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Les animaux

Dans le document Td corrigé Les Miettes pdf (Page 148-154)

Frêlons

Je creusais à l’entrée d’une grotte. Ma piochette atteint un nid de frêlons. Ils m’assaillent. Je me souviens aussitôt d’un passage de Virgile. « Jetez leur de la poussière… »

En un clin d’œil tout disparut, sans retour. Pour les abeilles, faites de même. Les ailes sont atteintes116.

Moustiques

J’avais trois heures de marche pour revenir de la Montagne à Tanaïl, en plaine. Je calcule mal et me trouve, au coucher du soleil, dans un marais à demi desséché que j’avais traversé le matin au soleil, sans inconvénient.. Myriades de moustiques. Malgré ma défense à coups de serviettes (deux : une sur la tête, une en main). Je rentre à Beyrouth, 15 jours avant la rentrée des classes. On m’envoie dire la Messe dans un couvent. Tout va bien. Subitement, aux dernières oraisons, je constate : « Mais… je ne peux plus lire. » Et à l’instant, comme foudroyé, je tombe en arrière, en arc sur la tête, sur le marbre en bas des marches, sans connaissance. On me ramène éveillé en voiture au Collège, sans douleur aucune, un peu de faiblesse seulement. Journée normale. Le lendemain : messe au collège. Un peu avant le Pater, en deux secondes, sans avertissement, je tombe dans les bras du servant, sans connaissance.117 Fièvre terrible : pour les yeux des assistants, le lit secoué par les spasmes…

en fait pour moi : simple gêne et faiblesse. J’ai pu reprendre ma classe à la rentrée. Mais j’ai le microbe dans le sang, avec crises de faiblesse légère qui me joue des tours (ma tête faiblit, spécialement ces jours là). Si on a d’autres maladies, c’est plus grave.

Dans un cantonnement d’Annamites (baraques Adrian) à Beyrouth, le paludisme se déclare. Plusieurs morts à l’hôpital. Les médecins majors vont visiter le cantonnement sur une colline, sèche, aérée, saine. Tout est propre, impeccable, en ordre, même les deux tonneaux remplis d’eau, en cas d’incendie, à chaque bout des baraques ! Les règlements élaborés dans les bureaux (de Paris ?) n’avaient pas prévu qu’il faudrait, en pays chaud, recouvrir l’eau d’une légère couche de pétrole pour tuer les larves.

A Beyrouth, en 1905, nos fenêtres étaient garnies d’un treillis métallique. Depuis qu’on a supprimé les bassins qui agrémentaient les cours dans toute la ville, moustiques et paludisme (malaria) ont disparu.

L’eau courante entraîne les larves qui exigent 12 à 15 jours d’incubation. Au temps des irrigations romaines par des sources, les villages prospéraient. Les Arabes venus, les irrigations se transformèrent en marécages d’où paludisme et villages abandonnés, en ruines.

En général : le moustique est la plaie des colonies chaudes. Les très hauts salaires attirent les coloniaux. Les moustiques, non prévus dans le contrat les reçoivent.

Le remède ? Jusqu’à présent, ici, la quinine en comprimés (6) par jour, ou en poudre. On l’employait dans la Békâ, haute plaine, fiévreuse en maints endroits (le moustique se localise dans un périmètre de 1 à 2 kilomètres). La sécheresse le tue. Mais la quinine rend souvent sourd, et atteint tous les organes de la circulation, etc. Les médecins, après l’avoir prônée énergiquement, l’interdisent brusquement de la Békâ. Pourquoi ? J’ignore. Le remède sans doute était plus dangereux que le mal (?).

Pour moi, cartésien sur ce point, je n’admets pas qu’on traite l’estomac comme un alambic en lui imposant des sels bruts. Je préfère l’alcool, c’est-à-dire les liquides digestifs alcoolisés. Mon estomac est encore bon, je tiens à le conserver. A Madagascar, la quinine est en permanence sur la table, comme le sel. Ce qui n’empêche pas nos Pères de conserver le microbe. Il affaiblit le travail intellectuel. Je continue à avoir des crises, très adoucies. Je suis averti dès le réveil par un léger malaise dans les doigts et aux coudes dès que je me lève.

116 - Actuellement, on transporte les ruches en auto, là où il y a des fleurs.

117 - Un autre prêtre acheva la messe.

Les hirondelles m’ont formé parfois, en plaine, une auréole mouvante, jusqu’à 0,50 mètres du visage. Elles poursuivent les bestioles ailées. Elles rasent le sol (risque d’orage) quand celles-ci fuient les courants aériens élevés.

Les poules

Les poules sont des brutes. L’une d’elles a une patte broyée par une roue de voiture. Toutes ses compagnes se précipitent pour becqueter la plaie sanglante de l’infortunée.

