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Chapitre III : Sur le système judiciaire

Section 2 les effets sur les délais

En évaluant l’économie de temps, on analyse souvent deux catégories de dossiers séparément : ceux qui arrivent à s’entendre en médiation et ceux qui n’y parviennent pas.

613 S. GUILLEMARD, préc., note 39, 221; A. MASOOD et B. BILLINGSLEY, préc., note 121, 27; C. A. MCEWEN et R. J. MAIMAN, préc., note 11, 267

614 Trevor C.W. FARROW, Civil Justice, Privatization and Democracy, Toronto, University of Toronto Press, 2014, p. 223

615 U. BOETTGER, préc., note 423, 37 et 43; Kimberlee K. KOVACH, « Lawyer Ethics in Mediation: Time for a Requirement of Good Faith », (1997-1998) 4 Disp. Resol. Mag. 9, 11; D. S. WINSTON, préc., note 70, 189, 199- 203 et 206; A.ZYLSTRA, préc., note 480, 90-93

616 EDITORS NOTE, préc., note55, 1094-1095; MichaelaKEET,« The Evolution of Lawyers’ Roles in Mandatory Mediation: A Condition of Systemic Transformation », préc., note 147, 321

111 Alors qu’on peut facilement constater que l’économie de temps est réelle dans la première catégorie, elle ne saute pas aux yeux pour la seconde.

Lorsque les parties s’entendent en médiation, elles n’auront pas à attendre plusieurs mois, voire des années avant d’être entendues par le tribunal617, puis avant que leur jugement ne soit exécuté. Leur conflit peut être réglé bien avant et en moins de temps à l’aide de la médiation. La durée de la médiation, tout comme celle du procès, peut varier. Aux petites créances, elle peut parfois avoir une durée plus longue que le procès618. Par contre, le sentiment pour les parties d’avoir pu s’exprimer pleinement est généralement plus grand à la suite de la médiation619. Dans la plupart des dossiers civils, elle ne s’étendra pas au-delà d’une demi-journée, voire d’une journée620. L’étude menée dans le Cobb County aux États-Unis a d’ailleurs démontré qu’une médiation réussie avait une durée moyenne d’un peu plus de 3 heures621. Aux petites créances, on parle généralement d’une demi-heure ou d’une heure en moyenne622. Bien entendu, certains dossiers complexes peuvent requérir une médiation de plus longue durée, mais on peut spéculer que ces mêmes dossiers nécessiteraient des procès s’étendant sur une plus longue période aussi.

Restent alors les cas où les parties n’arrivent pas à s’entendre en médiation. Des études menées en Caroline du Nord, en Californie et en Ohio portant sur des programmes de médiations liées à la cour, mais pas forcément obligatoires, ont démontré que, malgré l’impression positive que laisse la médiation à ceux qui y participent, les avantages de ces programmes ne se traduisent pas nécessairement par une diminution des dossiers et des délais dans les tribunaux623.

On a souvent suggéré que dans les cas où la médiation n’aboutissait pas à un règlement, les parties n’ont fait que perdre leur temps et leur argent, et dans certains cas, que

617 COUR DU QUÉBEC, Rapport Public 2015, préc., note 24, p. 22-40; COUR DU QUÉBEC, Statistiques sur les dossiers de petites créances en 2016, préc., note 24; COUR SUPÉRIEURE DU QUÉBEC, préc., note 24, p. 31-32 618 C. A. MCEWEN et R. J. MAIMAN, préc., note 11, 255

619 Id.

620 A. STITT et al., préc., note 5, à la p. 457

621 B. EDWARDS, préc., note 11, 318-319. L’étude démontre aussi que les chances de succès d’une médiation augmentent de 7,54% à chaque heure que dure la médiation.

