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Cette partie de ma th`ese a consist´e, tout d’abord, `a am´eliorer les mesures ultrasonores du coefficient de diffusion D. Grˆace `a la formation de voies en ondes planes, nous avons pu nous projeter dans une configuration champ lointain et ainsi obtenir une mesure beaucoup plus pr´ecise du coefficient de diffusion. En effet, ce passage en champ lointain s’accompagne d’une am´elioration de la r´esolution. L’affinement du cˆone de r´etrodiffusion coh´erente a ainsi pu ˆetre observ´e sur une dur´ee beaucoup plus longue que celle obtenue en champ interm´ediaire. D’autres avantages apport´es par la formation de voies ont ´et´e mis en ´evidence, notamment une meilleure r´esistance au bruit. Enfin, nous avons ´egalement montr´e que l’utilisation d’ondes planes permet d’observer le cˆone de r´etrodiffusion coh´erente dans des milieux tr`es faiblement diffusants, ce qui ´etait auparavant impossible en ´etudiant l’intensit´e obtenue en champ interm´ediaire.

Nous avons ´et´e plus loin qu’une simple am´elioration de la mesure des param`etres de trans- port de l’onde multiplement diffus´ee. Grˆace `a l’utilisation de faisceaux collimat´es, l’´etude de l’intensit´e multiplement diffus´ee a pu ˆetre r´ealis´ee en champ proche. Ceci constitue un premier pas vers l’imagerie des milieux d´esordonn´es puisque des mesures locales de D ont ainsi ´et´e ef- fectu´ees. De telles mesures ont ´et´e possibles grˆace `a une technique permettant de s´eparer le halo diffusif du pic de r´etrodiffusion coh´erente. En antisym´etrisant la matrice des r´eponses impul- sionelles de la barrette, on force le milieu d´esordonn´e `a devenir virtuellement antir´eciproque. Les interf´erences entre chemins r´eciproques deviennent alors destructives et un anticˆone est obtenu lorsqu’on ´etudie l’intensit´e en champ proche. La somme de l’intensit´e obtenue dans le cas r´eel (milieu r´eciproque) et le cas virtuel (milieu antir´eciproque) permet ensuite d’extraire le halo diffusif. Des mesures locales la constante de diffusion D sont alors obtenues. Lors d’une exp´erience prototype, nous avons ainsi mis en ´evidence des fluctuations spatiales de D li´ees `a un gradient de concentration en diffuseurs. La r´esolution de l’image finale est de l’ordre du libre parcours moyen de transport l∗.

Cette technique d’imagerie des milieux d´esordonn´es par mesure locale de D a ´et´e par la suite appliqu´ee `a l’os trab´eculaire humain. Une corr´elation importante entre les variations de densit´e dans l’os et celles de D a ainsi ´et´e mise en ´evidence. La constante de diffusion d´ependant ´egalement fortement de l’anisotropie de la diffusion, nous esp´erons que sa mesure puisse nous donner des informations quant `a la microarchitecture de l’os. Le lien th´eorique entre micro- structure d’un milieu d´esordonn´e et les param`etres diffusants de l’onde multiplement diffus´ee sera ´evoqu´ee au chapitre V. Nous avons notamment ´etabli la relation entre la fonction d’auto- corr´elation d’un milieu al´eatoire et le coefficient de diffusion D. A partir d’une image typique de microstructure d’un os trab´eculaire, nous avons estim´e le coefficient de diffusion D attendu et cette pr´ediction th´eorique est en bon accord qualitatif avec nos mesures exp´erimentales. Ce premier test est encourageant quant `a la possibilit´e de caract´eriser et d’imager la microstructure d’une tranche d’os par de simples mesures ultrasonores. Bien sˆur, la m´ethode mise au point n’est pas r´eserv´ee `a l’os et pourrait s’appliquer `a l’imagerie d’autres milieux diffusants r´eels tels que les b´etons, les aciers aust´enitiques etc.

