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Dans cette partie, nous consid´erons le cas d’un milieu faiblement diffusant. Exp´erimentale- ment, le milieu al´eatoire inspect´e est une tranche de gel (composition : g´elatine 5%, agar 3%) , d’´epaisseur L ≃ 100 mm et de libre parcours moyen le ∼ 1000 mm (voir Chap.IV). Dans

de telles conditions, la contribution de diffusion multiple est n´egligeable. La distance a entre la barrette et la surface du gel est de 60 mm. La proc´edure exp´erimentale et le traitement num´erique r´ealis´es sont ceux d´ecrits au paragraphe II.4.1. Un exemple typique de matrice K(T, f ) mesur´ee exp´erimentalement est donn´e sur la figure II.12. Contrairement `a ce que l’on obtient en r´egime de diffusion multiple (voir Fig.II.3), une coh´erence particuli`ere le long des antidiagonales de la matrice ˜K apparaˆıt, bien que les diffuseurs soient r´epartis al´eatoirement dans le gel. Nous allons ´etudier l’origine de ce ph´enom`ene, ainsi que son effet sur la distribution des valeurs singuli`eres.

Fig. II.12: Partie r´eelle de la matrice exp´erimentale ˜K(T, f ) obtenue au temps de vol T =265 µs et `a la fr´equence f =3,1 MHz dans un milieu faiblement diffusant (gel).

II.5.1

Coh´erence d´eterministe des signaux simplement diffus´es

Comme pr´ec´edemment, les signaux kij(T, f ) mesur´es au temps T et `a la fr´equence f cor-

respondent `a la somme d’ondes partielles qui atteignent la barrette dans la fenˆetre de temps [T − ∆t/2; T + ∆t/2], sauf que ce sont maintenant les chemins de diffusion simple qui sont sont consid´er´es. Le volume isochrone est d´efini comme l’ensemble des points qui contribuent au signal r´etrodiffus´e `a l’instant T . Il correspond ici `a la superposition d’ellipses dont les foyers sont la source i et le r´ecepteur j. En champ lointain, on peut assimiler le volume isochrone `a une tranche d’´epaisseur ∆r = c∆t, situ´ee `a une distance R = cT du r´eseau et parall`ele `a celui-ci (voir Fig.II.1). Dans un souci de simplification mais sans perte de g´en´eralit´e, nous allons supposer que les diffuseurs ainsi que les transducteurs sont ponctuels.

Dans une configuration 2D et sous l’approximation paraxiale, kij(T, f ) peut ˆetre exprim´e

de la mani`ere suivante : kij(T, f )∝ exp (j2kR) R Nd X d=1 Adexp " jk(xi − Xd) 2 2R # exp " jk(xj − Xd) 2 2R # (II.13) L’indice d repr´esente le d`emechemin contribuant au signal re¸cu au temps T . Xdest la position

transverse du diffuseur associ´e `a ce chemin d et l’amplitude Ad d´epend de la r´eflectivit´e du

diffuseur.

Exprimons kij en fonction des variables (xi− xj) and (xi+ xj). Du fait de l’approximation

paraxiale, une factorisation apparaˆıt : kij(T, f )∝ exp (j2kR) R exp " jk(xi− xj) 2 4R # | {z } terme d´eterministe Nd X d=1 Adexp " jk(xi+ xj− 2Xd) 2 4R # | {z } terme al´eatoire (II.14) Le terme plac´e devant la somme dans l’´equation II.14 ne d´epend pas de la distribution des diffuseurs. Au contraire, le terme de droite d´epend, lui, de cette distribution et est donc al´eatoire. Pour une distribution de diffuseurs donn´ee, le terme al´eatoire de l’´equation II.14 est constant le long de chaque antidiagonale, c’est-`a-dire pour les couples source/r´ecepteur (i, j) tel que i + j est constant. Quelle que soit la r´ealisation du d´esordre, il existe donc une relation de phase d´eterministe entre les coefficients de K situ´es sur la mˆeme antidiagonale :

βm = ki−m,j+m(T, f ) kii(T, f ) = exp " jk(mp) 2 R # (II.15) o`u p est l’espace inter-´el´ements. On peut noter que ce r´esultat essentiel est valide si et seulement si les deux conditions suivantes sont respect´ees : la pr´edominance de la diffusion simple et la validit´e de l’approximation paraxiale. La d´ependance parabolique de la phase le long de chaque antidiagonale pr´edite par Eq.II.15 est compar´ee sur la figure Fig.II.13 au coefficient βm

obtenu exp´erimentalement au temps T = 265 µs et `a la fr´equence f = 3, 1 MHz le long de l’antidiagonale principale (i.e i = 32). Le r´esultat exp´erimental est en tr`es bon accord avec nos pr´edictions th´eoriques. Maintenant que nous avons prouv´e la coh´erence d´eterministe des signaux simplement diffus´es le long des antidiagonales de la matrice K, son influence sur le spectre singulier de K peut ˆetre examin´ee.

