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Le degré de participation requis et les sanctions imposées en cas de non-conformité

Chapitre II : Les conditions relatives à l’implication des participants

Section 3 Le degré de participation requis et les sanctions imposées en cas de non-conformité

Le degré de participation qui est imposé aux parties peut varier d’un programme à l’autre. Au Canada, il y a peu d’exigences à ce titre. La seule présence des parties suffit pour remplir son obligation de participation827. Bien que certains règlements demandent aux parties de prendre part à la médiation de bonne foi, aucune sanction précise n’est prévue828. On met plutôt l’accent sur la capacité de la personne présente : elle doit être en mesure de signer une entente si les parties en arrivent à un règlement829. En Italie, lorsque les parties se retirent du processus de médiation, le médiateur propose une solution à leur différend. Si elles rejettent la solution proposée par le médiateur et que celle-ci est identique au jugement rendu plus tard, le juge pourra en tenir compte lors de l’attribution des dépens830. En Australie, le niveau de participation est généralement laissé à la discrétion des parties, mais celles-ci ont l’obligation d’entreprendre de véritables tentatives pour régler le conflit831. Par exemple, une partie qui propose la médiation, mais qui n’y assiste pas ne pourrait pas prétendre à avoir véritablement tenté de résoudre le conflit. Enfin, au Royaume-Uni, certains mécanismes permettent de punir une partie qui ne participe pas à la médiation quasi obligatoire, mais les pénalités quant au degré de participation dans la médiation elle-même ne semblent pas encore présentes832.

826 W. L.F. FELSTINER, préc., note 451, 73-74

827 Loi de 1998 sur la Cour du Banc de la Reine, préc., note 90, art. 42 (1.3) et (1.5)

828 Art. 2 al. 1 C.p.c.; Règlement établissant un projet pilote de médiation obligatoire pour le recouvrement des petites créances découlant d’un contrat de consommation, préc., note 83, art. 16 al. 2; Mediation Rules of the Provincial Court - Civil Division, préc., note 283, art. 9

829 Loi de 1998 sur la Cour du Banc de la Reine, préc., note 90, art. 42 (1.5); Règles de Procédure civile (Ont.), préc., note 89, art. 24.1.1; Notice to Mediate (General) Regulation, préc., note 296, art. 16; Matsqui First Nation v. Canada (Attorney General), préc., note 116, par. no 8; J. MACFARLANE, préc., note 150, 245-246

830 Decreto legislativo, préc., note 219, art. 13

831 Civil Dispute Resolution Act 2011, (Cth) préc., note 117, art. 11, 12(1) et 13

832 Civil Procedure Rules 1998, préc., note 333, Pre-action conduct and protocols, par. no 13-16;

Burchell v. Bullard, préc., note 354; Jarron & Anor v. Sellers, préc., note 354; P4 Ltd v. Unite Integrated Solutions plc, préc., note 354; S. BLAKES,J.BROWNE etS.SIME,préc., note 332, p. 104, 119, 133 et 134

146 La participation dans la médiation est importante. Sans elle, le processus peut devenir inutile. Ceux qui participent de bonne foi à une médiation ont plus de chance d’en arriver à une entente et de profiter des bienfaits du processus que ceux qui se présentent en médiation, mais refusent d’y prendre part réellement833. Il peut donc être avantageux d’imposer un certain seuil de participation afin d’assurer la collaboration de chacun. Or, nous l’avons évoqué plus tôt, le niveau de participation qui est exigé peut avoir un effet sur la volonté des parties et sur le sentiment de satisfaction qu’elles retirent de la médiation834. L’imposition d’un niveau de participation trop élevé risque de compromettre le caractère volontaire d’une entente entre les parties835.

Selon David Winston, la simple exigence de bonne foi relève d’un concept qui est trop abstrait pour être appliquée correctement836. Ce qui constitue la bonne foi peut varier d’une personne à l’autre837. De plus, cette exigence contribue à juridiciser et judiciariser un processus qui se veut informel à la base838. Comme le souligne Ulrich Boettger,

« Because legal terms and legal procedures will be used to understand the good-faith term, mediation will be further institutionalized. In the end, mandatory mediation will be efficient for average civil cases, but it will be more difficult to adapt mediation procedures to the individual needs of parties. Party empowerment will fade away while liti- mediation will continue to grow, if good faith is forced on participants instead of trying to convince parties and attorneys to participate. »839

En plus d’inculquer des comportements litigieux aux parties dans le cadre de la médiation, une obligation de participation de bonne foi nuirait à l’autodétermination des parties840.