Les dindes

Les dindes sont des dindes. Ignobles. De l’air le plus indifférent, en passent, elles perçent d’un coup de bec le crâne d’un jeune poulet pour se régaler.

Le rouge-gorge

Il occupe un rang supérieur dans l’animalité118. Sans doute, il cherche sa provende d’abord, mais il sait aussi qu’il peut plaire et s’attache à faire plaisir par ses gracieusetés. En Angleterre, dans notre petit parc de Cantobery (Kenntbrê) un rouge-gorge venait nous quêter pour sa nichée qu’il nous présentait quand elle était présentable. Il faisait notre joie. Que de fois je lui offris des miettes, des croûtes de fromage au bout des doigts, dans le creux de la main, dans les lèvres… Nous étions une centaine et plus de scolastiques : français (surtout), Anglais, Belges, Italiens, 2 Allemands.

L’oiseau nous faisait confiance, nul ne le prendrait en traître, question de loyauté.

Il vint se poser un jour sur une main où l’attendait sa miette. La main se referma… l’oiseau fut tué net, écrasé. Cette main n’était celle ni d’un Français, ni d’un Anglais, ni d’un Belge, ni d’un Italien…

Les hirondelles

J’avais deux (?) ans. Quand mes sœurs Rosine et Florentine étaient levées, elles me portaient dans leur grand lit à rideaux blancs ornés de fleurs coloriées. C’était royal. La petite fenêtre, au dessus du lit même, donnait sur la fontaine et sur le mur (à Parrot, le menuisier) couvert d’un épais chèvrefeuille. Les hirondelles, par vingtaines, au lever du soleil entonnaient un concert. Pas du tout un gazouillis confus, mais un vrai chant ravissnt, merveilleux. J’écoutais extasié. « Tu vois… C’est leur prière du matin. » Prier aussi bien que cela c’est difficile. Et dire que des gens se pâment de plaisir en écoutant nos grossiers instruments de musique. [J’excepte la harpe et le violoncelle, ça c’est de la vraie musique.]

Tout le monde sait que c’est un péché, et un gros, de lancer des pierres aux hirondelles. C’est laid et lâche, parce qu’elles nous font confiance en construisant leurs nids dans nos maisons, sous la main, et qu’elles sont faibles et utiles.

J’avais désobéi à ma mère en allant regarder (sans plus) les œufs d’un nid dans le mur du jardin. La maman oiseau s’était enfuie à l’écart et poussait des notes plaintives, tristes. « Tu vois, c’est ta faute, me dit ma maman à moi, cette mère oiseau va renoncer à son nid… elle pleure. » J’en avais gros sur le cœur. Pour un peu j’aurais pleuré aussi. Ma mère était heureuse de me former ainsi à la délicatesse de conscience.

Le serin

Le serin de Foucauld (il n’était pas encore ni Père, ni saint) s’étonnait de voir un pauvre hère, s’exposer à un long et périlleux voyage à travers le Maroc, avec pour tout bagage et avoir : deux serins. Il n’y comprit rien, mais nota, pour cela même, le fait

118 - Des oiseaux environnent leurs nids avec des fleurs, d’autres cousent leur nid, etc.

insignifiant. En 1914, sur le front de Montereau miné, dans l’exode qui précéda la victoire de la Marne passaient en files interminables des voitures surchargées de bagage familial avec : le serin en cage ! Cher petit trésor des humbles. Je l’ai dit plus haut, le serin est un chanteur merveilleux incompris des gros personnages, le rossignol des concierges ! Laissez dire les barbares. Cet oiseau vaut le chantre des nuits célébré par les poètes que le plumage jaune offusquerait. Se comprend-il lui même ? J’ai entendu, ici, au collège, un élève alto soulever l’enthousiasme… Il était d’une intelligence plus que médiocre, d’une sensibilité nulle. Au théatre, à Paris, une vedette affolait les foules. Des physiologues cherchèrent à quel point la pensée, le sentiment de l’artiste, correspondait à l’émotion qu’elle procurait au public. « A quoi pensiez-vous quand vous chantiez « Toréador ? » « Je ne pensais pas, je voyais les yeux noirs du taureau. » C’était une sotte. Elle ne ressentait absolument rien de ce qu’elle exprimait. Mais notre serin, à nous, bien sûr, n’était pas un sot, il se comprenait. Je n’en démordrai pas. Na ! (style Avon).

Les moineaux

(petits moines ?) Je l’avoue, j’ai un faible pour les « mogneaux » (Avon). Ce sont mes élèves, mes amis. Je les nourris chaque matin sur la margelle de ma fenêtre. Ils sont pillards, batailleurs. Soit, je leur pardonne tout. Quand une maman courageuse m’amène sa nichée, à un pas de mon bureau, sans crainte du méchant bipède qu’est l’homme, ils sont ravissants, sans peur, sans défiance encore. C’est une scène de famille.