Chapitre II

L’op´erateur matriciel de propagation

en milieu al´eatoire

II.1

R´esum´e

Dans ce chapitre, nous nous int´eressons aux propri´et´es statistiques de la matrice de r´eponse K en milieu al´eatoire, acquise en r´etrodiffusion `a l’aide d’un r´eseau multi´el´ements. L’observable ´etudi´ee est la distribution des valeurs singuli`eres de K. La r´eponse impulsionnelle entre chaque couple de transducteurs est mesur´ee et l’ensemble forme la matrice de r´eponse. Une analyse temps-fr´equence permet ensuite d’´etudier l’´evolution des valeurs singuli`eres avec le temps et la fr´equence. Les r´esultats exp´erimentaux sont compar´es `a la distribution moyenne des valeurs singuli`eres pr´edite par la th´eorie des matrices al´eatoires. Apr`es renormalisation des coefficients de la matrice, on observe un tr`es bon accord entre les r´esultats exp´erimentaux et les pr´edictions th´eoriques. Deux types de milieux al´eatoires ont ´et´e ´etudi´es : un milieu hautement diffusant pour lequel la diffusion multiple pr´edomine et un milieu faiblement diffusant pour lequel elle peut ˆetre n´eglig´ee. Dans les deux cas, les corr´elations qui peuvent exister entre les ´el´ements de la matrice constituent un param`etre cl´e. De plus, il apparaˆıt que la distribution des valeurs singuli`eres pr´esente un comportement tr`es diff´erent selon le r´egime de diffusion (simple ou multiple). Ces r´esultats sont appliqu´es `a la d´etection d’une cible enfouie en milieu diffusant.

II.2

Introduction

Depuis quelques ann´ees, la technologie multi-´el´ements est source de nombreux travaux de recherche que ce soit en acoustique (r´eseau de transducteurs), en ´electromagn´etisme (r´eseau d’antennes) ou en sismologie (r´eseau de g´eophones). Ces r´eseaux peuvent ˆetre utilis´es en trans- mission : deux r´eseaux sont plac´es `a des endroits diff´erents et peuvent communiquer entre eux. Dans ce cas, les antennes multi-´elements apportent une diversit´e spatiale qui permet par exemple d’am´eliorer significativement les performances des communications MIMO (multiple input - multiple output), notamment dans des environnements tr`es diffusants [59, 65, 66]. Ces r´eseaux multi-´el´ements peuvent ´egalement ˆetre utilis´es en r´etrodiffusion : le r´eseau est plac´e en vis-`a-vis du milieu que l’on d´esire sonder. Une onde incidente est ´emise par un ou plusieurs ´el´ements du r´eseau, celle-ci est r´efl´echie par le milieu et les ´el´ements du r´eseau mesurent en- suite le champ r´etrodiffus´e. Cette configuration est utilis´ee notamment par les ´echographes, les sonars et radars : grˆace aux r´eseaux multi-´el´ements, un traitement coh´erent (p.ex. formation de voies) peut ˆetre appliqu´e aux donn´ees enregistr´ees et une image du milieu sond´e est ainsi obtenue [67]. Cet exemple illustre l’int´erˆet de nouvelles techniques de traitement des signaux permettant de tirer le meilleur profit des mesures exp´erimentales. Quelles que soient les appli- cations (p.ex. t´el´ecommunications, d´etection, imagerie, caract´erisation etc.) et les techniques employ´ees (p.ex. formation de voies, mesures d’intensit´e, tomographie, retournement temporel etc.), toute l’information disponible est contenue dans la matrice de r´eponse du r´eseau, K. A chaque fr´equence, ses coefficients kij correspondent `a la r´eponse complexe entre les ´el´ements i

et j du r´eseau. Une fois que K est connue, tout le reste n’est que traitement du signal : il faut alors extraire les informations pertinentes, en fonction du probl`eme consid´er´e.

Au cours de cette th`ese, nous nous sommes plac´es dans une configuration de r´etrodiffusion : le mˆeme r´eseau de N transducteurs ind´ependants est utilis´e `a la fois en ´emission et r´eception. Dans ce cas, la matrice K est une matrice carr´ee de taille N×N. Cette matrice est sym´etrique si les conditions de propagation respectent la r´eciprocit´e spatiale. Grˆace notamment aux travaux men´es au laboratoire par Claire Prada et son ´equipe, il est maintenant bien connu que dans le cas de diffuseurs ponctuels, chaque r´eflecteur du milieu est associ´e `a une valeur singuli`ere de K [68, 69], tant que le nombre de diffuseurs est inf´erieur `a N et que la diffusion multiple est n´egligeable [70, 71]. Au cours de cette th`ese, nous nous sommes int´eress´es au contraire `a la matrice K dans des milieux diffusants, contenant un grand nombre de diffuseurs (>> N ) distribu´es al´eatoirement et pouvant donner lieu `a de la diffusion multiple.