622 C. A. MCEWEN et R. J. MAIMAN, préc., note 11, 255 623 B. EDWARDS, préc., note 11, 285

112 la médiation a retardé le processus judiciaire inutilement624. Ce serait d’autant plus vrai lorsque les parties sont obligées de poursuivre la médiation alors qu’il est clair que l’une ou l’autre refuse de négocier625. Ces affirmations doivent cependant être tempérées, puisque, dans beaucoup de cas, les lois et les règlements entourant la médiation obligatoire ont été adoptés afin de s’assurer que celle-ci ne retarderait pas le procès en cas d’échec des négociations626. Au surplus, la médiation obligatoire, même si elle n’aboutit pas à une entente finale, aiderait les parties à cerner leur différend plus tôt et à accélérer le processus de négociation qui commence souvent trop tard627.

L’augmentation des délais peut aussi être le résultat de la création de litiges parallèles portant sur le degré de participation requis des parties ou à l’exécution d’une entente adoptée sans le consentement totalement libre des parties628. Ces nouveaux litiges peuvent avoir des conséquences sur le système judiciaire entier s’ils viennent encombrer les tribunaux davantage. Il faudrait toutefois se garder d’être trop alarmistes. Des programmes de médiation obligatoire comme celui de l’Alberta n’ont pas ressenti ces effets négatifs et ont plutôt vu une réduction marquée des délais pour les tribunaux en général et une diminution du temps d’attente pour les autres procès et les procédures administratives liées à ceux-ci629. En effet, les dossiers qui se règlent en médiation permettent d’alléger les délais judiciaires pour ceux qui n’y arrivent pas en libérant l’horaire des juges.

À cet effet, l’étude de 2011 sur l’impact de la médiation dans certains pays de l’Union européenne révélait que même avec un faible taux de règlement, il était tout de même bénéfique d’opter pour la médiation obligatoire, puisqu’elle améliorait les délais630. Pour qu’il soit avantageux d’imposer la médiation pour le système judiciaire, il suffirait, en Belgique qu’au moins 9 % des dossiers se règlent, alors qu’un taux de seulement 4 % serait suffisant en

624 T. C.W. FARROW, préc., note 614, p. 223; P. G. MAYR et K. NEMETH, préc., note 585, à la p. 88; S. VETTORI, préc., note 446, 374; Gu WEIXIA, « Civil Justice Reform in Hong Kong : Challenges and Opportunities for Development of Alternative Dispute Resolution », (2010) 40 Hong Kong L.J. 43, 56

625 D. S. WINSTON, préc., note 70, 196 626 T. J. STIPANOWICH, préc., note 468, 861

627 M. MARRIE, préc., note 513, 156-157; J. MACFARLANE, préc., note 150, 290; D. S. WINSTON, préc., note 70, 189

628 Supra, note 615; A. ROŞU, préc., note 430, 123 629 S. HUNT MCDONALD, préc., note 536, p. 3-4

113 Italie631. Ainsi, après avoir observé précédemment les taux de règlement des différents programmes, la médiation apparait comme un choix avantageux à ce titre. Même si le nombre de règlements n’impressionne pas toujours autant en médiation obligatoire qu’en médiation volontaire, le recours à ce mode de PRD reste un outil de taille pour réduire les délais dans nos institutions judiciaires.

Encore une fois cependant, les résultats contradictoires des études qui s’appuient sur des comparaisons différentes et des réalités variables ne permettent pas d’évaluer l’avantage véritable de la médiation obligatoire. Ainsi Barry Edwards, après avoir analysé différentes études sur l’impact de divers programmes d’encouragement aux modes de PRD dans plusieurs États américains, en vient à la conclusion que l’impact de ces programmes sur les tribunaux eux-mêmes est limité :

« It is difficult to demonstrate the overall effect of courtconnected mediation programs on court dockets for a number of reasons. When a case settles in mediation, one may only speculate whether the parties would have continued to trial but for the mediated settlement. If mediated settlements are more durable than involuntary resolutions from litigation, one would expect to see long- term benefits in docket management from a concerted court effort to facilitate voluntary settlements. »632

Les différences entre les programmes ne permettent donc pas d’affirmer que la médiation obligatoire, de manière générale, est avantageuse pour les parties. On décèle tout de même une certaine tendance à réduire les délais et les coûts pour les parties, ou du moins, à ne pas les augmenter inutilement633.

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