Ecureuils

A Cantorbery, dans notre parc, les écureuils venaient visiter les poches de leurs fidèles amis.

La pie

Notre pie, à l’HoE 17/2 était une espiègle endiablée. Elle tire la queue du chaton habitué à ce jeu. Il se dégage et la prend à son tour par les plumes de la queue. Elle pousse aussitôt des cris affreux, désespérés, et appelle notre aide. On la dégage. Elle retourne à l’attaque… et recommence à crier quand c’est son tour d’être prise.

Elle entre dans ma maisonnette et dispose en un clin d’œil les prunes que je fais sécher, par taquinerie, sans y goûter. S’aperçoit-elle que vous tenez à vos papiers, elle les déchire. Elle collectionne les objets brillants, question d’art. Méfiez-vous.

Fourmi

Je donne un fragment de noix à une fourmi. Elle l’emporte. Peu après, toutes arrivent. Langage ou odeur ? On l’ignore.

Insectes

Par définition : tête, thorax, abdomen. Le soir, j’allume. Surviennent nombre de papillons gros ou petits comme un point mouvant. Merveille d’organisation. Ce point mouvant a tous ses organes.

Sauterelles

Invasions en Syrie, rares. Bien accommodées, au miel (pilées ? et cuites ? en boules), les bédouins les déclarent excellentes.119

119 - A Madagascar, le P.Berthieux (1838 – 1896) mangeait des chenilles, vers à soie, régal des indigènes (1882). Les Malgaches. Il offrit au duc d’Orléans des larves de libellules en friture (1894).

Mimi, la chatte (Avon, 1899).

Dans la cuisine, le buffet à 2 portes, souvent ouvertes, renferme les vieux linges usagés, blancs, propres, à tout faire. Mimi sait fort bien qu’elle n’a pas le droit d’y pénétrer, même pour s’y coucher. Elle a, pour ce faire, sa remise à bois et à souris. Fait elle mine d’entrer dans ce buffet, elle reçoit invariablement, inexorablement de bons coups de serviette. C’est la loi, le code formel de la maison. Mimi ne le connaît que trop bien. Aussi n’y entre-t-elle que le soir en cachette pour y passer une bonne nuit, loin des grossiers matous.

Or aujourd’hui, (1899), elle est inquiète. Mère s’en rend compte. Vers 10h, elle m’appelle : « Observe la. Elle va avoir ses petits ». Mimi cesse de se promener, et soudain, sous nos yeux, délibérément, sans crainte, passe devant nous, à moins d’un pas, saute dans le buffet, s’installe dans le coin préparé en creux pour déposer sa portée. Elle sait donc que s’il y a un code de la maison, avec sanction de coups de serviette. Il y a aussi un code des mères, et qu’il sera respecté. Elle est venue ici et non dans la remise, son domaine, parce que ses petits y seront mieux et plus en sûreté. Elle sait qu’elle ne recevra pas de coups. On lui offre du lait qu’elle accepte couchée, comme une princesse, disons : comme une malade, sans se déranger de ses chatons. Le blanc de ses yeux est strié de fines veines rouges, elle a souffert.

Mimi est très intelligente, elle connaît ses devoirs et les limites de ses droits dans la maison, bonne vue, bon flair. Et cependant ? Prenez une pomme de terre, joignez y une petite avec un bout d’allumette. Avec d’autres bouts plus ou moins longs, suivant leur rôle, simulez un bec, 2 ailes, 2 pattes, une queue. C’est un oiseau. Suspendez-le au bout d’une ligne à pêche, comme un poisson, et promenez le devant Mimi, à courte distance. Pour atteindre la proie qui lui est ainsi offerte, elle exécutera des acrobaties inimaginables sur le dos des chaises, la table, etc. C’est à mourir de rire. Finalement, livrez lui son gibier. Elle vous regarde, vous, et non l’oiseau, son triste butin, avec quels yeux de reproche : « Il n’est pas permis de se moquer des gens ainsi, c’est très mal ! »

Une galanterie de Mimi

Les félins sont altruistes. Lions et tigres, etc. partagent leur proie. Mimi ne fait pas exception. Elle est généreuse. « Viens vite, me dit Mère, regarde à travers le rideau. Hier, je lui ai donné la tripaille du lapin. C’est son dû. Elle l’a traînée hors de la cour, par la grille, a été l’enterrer au dehors dans le jardin près du poirier, là-bas. Ce matin elle a été inviter le matou du voisin, son ami. » En effet, Mimi marchait la première, à pas comptés, comme en cérémonie. Le matou à tête carrée la suivait à 4 pas. Arrivée au but, elle déterre délicatement ses victuailles, s’écarte légèrement, offre à dîner à son ami et le regarde se régaler120.