Et le problème de l’exigence de participation de bonne foi va encore plus loin. Pour être efficace, elle doit aussi être susceptible de pénalité en cas de non-respect. Cette exigence risque donc de faire augmenter le nombre de recours aux tribunaux qui ont simplement pour

833 J. MACFARLANE, préc., note 150, 265 834 A.ZYLSTRA, préc., note 480, 70 835 D. S. WINSTON, préc., note 70, 199 836 Id., 197

837 Id., 198; U. BOETTGER, préc., note 423, 17-24 838 U. BOETTGER, préc., note 423, 12 et 15 839 Id., 15

147 but d’évaluer si le degré de participation d’une partie était suffisant841. Dans ce contexte, la flexibilité et l’informalité de la médiation peuvent difficilement se marier avec une interprétation uniforme de l’obligation de bonne foi842.

De plus, pour évaluer la participation, il faut parfois briser la promesse de confidentialité que la médiation met de l’avant. Un médiateur pourrait se voir forcé de dévoiler les discussions qui ont eu lieu au cours d’une séance afin de prouver la bonne ou la mauvaise foi d’une partie843. Kimberlee Kovach propose que le médiateur remplisse un formulaire où il identifierait certains comportements des parties associés à la mauvaise foi lors de la médiation844. Mais, encore une fois, cette idée nuirait à la neutralité du médiateur dès lors qu’il deviendrait le juge de la bonne foi des parties plutôt que leur conciliateur845. Une exigence trop élevée risque donc de nuire à la confidentialité et à l’absence de formalisme de la médiation pouvant lui faire perdre son essence. Une obligation de « participation significative » ne résoudrait pas le problème non plus846. Demander aux parties d’atteindre un niveau de participation qui doit s’évaluer de cette manière, peu importe les termes utilisés, ne répondrait pas aux impératifs de confidentialité et d’efficacité. C’est ainsi que Winston soutient que « [t]he participation standard in a mandatory mediation statute should encourage, but not require, interactive participation between the parties »847.

Même si les auteurs ne s’entendent pas tous sur le degré de participation qui devrait être exigé des parties, quelques règles de base se dessinent tout de même. Pour être efficace, il doit d’abord être clair848. Il doit aussi pouvoir être évalué objectivement et sans avoir à s’immiscer dans la séance de médiation elle-même.

À cet effet, on doit impérativement exiger la présence physique des parties lors de la séance de médiation849. On devrait également requérir que la partie qui se présente en

841 U. BOETTGER, préc., note 423, 37; D. S. WINSTON, préc., note 70, 198 et 200; A.ZYLSTRA, préc., note 480, 90-91

842 U. BOETTGER, préc., note 423, 16 et 33 843 Id., 26-29; D. S. WINSTON, préc., note 70, 200 844 K. K. KOVACH, préc., note 615, 11

845 U. BOETTGER, préc., note 423, 39; A.ZYLSTRA, préc., note 480, 95-97 846 D. S. WINSTON, préc., note 70, 198-199

847 Id., 199 848 Id., 201

148 médiation ait un réel pouvoir de régler l’affaire850. Le fait d’avoir une partie en mesure de prendre une décision sur-le-champ augmente grandement les chances de succès de la médiation. La disponibilité par téléphone ou les instructions données à un représentant n’offriraient pas les mêmes avantages. La partie qui est présente physiquement lors de la séance de médiation pourra mieux apprécier les intérêts de l’autre partie, les changements d’orientation des discussions et bénéficier de l’effet de catharsis de la médiation851. La présence de l’avocat devrait aussi être requise afin de démontrer sa confiance dans le processus852.

