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les effets sur la satisfaction et sur le sentiment de justice des parties

Chapitre I : Pour les parties à la médiation obligatoire

Section 3 les effets sur la satisfaction et sur le sentiment de justice des parties

Les études récentes portant sur la satisfaction des parties dans le cadre des divers programmes de médiation sont rares. Or, il semble important, voire incontournable, de sonder les principaux intéressés afin de comprendre l’impact qu’une obligation de médiation peut

489 C. BAYLIS et R. CARROLL, préc., note 453, 291 490 D. QUEK, préc., note 79, 485

491 Halsey v. Milton Keynes General NHS Trust, préc., note 51, par. no 9 492 S.BLAKES,J.BROWNE etS.SIME,préc., note 332, p. 135

493 IBM Canada Limited v. Kossovan, préc., note 94, par. no 36 494 BAYLIS et R. CARROLL, préc., note 453, 291-292

89 avoir sur les parties, par rapport à celles qui intègrent le processus de manière volontaire. Au Canada, deux études ont été menées au début des années 2000. La première porte sur le programme ontarien495 et la seconde, sur celui de la Saskatchewan496. D’autres études aux États-Unis, en Australie et ailleurs ont aussi permis de déceler quelques éléments favorisant la satisfaction des parties et leur sentiment de justice à la suite d’une médiation imposée.

D’abord, la manière dont la médiation obligatoire est présentée aux parties est très importante quant à leur appréciation du procédé. Les justiciables seraient souvent moins satisfaits lorsque l’alternative proposée, comme la médiation, apparaît simplement comme une solution aux délais et aux coûts des tribunaux. La médiation serait alors perçue comme une justice de seconde classe497. Si les parties ont plutôt l’impression que la médiation pourra les aider et que le programme est implanté dans leur intérêt, elles auraient plus tendance à apprécier leur expérience498. La manière dont les parties sont référées à la médiation peut donc avoir un impact significatif. Ainsi, en Australie, lorsque la médiation est rendue obligatoire par un juge, le taux de satisfaction serait comparable à celui de la médiation volontaire499.

La participation des parties serait aussi un facteur déterminant. L’étude ontarienne révèle que la satisfaction des participants et le sentiment de justice qu’ils retirent de la médiation obligatoire varierait selon leur niveau de participation. Ceux qui ont pu y contribuer activement sont généralement plus satisfaits que ceux qui ont vu leur rôle occulter par leur avocat500. L’étude portant sur le programme saskatchewanais de médiation obligatoire a aussi révélé que la satisfaction était au rendez-vous même si les parties n’en étaient pas venues à un règlement501. Des résultats d’études américaines en sont arrivés aux mêmes conclusions502. Le simple fait de discuter face à face et de participer activement à la médiation procurerait aux parties un sentiment positif face à leur conflit503. Les avocats interrogés dans l’étude de

495 J. MACFARLANE, préc., note 150

496 J. MACFARLANE et M. KEET, préc., note 125

497 Lorraine EISENSTAT WEINRIB, « The role of the courts in the resolution of civil disputes », dans Rethinking Civil Justice: Research Studies For the Civil Justice Review, vol. 1, Toronto, Commission de réforme du droit de l’Ontario, 1996, p. 307, à la p. 319; S. ENGLE MERRY, préc., note 432, 2067

498 W. D. BRAZIL, préc., note 438, 754

499 G. DE PALO et al., préc., note 58, à 43 :00; G. DE PALO et R. CANESSA, préc., note 96, 725 500 J. MACFARLANE, préc., note 150, 273-274

501 J. MACFARLANE et M. KEET, préc., note 125, 690-691 502 R. L. WISSLER, préc., note 427, 577

90 MacFarlane ont vanté l’utilité de la médiation comme forme de catharsis pour leurs clients qui pouvaient s’y exprimer librement. La médiation permettait enfin de reconnaître leurs émotions et leurs intérêts par l’autre partie qui, en personne, n’apparaissait plus simplement comme une entité étrangère qui ne fait que refuser toutes leurs demandes504.

Il importe toutefois de souligner que ce ne sont pas tous les participants à l’étude saskatchewanaise qui ont vu des effets positifs à la médiation. Environ 20 % d’entre eux n’y ont vu aucun avantage direct ou indirect505. Dans des dossiers portant sur des actes de violence physique ou psychologique, certains ont même avoué que d’avoir à raconter une fois de plus leur histoire était à la fois difficile et improductif506. De plus, contrairement à la croyance populaire, la restauration des relations d’affaires n’était pas fréquente dans l’étude ontarienne, alors que peu de répondants ont soutenu que la médiation leur avait permis de rétablir des relations humaines brisées507.

