèles égypto-assyriennes du Nahr-Beyrouth racontent leurs exploits. Des parchemins nous montrent les Pharaons, sur leur trône, perçant de leur lance les yeux des roitelets juifs successeurs de David (l’an 1000 environ). Le rêve de Bonaparte s’accomplit de nos jours, mais les maîtres de l’or et de la terre ne sont pas encore les fellahs travailleurs de la boue.

Partout où l’Islam a passé il y eut régression dans la facilité de vivre. Les savants barrages modernes élargissent les terrains de culture. Celui de Tassa (lac hors du Nil) ne commencera qu’en 1951. Les lentilles et le coton enrichissent le pays peu à peu, mais le fellah ne s’enrichit pas pour autant (16 millions d’habitants en Egypte en 1950).

Le canal de Lesseps (un Français), commencé en 1858, ouvert en 1869, a détrôné le Nil et changé la face de ce coin du monde. Il a coûté la vie à des myriades de fellahs dont j’ai vu les corps momifiés par le soleil dans les sables.

Egypte 1910-1911. Sur la plate-forme, les grenadiers et les voltigeurs de Bonaparte (1769-1821) gravèrent leurs noms profondément (très nets) avec le chiffre des régiments et des compagnies. Des escaliers intérieurs conduisent aux tombeaux. Les momies intactes transportées au musée (sous verre) sont depuis peu attaquées par les vers sous les yeux des badauds. Rançon de la gloire !

95 - A Balbeck, Liban, des blocs ont 6m, 18m, 25m de longueur.

96 - La période historique commence à l’écriture (convention pure).

Sakkarah (vu en 1911) :

A 13kms au sud de Gizeh, excursion de la communauté à Anes dans les sables.

Rencontre d’une petite caravane d’Allemands. Alors que nous ne les regardions même pas, ils se montrèrent grossiers à notre égard. Je ne pus me retenir de leur lancer au passage :

« Good education ! Well bred ! » Cela peint leur mentalité germanique. Jamais des Anglais ne se seraient permis cette incorrection. Et c’était de la haute classe. S’ils sont forts, le fond brutal se révèle.

Sakkarah, immense nécropole de grands personnages ou Sérapeum fut découverte et étudiée par Mariette (français, 1821-1881) en 1848, avec l’aide de 15000 fellahs. Tout ce qui était transportable fut déposé au Musée de Boulak (le Caire), au Louvres et à Turin. Champollion (français, 1790-1832), en découvrant le secret des hiéroglyphes permet de traduire les inscriptions. Lenormand et Maspéro (français) complétèrent leurs travaux. Les Anglais ont tenté de leur enlever cette gloire.

Une idée domine : la survivance de l’âme. Les chambres sépulcrales creusées dans le calcaire sous le sable (hypogée) sont des merveilles d’exécution sculpturale. Toutes les scènes du bonheur rural réservées aux rois justes après jugement y sont représentées en léger relief sur les plaques calcaires des parois : moissons, boulange, élevage (ni chevaux, ni chameaux, ni éléphants mais chiens, buffles et singes royaux), chasse à l’antilope, aux oiseaux des marais (canards ou oies), pêche au filet, voyage en bateau aérien, à la voile, à la rame, tous vêtus (ou presque) d’un pagne, hommes uniformément peints en ocre rouge à la cire, femmes en jaune, honneur rendu aux puissants, châtiments aux esclaves et aux vaincus, sacrifices humains et autres, descriptions de toute une vie royale avec portrait suivant l’âge, etc. Toute l’Egypte antique est là, mais pour la chronologie97 et le reste, il faut une étude préparatoire et un « baedeker » guide.

Abydos

Chargé de ramener au Caire trois élèves de haute Egypte en vacances (sud), je suis reçu dans je ne sais plus quelle ville par un copte millionnaire schismatique. Personnage de marque quand il lui plaît, il écarte d’un geste son curé à l’Eglise et prêche en chaire. Je suis reçu seul dans la maison des hôtes, pavillon abandonné à la suite d’un deuil. Pas une dame ne me fut présentée. Lui : « Quel vin de France désirez-vous ? ». De fait, nos grandes marques remplissaient sa cave. Pour le service (je suis seul), de grands serviteurs en longue galabiyée bleue, visages de bronze, presque solennels, défilèrent raides, en silence, avec chacun sur la tête un immense plateau de cuivre ciselé et argenté, 5 ou 6 à la suite.Sur chaque plateau, une bouteille, une assiette, et ainsi de suite. Si avec ce service pharaonique je n’étais pas médusé ! Alors… Mais l’aménagement richement européen en disait long aussi : riche tapis dépenaillé, grande glace au cadre sculpté et décoré au teint éraillé, fauteuils de luxe au velours élimé, teintures du lit, etc. en loque. N’empêche que mes servants choréphores cachaient après le repas les bouteilles encore presque pleines sous le lit. (la maison inhabitée à cause d’un deuil sert aux hôtes de passage).

Cependant, sur les bords du Nil, les fellahs, simples locataires, payent cela, presque ou totalement nus, en remuant la boue bienfaitrice, sous un soleil de feu pour un salaire dérisoire. Ils ont des oignons doux, du lait, des œufs, peut-être des crêpes de froment, que leur faut-il de plus ?! Pharaon ! Pharaon ! Rien ici n’a changé sous votre vieux soleil.