Fig. II.13: Les partie r´eelle (cercles bleus) et imaginaire (cercles rouges) du coefficient βm, obtenu exp´erimentalement au temps T =265 µs et `a la fr´equence f =3,1 MHz, sont compar´ees

`a la pr´ediction th´eorique (traits continus, cf Eq.II.15)

II.5.2

Distribution des valeurs singuli`eres

Afin d’´etudier exclusivement l’effet de la coh´erence d´eterministe le long des antidiagonales de K, les autres corr´elations qui peuvent exister entre les lignes et les colonnes de K doivent ˆetre supprim´ees. Ces derni`eres sont mesur´ees en estimant le coefficient de corr´elation Γm (Eq.II.5)

et sont pr´esent´ees sur la figure II.14. Ces corr´elations s’´etalent jusqu’`a|m| = 2 dans notre confi- guration exp´erimentale. Par cons´equent, les matrices K(T, f ) mesur´ees doivent ˆetre tronqu´ees en ne conservant qu’un ´el´ement sur trois. Notons que cette op´eration ne supprime que les corr´elations entre lignes et colonnes. Comme la coh´erence d´eterministe le long des antidiago- nales est `a longue port´ee, elle n’est pas ´elimin´ee par cette op´eration. Comme pr´ec´edemment, les matrices tronqu´ees Kt(T, f ) sont renormalis´ees selon Eq.II.2. La distribution exp´erimentale

des valeurs singuli`eres obtenue est montr´ee sur la figure II.15 : clairement, celle-ci ne suit pas la loi du quart de cercle, bien que les corr´elations entre ´el´ements adjacents aient ´et´e au pr´ealable supprim´ees. Cela est dˆu `a la coh´erence d´eterministe des signaux simplement diffus´es le long des antidiagonales de ˜Kt.

A notre connaissance, ce type de matrice al´eatoire dont les ´el´ements antidiagonaux sont li´es par une relation de phase d´eterministe n’a pas encore ´et´e ´etudi´e th´eoriquement. Toutefois, ses propri´etes sont proches de celles d’une matrice de Hankel, dont le comportement spectral a ´et´e ´etudi´e r´ecemment [84]. Une matrice de Hankel est une matrice carr´ee de taille N × N, dont les ´el´ements appartenant `a la mˆeme antidiagonale (i + j = constante) sont ´egaux. Soit {ap} une suite de 2N − 1 variables al´eatoires complexes identiquement et ind´ependamment

distribu´ees. La matrice al´eatoire R, construite `a partir de cette suite de telle sorte que rij =

ai+j−1, est dite de Hankel. Nous avons v´erifi´e num´eriquement qu’une matrice al´eatoire dont les ´el´ements antidiagonaux sont li´es par une relation de phase d´eterministe pr´esente la mˆeme

Fig. II.14: Parties r´eelle (en bleu) et imaginaire (en rouge) du coefficient de corr´elation Γm (Eq.II.5) en fonction de l’entier m.

Fig. II.15: Distribution exp´erimentale des valeurs singuli`eres obtenue en r´egime de diffusion simple.

distribution de valeurs singuli`eres qu’une matrice de Hankel al´eatoire, `a condition bien sˆur que ses ´el´ements soient `a moyenne nulle et aient la mˆeme variance. Dans la litt´erature, Bryc et al. [84] ont prouv´e, pour des matrices de Hankel al´eatoires normalis´ees, la convergence presque sˆure de la distribution des valeurs propres vers une distribution universelle, d´eterministe, paire et `a support non born´e. Puisqu’une matrice de Hankel est sym´etrique, ses valeurs singuli`eres correspondent aux valeurs absolues de ses valeurs propres. Ainsi, la distribution des valeurs singuli`eres d’une matrice de Hankel al´eatoire converge elle aussi vers une distribution ρH(λ)

universelle, d´eterministe et `a support non born´e. Par la suite, la distribution ρH(λ) sera appel´ee

loi de Hankel. A notre connaissance, une expression analytique de la loi de Hankel n’a jamais ´et´e trouv´ee et seule une simulation num´erique peut nous donner acc`es `a une estimation de ρH(λ).

Sur la figure II.15, la distribution exp´erimentale des valeurs singuli`eres de ˜Ktest compar´ee `a la

loi de Hankel. Celle-ci a ´et´e obtenue par g´en´eration num´erique de matrices de Hankel al´eatoires dont on a moyenn´e l’histogramme des valeurs singuli`eres sur 10000 r´ealisations. L’accord entre les deux courbes est excellent. Ainsi, en r´egime de diffusion simple et en l’absence de corr´elations entre les lignes et les colonnes de la matrice de r´eponse, la distribution des valeurs singuli`eres suit la loi de Hankel ρH(λ). Une propri´et´e importante de cette loi est son support non born´e,

contrairement `a la loi du quart de cercle. Ainsi, en r´egime de diffusion simple, la premi`ere valeur singuli`ere ˜λ1 peut prendre en th´eorie n’importe quelle valeur positive. Au contraire, en r´egime

de diffusion multiple, ˜λ1 ne pourra jamais d´epasser la valeur maximum λmax = 2, `a condition

que la loi du quart de cercle soit effectivement respect´ee. Cette diff´erence de comportement est cruciale lorsqu’on souhaite d´etecter une cible enfouie dans un milieu diffusant, comme nous allons le voir dans le paragraphe suivant.