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Egaré en montagne

Dans le document Td corrigé Les Miettes pdf (Page 132-145)

En vacances, vers 1910, nous descendions d’une crête de 2800 mètres sur le versant Ouest du Liban, face à la mer, 25 en tout, pedibus cum jambis. Le rapide et léger déjeuner dans l’air vif, à quatre heures, n’a fait qu’éveiller mon appétit. J’ai déjà faim, mais je me sens léger comme un cerf d’Avon. Je pars en avant-garde avec le groupe des jeunes de 20 à 25 ans (j’avais moi-même 37 ans).

Vu le froid piquant, mes compagnons marchent comme des dératés, pour se réchauffer, puis s’arrêtent net, un bon moment pour ne pas perdre de vue l’arrière-garde, et repartent de plus bel, je ne sais combien de fois.

Ah non ! j’en ai assez de ces arrêts qui me glacent jusqu’aux os, alors que je suis trempé de sueur.

Pour en finir avec ce petit jeu de course et d’arrêts, je continue mon petit bonhomme de chemin. Les enragés coureurs auront tôt fait de me rejoindre.

Tiens, ils n’arrivent pas. Où sont-ils ? Ils ont dû prendre un autre sentier plus court que le mien, ils m’auront devancé. N’est-ce pas eux, en effet, que j’aperçois là-bas dans un bas fond. J’accélère la descente et je vais si bon train que je distingue maintenant ce groupe. Ce sont des moucres !

Ca y est, je suis égaré. Je suis flambé. Prenons les choses du bon côté. Bah ! La mer est là, devant moi en bas. Je n’irai toujours pas jusqu’à Marseille. Hardi camarade, alea jacta est. Ce qui se traduit en français par : « Le vin est tiré, il faut le boire. »

Une journée ou deux, tout au plus à descendre. Ma musette ne contient que mon bréviaire, une serviette qui me sert de coiffure et mon album.

Je descends, je descends, par monts et par vaux. Pas une habitation.

Naturellement je dîne par cœur. Pas une de ces succulentes tiges de charbon sauvage, haut de 1m50 dont je me suis régalé en Palestine près de Tibériade. Pas d’arbres d’ailleurs. Des rochers nus partout. Le soleil, là-haut, va son train et descend plus vite que moi. Il est déjà à l’horizon sur la mer quand j’atteins par hasard, un gros village, Akoura, à 1400 mètres d’altitude, en lisière d’un indomptable plateau couvert d’oliviers.

Le curé, catholique maronite ou grec (khoury), encore jeune, plutôt pauvre, me présente sa kouri-ya et ses 4 ou 5 jeunes enfants, 2 ans, 4 ans, 6,… 8 ans ? Exténué, je n’absorbe que peu de choses de son frugal repas, mais l’excellent café me ravigore. Lui ne sait que quelques mots de français. Un cordonnier qui s’offre comme interprète, peut bâtir quelques phrases en langage de poilu malgache.

Nous montons sur la terrasse en terre de la maison, où se dresse sur 3 ou 4 perches, pour lui et pour sa femme, un abri, tente pointue de 1m60, fait de débris d’étoffes.

La nuit arriva.

Conseil, itinéraire

Je veux absolument marcher de nuit. C’est possible, il y a désormais des routes.

C’est nécessaire vu le soleil vertical sur le versant. Je partirai à minuit exactement. J’exhibe ma montre. Suivez l’aiguille : 8…9…10…11…12. Oui, parfaitement, c’est entendu, compris, réglé. J’irai à Batroun là-bas, au Sud-Ouest.

Le Khoury : « Et le guide ? Il vous faut un guide, ce sera mon fils. » Moi :

« Votre ainé ? 8 ans ? » Lui : « Non, il en a 16. » Moi : « 16 ans ! Pour marcher nuit et jour jusqu’à Batroun ! » Lui : « Non, pas 16, je veux dire 24 ans. »

Tout de même, cette croissance rapide du simple au triple, même en Orient, me paraît vertigineuse. Un Oriental peut se tromper sur les mots, jamais sur les chiffres. Enfin…

je n’y peux rien. Mais c’est louche. Lui : « Et le prix ? » Je n’en ai aucune idée. D’ailleurs je n’ai pas un maravédis en poche. Arrivé à Batroun (petit port), je me débrouillerai. Moi :

« Fixez vous-même, j’accepte à l’avance. » Lui et le cordonnier se concertent en arabe. Il décide : « Ce sera tant. » Moi : « Soit, c’est entendu, tant. » Je croyais la chose réglée, définitive. J’oubliais que j’étais sur le 34ème parallèle. Comme je n’ai pas discuté, ils concluent que j’ai de l’or plein les poches. Ils se reconcertent et déclarent « Non, c’est tant. » Chiffre grossi. C’est à dire : tant + x. Moi : « Ah ça ! Enfin… J’accepte tant + x. » Entendu.