Les chats qui font la culbute

Il y a de cela plus de 100 ans, Papa Bergy (Mathurin) et maman Rose se revenaient à la nuit claire, d’une petite soirée, dîner chez des amis à saint Mamet sur Loing.

« Un chat survint et marcha devant nous en faisant des culbutes… Nous n’étions pas rassurés. Il devait y avoir là-dedans quelque sorcellerie. » J’ai assisté en 1918 à cette sorcellerie à l’Hôpital d’Evacuation de Pierrefitte sur Aire. Nous, les sous-offs, nous sortions de table, au beau soleil vers 11h1/2. Le gros chaton, bien repu, joyeux, pour nous montrer sa pleine satisfaction, marcha devant nous. Il posait sa tête inclinée sur le gazon, entre les pattes, et culbutait sur les reins totalement, comme un homme pour recommencer 3 ou 4 fois à quelques pas plus loin.

120 - Pour absorber une souris, le chat brise d’abord la tête, et avale le tout.

Poissons

A la faculté de médecine les poissons changent de bassin la nuit en se traînant dans la boue. Nous y avons des poissons 3 fois plus petits qu’un goujon, vivipares (sans œufs), importés du Maroc, très voraces contre les moustiques.

Chiens

Un bédouin étranger entre dans un campement pour affaire. Aussitôt, tous les chiens, 5 ou 6, s’élancent pour l’arrêter. Lui se garde bien d’y prêter attention, il ne les regarde même pas. Ils l’assaillent, mais sans un coup de dent à sa personne. Ils l’accrochent au bas du manteau (houppelande). Il le secoue, mais il avance sans le moindre geste provocateur. Le bâton les excite, les pierres les intimident un peu.

Les chiens à l’attache n’ont rien à craindre à condition de ne pas répondre aux provocations et en baissant pavillon, la queue. Un chien peut traverser la ville s’il se tient très humblement entre les jambes du cheval de son maître. Les chiens de quartier se livrent des batailles sanglantes par tas de 8 ou 10. Un voleur pénètre de nuit dans une chambre chez nous. Le gros chien de garde le maintint jusqu’au jour à notre arrivée par la manche. S’il y avait eu résistance, l’homme eut risqué d’être étranglé.

Chevaux

Coco, notre cheval, subtilisé aux Prussiens, dit-on, a un jour le boulet enflé. On le laisse au repos à l’écurie. Je lui mets le pied dans un seau d’eau fraîche. Il comprend qu’on le soigne et reste des heures, bien sage, le pied dans l’eau. Il a observé la manière dont les clients pour obtenir du pain tournent le bec de cane. Qu’à cela ne tienne. Pour être servi, lui aussi, il tourne la poignée sans briser la vitre, et il reçoit : des coups de serviette de mère, des croûtons de nous autres les enfants, en cachette. Il n’y a pas de justice sur Terre ! Et puis, combien de fois n’eut-il pour tout menu que des « créqu’oui » ?

Le cheval défenseur de son maître.

Dans un cantonnement, un vaguemestre avec tilbury, à quelques pas du cheval, fait signe à un camarade : « Fais semblant de m’attaquer, tu verras. Mais ne pousse pas trop loin. » L’ami commence par insulter copieusement en élevant la voix. Le cheval lève la tête attentif, mais ne bronche pas. L’ami lève la main et s’avance comme pour frapper son camarade. A l’instant, le « fidèle ami de l’homme » avance aussi sur l’homme, les dents découvertes. L’ami n’eut que le temps de se garer.

Coco vieillissant fut atteint d’hémorroïdes. On dût s’en défaire. Lui offrait-on ensemble, au choix, un seau d’eau pure et un seau d’eau de savon, il choissisait ce dernier.

Remède ?

Tel maître, tel cheval. Sans doute il est des races brutales, des individus mal éduqués dès le début, sensibles uniquement à l’avoine, à l’éperon, au fouet. D’accord. Mais de bons maîtres savent aussi découvrir des caractères délicats, là ou d’autres n’avaient rien vu. Ils les traitent en amis, avec des paroles amicales, des caresses, sans frapper, ou simplement pour conduire sans faire de mal. Ils sont payés de retour. Un bon maître sait que le cheval a une tête lourde, non seulement pour notre épaule, mais aussi pour lui-même et il sait le soulager à propos.

Flotte, après Coco, superbe jument de réforme (et cependant sans l’ombre d’un défaut) reçut pour compagnon un poney. Elle se mit à l’affectionner comme un fils. Il ne lui répondait que par des brutalités. Elle ne cessa jamais de la cajoler et gémissait quand on le sortait seul.

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