Malgré tout le fellah n’est pas triste…

Sur la rive boueuse du Nil, j’assistai de bon matin au défilé des ménagères porteuses d’eau, amphores sur la tête, cambrées, magnifiques dans leurs draperies en

97 - Les historiens discutent : pharaons du nord et pharaons du sud.

guenilles. Elles entrent dans le fleuve, retroussées à mi-jambe, remplissent d’eau jaunâtre leurs vases rouges. L’eau sera décantée dans les zirs en terre cuite poreuse d’1m30, dressés dans un haut trépied à l’entrée de chaque maison cubique en terre, étoilée de larges plaques de bouse, le combustible.

Abordaient juste à ce moment deux longues barques, chargées l’une d’une centaine de chèvres, l’autre d’autant de chevreaux, les unes aussi pressées de donner leur lait que les autres de le recevoir. En un clin d’œil, tout ce petit monde sauf un seul, reconnut sa mère.

Le zir

A propos des zirs (1908), pour je ne sais quels motifs, assurément injustifiés, nos Pères de là-bas n’auraient pu accepter de construire une école demandée par un clan. Le clan résolut de se venger. Le jour de Pâques, à midi, les Frères des Ecoles, instituteurs français, étaient réunis. Le Père supérieur de la Résidence et du secteur n’arrivant pas, ils se mettent à table et prennent du vin légèrement coupé d’eau, de l’eau du zir. Arrive enfin le supérieur retardé par un ministère. Altéré par une course au soleil, avant même d’entrer, il boit copieusement de l’eau fraîche du zir. Presque aussitôt, il est pris d’atroces douleurs d’estomac. Les Frères s’empressent, mais se trouvent saisis eux aussi des mêmes douleurs.

Le zir était empoisonné. Les Frères purent se rétablir. Le Père mourut le jour même. La police anglaise offrit de trouver rapidement et sûrement le ou les coupables. Pour d’excellentes raisons, la mission s’opposa à toute recherche. La charité se tût. Il est des martyrs sans auréole. Pharaons ! Pharaons !

Le dîner d’Abou Ker Kas

Moins grave fut mon grand dîner d’Abou Ker Kas, importante sucrerie (et non pas raffinerie) française près de Mirrieh, toujours en Haute-Egypte. Je comptais m’y rendre seul. Mais un bon vieux missionnaire, grand, gros, lourd, peu ingambe, hors d’usage en un mot, se mit dans la tête de m’accompagner. Il grillait de me rendre service, de me faire plaisir (que le cric le croque !). Oh je suis charitable, bien sûr,… tout de même… Enfin, tout en prévoyant la suite, j’accepte… avec un sourire charmant… de l’avoir pour guide. Moi, quand je serai vieux, si cela m’arrive… Non, passons. Il n’y avait là, disait-il, que des amis.

Le directeur, les ingénieurs, les contremaîtres, tous des français. On se retrouverait en France. Tous se disputeraient l’honneur de nous piloter… et puis, ce qui était absolument certain, nous serions invités à déjeuner. Il pourrait s’asseoir, être assis ! à table ! et causer. Ce sont des gens si bien élevés et… aimables ! Prenons simplement une pomme pour la route !

Nous prenons le train, puis la route à pied. Dans les champs ce sont des cris éperdus de chameaux qui font la navette entre les champs et les wagons tirés par je ne sais combien de locomotives petites et lentes vu le chargement. Tout converge vers l’usine. Il a plu ici, par un hasard exceptionnel, quelques gouttes qui produisent une boue grasse. Les pauvres bêtes risquent de s’écarteler en glissant. Les chameliers, dans les transes, se font paternels, très doux, et laissent leur bêtes tremblantes s’en tirer comme elles peuvent. L’usine est en émoi. C’est un des grands jours de l’année. Des millions sont en jeu.

Le personnel a été décuplé. Les chefs sont sur les dents. Les wagons se succèdent sans arrêt en se déchargeant sur des tapis roulants qui amènent la canne dans les triples cylindres broyeurs. Il en sort un liquide visqueux jaune comme de la boue, comme celle des ruisseaux après une pluie. Des appareils séparent cette boue du liquide, du jus clarifié. Au dedans des cuves en cuivre rouge et or s’escriment des demi blancs, nus comme des vers, aussi cuivrés que leurs immenses marmites grandes comme des chambres. Ils travaillent à

l’intérieur sur des échelles, poissés de mélasse des pieds à la tête (tableau à la Rembrandt).

Le jus cuit dans des chaudières closes hautes de 3 à 4 mètres dans lesquelles on enfonce des cuillères cylindriques compliquées à différents niveaux du flanc. Des thermomètres constamment surveillés surveillent la cuisson. Il faut que le liquide se cristallise en restant blanc. Le moindre manque produit une mélasse brune, donc une perte grave.

Tous les chefs, rivés à leur poste, commandent la manœuvre des hommes et du matériel. Ils nous accueillent poliment, correctement avec un rapide sourire et un geste non moins rapide qui nous indique le chemin à suivre pour assister, plus loin, aux manipulations successives. Je manœuvre moi aussi mon poids lourd, ce qui n’est pas moins compliqué. Il essaie à chaque instant de s’asseoir et d’accrocher quelqu’un de ses amis. Rien à faire. Il n’y

Tous les chefs, rivés à leur poste, commandent la manœuvre des hommes et du matériel. Ils nous accueillent poliment, correctement avec un rapide sourire et un geste non moins rapide qui nous indique le chemin à suivre pour assister, plus loin, aux manipulations successives. Je manœuvre moi aussi mon poids lourd, ce qui n’est pas moins compliqué. Il essaie à chaque instant de s’asseoir et d’accrocher quelqu’un de ses amis. Rien à faire. Il n’y

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