Au surplus, on devrait exiger des parties qu’elles se préparent adéquatement pour la séance de médiation. Cette préparation est extrêmement importante, bien qu’elle puisse représenter une augmentation des coûts et du temps que les parties consacrent à leur dossier. Même si la médiation n’aboutit pas à un règlement, la préparation restera utile pour le procès, alors pourquoi s’en priver853? Il est facile d’évaluer objectivement si une partie s’est préparée pour la médiation, notamment par l’échange de certains documents. En Ontario, par exemple, les parties doivent produire un exposé des questions de faits et de droits en litige, de leurs positions, de leurs intérêts et fournir certains documents854. Un auteur suggère aussi que l’on demande aux parties de soumettre chacune une offre qui devra être considérée par l’autre partie855. Ce sont là quelques exemples d’une préparation susceptible d’être évaluée objectivement avant que les parties n’intègrent la médiation.

Avec des exigences claires et susceptibles d’évaluation objective en tête, on pourrait songer à des pénalités en cas de non-respect qui se traduisent par l’imputation des frais de justice à la partie fautive. La partie qui aura pris le temps de se préparer et de se présenter en médiation, en plus d’y attribuer les ressources financières nécessaires, pourra alors être compensée par la partie qui n’a pas pris le processus au sérieux. Il s’agit là d’une mesure d’équité qui est facilement justifiable856.

850 D. S. WINSTON, préc., note 70, 201-202

851 Thompson v. Freeman, 2008 CanLII 41174 (ON S.C.)

852 EDITORS NOTE, préc., note55, 1096; R. MOREK, préc., note 780 853 D. S. WINSTON, préc., note 70, 203

854 Règles de Procédure civile (Ont.), préc., note 89, art. 24.1.10 855 D. S. WINSTON, préc., note 70, 195 et 202

149 La règlementation entourant la médiation obligatoire doit permettre aux parties de faire un choix quant à l’issue de la médiation qui n’est pas influencée par les contraintes qu’un refus de régler pourrait entrainer857. Dans tous les cas, non seulement il faut que les règles soient claires pour les juristes, mais aussi pour les parties. Il ne faut pas que le justiciable ressente une pression pour mettre un terme à ses demandes uniquement en raison des conséquences financières que pourrait lui imposer un juge. Cela irait à l’encontre de l’aspect volontaire de la médiation et nuirait à la légitimité du processus.

La présence des parties, leur capacité de prendre une décision et la préparation de certains documents avant la médiation peuvent donc constituer des critères de participation souhaitable. Ces critères permettent d’évaluer la conduite des parties avant que ne débute la médiation, sans que cela n’ait d’effet sur leur comportement pendant celle-ci858.

Et pour les cas où la médiation se fait par référence discrétionnaire par un juge, celui-ci devrait expliquer clairement aux parties les attentes qu’il a quant à leur degré de participation dans la médiation pour éviter toute ambiguïté859.

Zylstra propose aussi certaines mesures qui pourraient être employées par les médiateurs afin d’augmenter la participation des justiciables. Par exemple, l’exigence de bonne foi pourrait être incluse dans l’entente de médiation. Cela permettrait de mettre la table et d’établir les règles du jeu dès le départ pour les parties860. D’un autre côté, l’importance que les parties accordent à cette entente de médiation n’est pas toujours très grande. Cette proposition a donc peu de chance d’avoir un impact significatif. Les différentes techniques de médiation comme le caucus et l’ajournement pourraient cependant être utilisées pour favoriser la bonne foi de tous861. Selon certains, le fait que les parties aient à assumer elles-mêmes les honoraires du médiateur pourrait aussi les inciter à participer plus activement à la médiation862.

857 Id., 206

858 D. QUEK, préc., note 79, 496

859 U. BOETTGER, préc., note 423, 43; A.ZYLSTRA, préc., note 480, 100 860 A.ZYLSTRA, préc., note 480, 100

861 Id.

150 Plusieurs avenues peuvent donc être envisagées pour encourager les parties à s’investir pleinement dans la médiation, mais si une évaluation de leur participation est requise, il doit être possible de la faire avant le début de la médiation afin de ne pas influencer les décisions qu’elles prendront lors du processus. Il reviendra au médiateur, et aux avocats des parties de trouver des solutions pour assurer une participation adéquate des parties.

Section 4 : La prise en compte des différences culturelles et les autres mesures pour favoriser

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