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I.4 La transition de spin à l’échelle nanométrique

I.4.3 La réduction de la taille : vue d’ensemble

I.4.3.1 Les effets de surface

Avec la réduction de la taille des objets, le rapport surface sur volume augmente. Les molécules en surface ne se trouvent pas dans le même environnement que les molécules localisées dans le cœur : il en découle des inhomogénéités spatiales. Dans le cas d’un nano-objet libre, en plus d’un défaut de voisins, c’est-à-dire, du manque de liaisons due à l’absence de molécules voisines, il se produit des phénomènes de relaxations structurales avec parfois des reconstructions locales. La présence d’une matrice participe à cette mo- dification de l’environnement locale des molécules en surface en ajoutant des contraintes additionnelles ou au contraire en facilitant la relaxation de celles-ci.

Ces phénomènes ont des conséquences sur la stabilité des phases. Dans les matériaux à transition de spin, nous avons vu qu’il y pouvait y avoir une modification de la température de transition, l’apparition de transitions incomplètes et le passage d’une transition de premier ordre avec un cycle d’hystérésis à une conversion de spin. Nous avons vu que les propriétés élastiques revêtent une grande importance dans le phénomène de la transition de spin du fait de la différence de volumes et de modules élastiques entre les deux états de spin. De plus, il semble que l’état HS soit favorisé en surface, notamment du fait d’une plus faible énergie de surface. Cependant, derrière cette quantité se cachent de nombreuses contributions. Elles peuvent cependant être divisées en deux principales contributions :

— une contribution associée à la création de surface sans déformation11par augmen-

tation du nombre de molécules en surface.

— une contribution, appelée contrainte de surface, associée à la création de surface par déformation pour un nombre constant de molécules en surface.

La première contribution va dépendre de la nature des interactions (liaisons) en surface, c’est-à-dire, de l’état de spin des molécules en surface. La seconde contribution va dépendre

Figure I.20 – Variation de la température de fusion en fonction de la taille pour des nanoparticules d’indium dans une matrice d’aluminium pour deux échantillons préparés par trempe sur roue (melt-spinning) et broyeur à bille (ball-milling). La variation du point de fusion est attribuée à la cohérence de l’interface aluminium/indium. Pour le premier échantillon (en haut), l’interface formée est semi-cohérente comme il est possible de le voir sur le cliché de diffraction électronique. Une augmentation du point de fusion est observée avec la réduction de la taille. A l’opposé, dans le deuxième échantillon, l’interface est incohérente. La conséquence est une diminution du point de fusion avec la diminution de la taille [113].

de la structure du matériau (réseau de Bravais) ainsi que des contraintes extérieures agissant sur la particule et des facilités à relaxer l’énergie élastique dans les deux états de spin.

Ces effets de surface ont été observés dans d’autres transitions de phase telle que la transition solide-liquide ou la transition structurale du TiO2.

Dans le cas de la transition solide-liquide à l’échelle nanométrique, il fut observé que la fusion s’initiait en surface du fait du plus grand degré de liberté des atomes [115]. On peut le comprendre facilement à l’aide du critère de Lindemann12qui stipule qu’un solide entre

en fusion quand l’amplitude de vibration qhu2i excède environ 10% de la distance entre

les plus proches voisins. La présence de liaisons pendantes tend à augmenter l’amplitude de vibration des atomes en surface qui entreront plus facilement en fusion. La conséquence directe est une diminution de la température de fusion avec la réduction de la taille des particules [114, 116, 117]. Cependant, il a parfois été observé le phénomène inverse, où une augmentation de la température de fusion apparaît avec la réduction de la taille [113, 118]. Le mécanisme derrière cette observation est attribué au caractère cohérent de l’in- terface et aux propriétés physico-chimique de l’environnement. Il y a augmentation de

Figure I.21 – (a) Évolution de la température de fusion de l’or en fonction du diamètre des nanoparticules [114]. (b) Évolution de la température de transition en fonction du rayon de nanoparticules à transition de spin d’après le modèle nano-thermodynamique [111]. Dans les deux cas, l’évolution de la température est proportionnelle à l’inverse de la taille.

la température de fusion si l’interface est suffisamment cohérente (bon accord des para- mètres de maille) et que la matrice a une température de fusion supérieure (voir figure I.20). Dans ces deux cas, la variation de la température de fusion semble être propor- tionnelle à l’inverse de la taille de l’objet, c’est-à-dire au rapport surface-sur-volume (voir figure I.21). Dans le but de reproduire ces observations, la présence des surfaces, et donc la non-extensivité du système, fut prise en compte à l’aide de la loi de Laplace [114, 119]. Il est intéressant de remarquer que le modèle nano-thermodynamique appliqué à la tran- sition de spin prédit une évolution en taille de la température de transition analogue à la température de fusion (voir figure I.21) [111].

Dans les transitions morphologiques (solide-solide) du TiO2, les phénomènes de surface

jouent un rôle primordiales dans la stabilité des phases. Dans les matériaux massifs, il y a trois phases structurales principales : le rutile, l’anatase et la brookite. En 2002, l’enthalpie libre a été mesurée par calorimétrie pour différentes tailles de nano-objets permettant d’en déduire l’énergie de surface [120]. Il a été ainsi observé une dépendance en taille de l’état le plus stable expliquée par une minimisation de l’énergie de surface. Cette évolution de la stabilité des phases a par la suite été mieux comprise et associée à la relaxation de l’énergie en excès due à la création de surfaces [121]. Dans le cas des oxydes, les phénomènes semblent être gouvernés par des effets de compensation de charges dépendant fortement de la structure cristallographique et provoquant des modifications en profondeur du matériau.

Figure I.22 – Évolution de l’enthalpie en excès ∆H = Hnano− Hbulk(rutile) (par rapport

au rutile massif) des échantillons nanocristallins de TiO2 en fonction de leur surface.

L’enthalpie en excès provient à la fois des énergies de surface et du polymorphisme. Les phases les plus stables thermodynamiquement sont représentées en gras [120].