Réglé. Ah ouich. Ils se disent sans doute, nous avons affaire à une poire exceptionnelle, profitons-en. Ils se re-reconcertent. Lui : « Non, ce sera tant, c’est-à-dire un chiffre grossi pour la troisième fois : tant + x + y. Cette fois je réponds d’un ton sec : « Oui, Khalas (assez, n’en jetez plus). Ils sont contents. Moi aussi106. Je suis fixé. Cet aplomb invraisemblable dépasse toute mesure et m’éclaire. Il y a là une insigne mauvaise foi : Il n’y a pas plus de fils de 24 ans que de minuit arrêté. Vous ne m’aurez pas. Ce brave khoury est pauvre, il veut se faire payer son pauvre petit dîner et son excellent café. Soit, mais le procédé n’est pas digne.

Tu n’auras rien du tout. Tu t’es payé ma tête, c’est payé.

106 - Un chef bédouin qui a tué un mouton pour une bande d’excursionnistes refuse toute rémunération en public. Mais si le chef de l’excursion sait vivre, il glissera l’argent seul à seul sans difficultés.

Je m’étends tout habillé sur une couverture sur la terrasse de la conférence, à trois pas de sa tente, près de l’escalier extérieur. La fraîcheur me tient éveillé. J’ai le temps de contempler les étoiles et de m’orienter. Batroun est bien dans l’alignement de telles brillantes constellations. Réglé, définitif, les étoiles ne trompent pas.

A minuit je suis debout, lacé, ceinturé, canne en main. Je réveille mon khoury. Il s’accroupit pour palabrer. Moi : « Ton fils ? » Lui : « Il dort avec sa femme. » (sic). Moi :

« Bon, je vais le chercher ! » et je saute sur l’escalier.

J’enfile des rues dans la nuit, l’œil sur mes étoiles. Les chiens aboient de tous côtés. Ca m’est égal, je connais le proverbe : « Les chiens aboient, la caravane passe. » J’atteins la grande route. Elle s’engage sur le plateau entre les oliviers énormes. La lune éclaire faiblement, assez pour me révéler un piétion, le khoury ? qui peut-être me poursuit. Je me dissimule dans l’ombre derrière un arbre. Le danger passe et je continue.

Passe une caravane de chameaux. C’est mon affaire. Je rentre encore dans l’ombre et j’en ressort pour saisir au passage la queue du dernier chameau. Il ne proteste pas.

Son pas est allongé, peu importe, je tiens le bon bout et je mange des kilomètres.

Le soleil levant éclaire un poteau indicateur. Je lis : Tripoli à 20 ou 30 ? kilomètres. J’ai dévié vers le Nord-Ouest. Merci, aimable coursier du désert, et adieu. Je prends le premier chemin vers le Sud-Ouest. Des moissonneurs déjeunent en famille au bord du chemin. Ils me disent : « Fatt Dall » (veuillez, terme usité de politesse). Affamé, je prends le mot à la lettre ; je les aborde avec un sourire. Ils m’offrent une grosse crêpe de pain. Je n’en prends qu’un petit morceau. C’est toujours autant de gagné et cela ne les appauvrira pas.

Je bois à la régalade comme je peux, en me gardant bien de porter les lèvres à la gargoulette.

On sait vivre !107

J’approche de la mer. Le haut (180 mètres) et large promontoire de Ras Chekka me barre la route. Le contourner par la route m’allongerait de 4 à 5 kilomètres. Coupons. Il doit y avoir un adoumiyé (raccourci) de moucres, cahoteux, rocailleux, n’importe, je le trouve.

Arrivent là-bas, derrière moi des moucres à pied, avec leur jeune maître à cheval.