La durée de la médiation aurait aussi un impact sur la satisfaction des parties. Une étude portant sur un programme de médiation obligatoire aux petites créances dans l’État du Maine a démontré que la satisfaction des parties quant au règlement conclu en médiation variait selon la durée de celle-ci. Alors que la moyenne pour résoudre un dossier en médiation aux petites créances était d’environ 25 minutes508, lorsque la médiation s’étendait sur plus de trente minutes, les parties avaient tendance à conclure une entente simplement pour en finir avec le problème509. La même étude démontrait aussi que, plus le temps avançait, plus les médiateurs avaient tendance à mettre de la pression sur les parties pour régler510. Ainsi, une médiation qui traine en longueur ou dont le résultat est trop influencé par les propositions du médiateur a plus de chance d’entrainer une insatisfaction chez les participants, même en cas de règlement. En effet, il faut évaluer plus que le taux de règlement pour avoir une idée de la satisfaction des parties, puisque la signature d’une entente n’est pas nécessairement synonyme de satisfaction. Dans les cas où les médiateurs font des recommandations aux parties, par

504 J. MACFARLANE, préc., note 150, 264-265 505 J. MACFARLANE et M. KEET, préc., note 125, 691 506 Id.

507 J. MACFARLANE, préc., note 150, 264; voir aussi : C. A. MCEWEN et R. J. MAIMAN, préc., note 11, 249 508 C. A. MCEWEN et R. J. MAIMAN, préc., note 11, 255

509 Id., 259-260; voir aussi : R. L. WISSLER, préc., note 427, 582 510 C. A. MCEWEN et R. J. MAIMAN, préc., note 11, 260

91 exemple, un taux de satisfaction moins élevé peut en ressortir même si une entente est conclue511.

Un autre élément qui semble modifier la satisfaction des parties serait la taille du barreau de section et la fréquence à laquelle les avocats travaillent ensemble. Les résultats de l’étude ontarienne ont révélé que la satisfaction des parties et de leurs avocats était généralement plus grande dans la région d’Ottawa par rapport à celle de Toronto où le barreau compte plus de membres et où la collégialité est moins présente512. Malgré cette distinction, la majorité des personnes interrogées dans les deux régions ont affirmé être satisfaites de l’issue de la médiation513.

Toutes ces études semblent révéler des taux élevés de satisfaction variant selon certains critères. On ne peut donc pas affirmer que la satisfaction des parties diffère grandement de la médiation volontaire à la médiation obligatoire uniquement à cause du mode d’entrée dans le processus. La satisfaction ou l’insatisfaction des parties est souvent liée à d’autres causes comme l’attitude du médiateur ou de leur avocat, la présentation de leur obligation de médiation, la durée de la médiation et la situation spécifique dans laquelle elles se trouvent.

Il convient toutefois d’être prudent dans l’évaluation d’un programme simplement par la satisfaction des participants. Bien qu’il s’agisse d’un élément important à son succès, il n’est pas nécessairement synonyme de justice. Se fier uniquement à ce critère pourrait entrainer de graves conséquences, notamment en ce qui a trait à la protection des droits des parties et à la place de la justice dans la société. L’évaluation du succès d’un programme de médiation peut prendre plusieurs formes. David Luban en suggère quelques une :

« Minimally, we might say that a negotiation succeeds if it does not break down without producing a settlement. But we can easily devise more ambitious criteria: that the parties are satisfied, or equally satisfied, with the outcome, that an informed and impartial third party is satisfied with the outcome, that it duplicates the so-called shadow verdict (the outcome a fair court would arrive at) less litigation costs, that its outcome is consistent with morality or with public values, etc.

511 Roselle L. WISSLER, « Court-Connected Mediation in General Civil Cases: What We Know from Empirical Research », (2002) 17 Ohio St. J. On Disp. Resol. 641, 700

512 J. MACFARLANE, préc., note 150, 315-316

513 Megan MARRIE, « Alternative Dispute Resolution in Administrative litigation : a Call for Mandatory Mediation », (2010) 37-2 Advoc. Q. 149, 156-157

92 In a simple and well-known example, Rich and Poor are offered

$1,000 to divide as they will, provided that they agree on a division. Rich offers Poor $100, threatening to walk if Poor doesn't accept; since Rich can afford to make good on the threat, and Poor needs the money, Poor accepts. On the first, minimal, criterion listed above, this is a successful negotiation because it produced an agreement. Indeed, it may be successful on the "equal satisfaction" criterion as well, if $100 gives Poor the same level of satisfaction that $900 gives Rich. On others, it is not. If simple equality is an important social value, only a $500/$500 split would be satisfactory; if public policy is strongly redistributive, or if we are (or should be) committed to the Biblical and Marxist principle "to each according to his need," a $50/$950 split may be a successful outcome. Depending on the notion of success at work, different empirical conditions would likely have to be met for negotiation to succeed. »514

Ainsi, la satisfaction des parties ou l’atteinte d’un règlement ne peuvent pas toujours, à elles seules, assurer qu’un programme de médiation accomplit l’objectif d’offrir une meilleure justice aux parties. Il faut donc regarder le programme de médiation dans son ensemble pour juger de son succès.

514 D. LUBAN, préc., note458, 402-403

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