Le but principal de ce chapitre est d’´etudier l’applicabilit´e de la th´eorie des matrices al´eatoires [72] (Random Matrix Theory, RMT) aux exp´eriences ultrasonores r´ealis´ees en milieu al´eatoire. La RMT a d´ej`a ´et´e largement utilis´ee en physique, en statistique et en ing´enierie. Ses domaines d’application sont nombreux, ils vont de la physique nucl´eaire [73] `a l’´etude g´en´erale des syst`emes chaotiques [74] en passant par les r´eseaux de neurones [75], les t´el´ecommunications [76], ou encore l’analyse financi`ere [77]. La RMT permet par exemple de d´eterminer la capa- cit´e de Shannon pour les communications MIMO en milieu al´eatoire [78, 79]. En physique nucl´eaire, elle permet de pr´edire les propri´et´es statistiques des niveaux d’´energie hautement ex-

cit´es des noyaux lourds [73]. Une autre application de la RMT est la s´eparation des composantes d´eterministe et al´eatoire en analyse de donn´ees multivari´ees [80, 81, 82].

Dans cette partie, la RMT est utilis´ee afin de pr´edire les propri´et´es statistiques de la matrice K. L’observable pertinente est la distribution de ses valeurs singuli`eres λi. Les corr´elations qui

peuvent exister entre les ´el´ements de la matrice K constituent un param`etre cl´e si on souhaite d´eterminer la densit´e de probabilit´e th´eorique des valeurs singuli`eres [78, 79, 80]. Nous allons ´egalement montrer que la distribution des valeurs singuli`eres diff`ere selon que l’on se place en r´egime de diffusion simple ou multiple. Alors que la fameuse loi du quart de cercle [76, 83] est bien observ´ee exp´erimentalement en r´egime de diffusion multiple, le comportement statistique de K est diff´erent en r´egime de diffusion simple : la matrice K pr´esente une distribution de valeurs singuli`eres analogue `a celle obtenue pour les matrices de Hankel al´eatoires (matrices dont les ´el´ements sont constants le long de chaque antidiagonale) [84, 85]. Ce comportement qui peut sembler curieux de prime abord, s’explique en fait par la persistence d’une coh´erence d´eterministe des ondes simplement diffus´ees le long des antidiagonales de la matrice K en milieu al´eatoire. Cette coh´erence disparaˆıt en r´egime de diffusion multiple. Ceci ouvre de nouvelles perspectives quant `a la s´eparation des contributions de diffusion simple et multiple, que nous aborderons dans les chapitres III & IV.

Dans la derni`ere partie de chapitre, nous appliquons les r´esultats de la RMT `a la d´etection de cible enfouie dans un milieu diffusant. En particulier, nous montrons que la RMT apporte une assise th´eorique n´ecessaire `a l’utilisation de la m´ethode D.O.R.T (D´ecomposition de l’Op´erateur de Retournement Temporel ) en milieu al´eatoire [68, 69]. Cette technique d´ecouverte par Claire Prada et Mathias Fink en 1994 consiste en une d´ecomposition en valeurs singuli`eres (SVD) de la matrice K. Dans le cas d’un milieu simple (faible nombre de diffuseurs, diffusion simple), chaque diffuseur du milieu inspect´e est associ´e `a une valeur singuli`ere de la matrice K (et `a l’espace propre correspondant). La m´ethode D.O.R.T peut ˆetre utilis´ee pour d´etecter, par exemple, une cible ´echog`ene enfouie dans un milieu diffusant al´eatoire. En cas de d´etection, la cible serait donc associ´ee `a la premi`ere valeur singuli`ere λ1 (i.e la plus grande). En fondant

notre analyse sur la RMT, nous introduisons un crit`ere de d´etection sur λ1, crit`ere d´eterminant

si, oui ou non, une cible est d´etect´ee. L’analyse permet ´egalement de pr´edire th´eoriquement les performances de la m´ethode D.O.R.T en terme de d´etection de cible en milieu al´eatoire, et de la comparer `a d’autres techniques. Ces r´esultats peuvent ˆetre g´en´eralis´es `a la d´etection de cible en environnements bruit´es.