Je les avais déjà croisés au repos. Les moucres s’étaient montrés polis. Le jeune avait essayé de m’enlever, à titre de cadeau, ma montre et les images de mon bréviaire. N’étais-je pas un pauvre « mendigo », un moine gyrovague en rupture de monastère comme il s’en trouve au Liban. Il avait même fait mine de m’envoyer un gros caillou. Mon attitude, avec un gros caillou aussi, l’avait calmé. Je me tapis derrière un muret de vigne. J’entends fort bien : encore sous le coup de sa colère, le matamore ne parlait rien moins que de me casser la tête s’il me rencontrait à Batroun ! Le danger passa.

Enfin Batroun, petite ville, ou gros village cossu, au bord de la mer. Les religieuses d’une grande école, dirigées de fort loin par l’un de nos Pères m’accueillent, quelque peu méfiantes (12h ½). Une seule parle le français. Elles m’offrent pour repas un grand saladier de tomates, une galette de pain, de l’eau. J’y touche à peine. Exténué par 12 heures de marche, l’estomac ultra-léger, sans sommeil, presque sans arrêt. C’est alors que je ressens la dépression. Je reste étendu sur un divan, au parloir, demi-mort.

Les religieuses me trouvent, à mes frais bien entendu (elles vivaient alors avec 0,55 francs par jour chacune), une voiture à deux chevaux (toujours 2) qui fait la côte. 4 places. J’ai 45 kilomètres à suivre au bord de la mer jusqu’à Antelias, terminus.

A mi-route, le cocher nous « vend », c’est le terme du pays. Les cochers qui vont

107 - En excursion, un Père demande de l’eau à un Alaouite ? Celui-ci lui offre une gargoulette. Le Père (un théologien, c’est son excuse) porte le récipient à ses lèvres !!

Sans mot dire l’Alaouite brise devant lui la gargoulette.

en sens inverse s’entendent entre eux pour regagner leurs pénates sans nul détriment pour les voyageurs. On ne fait que changer de voiture. On ne paie qu’à l’arrivée le prix fixé au premier départ. C’est loyal.

Au bout de 40 kilomètres, j’arrive au terminus, à Antelias sur la mer. Pas un maravédis, je l’ai dit. Le cocher ne comprend rien à mes explications. Un monsieur mis à l’européenne, intervient courtoisement : « Que veut cet homme ? » me dit-il. Moi : « Il réclame son dû, le prix convenu d’ailleurs très convenable108. Je suis un des Pères de Bikfaya égaré dans une excursion, et je n’ai pas un centime. » Lui : « Bien, voici la somme, vous me rendrez cela là-haut. Je suis le pharmacien de Bikfaya, votre voisin. » Ce bon samaritain, je ne l’ai su qu’après, était, sinon un franc-maçon (il y en a beaucoup au Liban), du moins un ennemi déclaré des Pères.

Reste à bouffer,… excusez, à monter 900 mètres raides. Une paille. Vos petits rochers de rien du tout de Fontainebleau, c’est en comparaison de la « gnognote », bons pour les bourgeoises fontainbellaquoises qui croient, à Franchard, escalader le Mont Blanc, avec des « Oh ma chère », des « Ah » de pamoison admiratrice commandés par le Boedeker ou le guide Joanne en suivant prudemment (oh combien !) sous peine de mort, les traits rouges ou bleus. Pensez donc mesdames, si vous vous perdiez dans ces labyrinthes, dans ces effroyables chaos, quelle perte pour vos pantouflards de maris, mollement affalés au Café du Cadran bleu (et se souciant de votre existence comme de l’an quarante). Vos terribles rochers, minces « flutiaux », à côté d’un trombone, c’est bon pour les petits culs de jatte du collège des Carmes qui ne connaissent plus que l’avion et l’auto. Pensez donc, mesdames, s’il fallait cueillir le même jour ou 2, des fleurs équatoriales au pied du Liban et des fleurs polaires au sommet (exact). Quand on a bravé des ravins sans fond et des cimes de 3000 mètres, on peut parler ! (hum !)

Fier comme Artaban, poitrine bombée, front haut, j’entre à la résidence de Bikfaya ½ heure après les excursionnistes, le 4ème jour, au coucher du soleil, heure réglementaire. Une espèce de grande perche de Père (1m80 et le pouce), très malicieux, m’aperçoit tout d’abord et tente une raillerie. Encore essoufflé par l’escalade, je n’eus pas le temps de récupérer tout mon acquis de charité, de modestie bien connue – c’est mon fort, la modestie – et je riposte : « Pardon… Il y a parfois des accidents de montagne. » Son frère, l’année précédente, s’était tué, d’une chute dans les Alpes.

Excursion à l’Euphrate

« Sous les saules des rives des fleuves de Babylone, nous avons suspendu nos harpes et nous avons pleuré ». Ainsi chantaient les Juifs exilés, 600 ans avant notre ère. J’y vais aussi, non pour pleurer, mais pour y travailler gaiement. Hélas, j’y laisserai une larme, mais n’anticipons pas.

Donc, le R.P. Sautier, recteur magnanime de l’université de Beyrouth, soucieux du haut savoir, m’offre ce voyage, non, à titre de professeur de première, mais à titre d’anthropologiste. Des explorateurs ont signalé en Haute Mésopotamie des ateliers de silex antédiluviens.

Les plus vieilles villes du Proche Orient ne datent que de 3500, 4000, mettons 6000 ans avec N.S.109 Or, là-bas les ateliers remontent à 300 ou 400.000 ans et le pouce.

108 - Prix convenable ? Youssef dit à Elie : « Tu sais, les jésuites sont arrivés en vacances ici. » Elie : « Quoi c’est les jésuites ? » Youssef : « tu sais bien, ces abounas (Pères) qui payent toujours le double pour tout et sont enchantés d’avoir volé le marchand ! »

109 - Un savant hébraïsant d’ici arrête les chifrres à 2000 ! (la mode actuelle est aux chiffres réduits). Ces jours-ci, des Juifs fouilleurs donnent 3500 ans à une ville enfouie

Quelle joie, quel triomphe ce serait de découvrir des abris sous roche, des grottes de falaise ou même, qui sait, des os d’anthropomorphes, cousins des anthropoïdes ! Enfoncés tous les vieux rétrogrades.

Voici mon programme : je pars de Beyrouth par le train, sur la côte Sud-Nord, entre mer et Liban (3000 mètres) jusqu’à Tripoli (94 kilomètres). De là l’auto-routière entre dans l’intérieur par la coulée qui coupe la chaîne vers Homs et me conduit jusqu’à Alep, soit 260 ou 300 kilomètres environ, et d’Alep à l’Euphrate 100 kilomètres en auto.

Pendant toute une journée ou deux, du soleil levant au coucher je rechercherai, je piocherai, je trouverai. Veni, vidi, vici.

Le voyage par lui-même, ne manque pas d’intérêt. Regardez sur cette crête le Krach des chevaliers. Cette forteresse des Croisés (XIIIème siècle), merveille d’architecture militaire n’a pas d’égal en France, Gouraud ou Weygand l’acheta pour 1 million et la dégagea des gourbis. Ce nid d’aigle dresse ses énormes tours sur un rocher abrupt côté est ; Un large et profond fossé rempli d’eau protège les flancs côté terre, ouest. Il commande la montagne et la plaine sur un rayon de 30 kilomètres grâce à sa cavalerie de 300 à 400 hommes. Les chevaux pouvaient monter 4 de front par un escalier intérieur, jusqu’à l’immense plate-forme dallée. Dans la salle d’armes, voûtée comme le reste, 200 hommes pouvaient manœuvrer à l’aise. Les sculptures font de la chapelle un bijou ciselé. Un puits de plus de 60 mètres assurait l’eau. Les celliers regorgeaient de vivres. Le Krach est imprenable.

Une armée musulmane l’assiège inutilement au XIIIème siècle. Un ordre arrive, écrit en bonne et due forme : la garnison doit regagner la côte. Elle sort. Elle est aussitôt massacrée jusqu’au dernier homme. L’ordre était un faux.

Encore aujourd’hui, en plaine, les hautes murailles des habitations, sans fenêtres extérieures, avec une seule porte pour tout un village, défendent les habitants contres les bandes de pillards de toutes races. Aucune sécurité (Turcs, Kurdes, Bédouins, Métoualis,…)

Toujours en plaine, à l’ouest de Horns, on aperçoit des villages semblables à des camps carrés, aux tentes tassées, bien alignées. Ce sont des maisons coniques, partiellement enterrées comme des huttes de sauvages, avec un étage que l’on devine vers le sommet pour les provisions. Ils se défendent contre les… séismes fréquents dans la région.

Sur les cours d’eau, Nahr-El-Assi (Oronte, Sud-Nord), des roues de moulins de 8 à 10 mètres de diamètre, munies de palettes à godets élèvent l’eau jusqu’au niveau de la plaine qu’elles irriguent. Des moteurs à essence de vieilles autos que l’on déplace à volonté rendent le même service. Quand un système d’irrigation sera organisé par des techniciens, ces régions semi désertes pourront nourrir des millions d’habitants. Les berges trop creusées par les rivières torrentielles, pleines en hiver, presque vides en été laissent la stérilité à trois pas des cours d’eau.

A certaines époques des myriades de gros oiseaux blancs aquatiques se reposent en pêchant sur les rives (échassiers ou oies, canards, etc). avant de reprendre leur vol vers les lacs d’Anatolie. Ils viennent des marais du haut Nil. Ils passent parfois près de Beyrouth en direction Nord comme des fleuves aériens longs de 10 kilomètres, larges de 30m, à 50m de hauteur.

Au printemps s’abattent aussi des nuages de perdrix rouges, d’un plumage fort joli. Elles arrachent le blé en germe. C’est un désastre. Les gouvernements font appel à tous les tireurs. Exténuées par leur long vol, coriaces, elles ne valent pas le bois nécessaire pour la cuisson. Le bois est rare ici.

Quant aux sauterelles, longues comme le petit doigt, mais moins grosses, vert et jaune, elles arrivent de régions semi-désertiques à des milliers de kilomètres, très

sous la Samarie actuelle (octobre 1950).

irrégulièrement, à de longues années d’intervalle. Impossible jusqu’ici de prévoir leur venue.

On redoute surtout les œufs, et par la suite leurs larves. Pour 10 que j’abattais d’une seule pierre dans un mûrier, il en arrivait 100. Fatiguées, elles rampent, alors que les gens se hâtent de creuser un fossé dans leur jardin., elles n’en peuvent plus sortir. On les détruit plus aisément au lever du soleil alors qu’elles sont engourdies par la fraîcheur. Des nuées de cigognes les suivent pour s’en régaler. Faible secours. J’ai vu des centaines ou des milliers de ces braves aides se jucher le soir dans notre petit parc de Tanaïl. Avant de s’endormir, bien repues, elles s’offrent un concert de claquements de becs. Des avions munis de poudres ou de gaz toxiques pourraient peut être détourner les vols de ces sauterelles. On a essayé. D’autres, dans ces mêmes régions, plus petites et moins nombreuses, suivent le bord de la mer au ras du sol, pourchassées par la volaille. Les dindons eux-mêmes, lourds et solennels habituellement, semblent pris de folie. Ils s’élancent pour saisir leur proie au vol ou à terre, virevoltent, pirouettent avec des cabrioles comiques, alors que les cigognes, en ligne, grâce à leur long cou, conservent toujours leur dignité.

Entre Alger et la mer (ouest, 100 kms), d’immenses forêts annoncent les massifs boisés du Taurus. Des ravins profonds et nombreux, en les rendant inaccessibles, les ont protégées. Elles rappellent les taillis touffus et enchevêtrés de la forêt d’Avon. Cerfs et sangliers pullulent. Un soir, à la nuit tombante, notre grave Recteur, « chapeletant » près d’une source et du camp, se rencontra tête à tête avec un paisible 10 cors. Lequel sursauta d’effroi ? Ce ne fut pas le cerf. A Alep, on nous servit du sanglier. Pas de lard, tout muscle.

Les musulmans les chassent à la braconne, mais n’y touchent pas, ils les vendent aux chrétiens.

Alep, à 50 kilomètres au sud de la frontière turque, à 100 kilomètres de la côte à l’ouest, et de l’Euphrate à l’est, isolée au fond d’une large cuvette surchauffée et sèche en été, glacée et inondée en hiver, se donne pour l’illustre et fière capitale de la Syrie nord, sinon du Proche Orient. Ses 350.000 à 500.000 habitants s’estiment supérieurs à tous égards à la grenouillère de Damas (300.000 à 500.000 habitants). D’où le dicton : Alépin, taquin faquin.

Grâce à l’apport des Arméniens chassés de Turquie, les chrétiens de rite arménien, Syriens, Maronites, Grecs, Latins, catholiques ou séparés (schismatiques) l’emportent en nombre, sur les musulmans. Damas, presque tout musulman est sans cesse agitation avec coups d’état répétés, Alep est calme.

Les vieilles rues larges de 3m50, dallées, du vieux quartier chrétien, entre de

Les vieilles rues larges de 3m50, dallées, du vieux quartier chrétien, entre de

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