• Aucun résultat trouvé

Les effets attendus d’une exposition à une situation de saillance de mortalité

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 151-155)

LES FONDEMENTS THEORIQUES DE LA RECHERCHE

Section 5. L’exploration de nouvelles pistes de recherche

1. Les effets attendus d’une exposition à une situation de saillance de mortalité

1.1.La saillance de mortalité et la conscience de l’inévitabilité de sa propre mort

Les chapitres 1 et 2 nous ont permis d’aboutir à une définition de la saillance de mortalité, ainsi qu’à une distinction conceptuelle indispensable entre cette notion centrale dans cette recherche et d’autres concepts tels que la conscience de l’inévitabilité de la mort,

l’anxiété face à la mort et l’attitude à l’égard de la mort. Précisons bien que malgré un manque de clarté sur la distinction entre l’idée de sa propre ou l’idée de la mort en général, lié essentiellement à un manque de recherche dans la littérature française, nous avons fait le choix de définir la saillance de mortalité comme un rappel de la perspective de sa propre mort, et non de l’idée de mort en général.

Chaque individu sait pertinemment qu’il va mourir, mais n’est pas pour autant obsédé en permanence par cette idée. Les pensées liées à l’idée de sa propre mort émergent lorsqu’il est confronté à une situation ou des images qui lui rappellent l’idée de sa propre mortalité.

Ainsi, la situation de saillance de mortalité est définie comme un rappel de la perspective de sa propre mort. Plus spécifiquement, il s’agit d’une situation suscitée par un stimulus de rappels de l’idée de sa propre mort. Nous reprenons la définition de la saillance (Landragin, 2004) pour préciser qu’une situation donnée sera dite saillante selon deux dimensions : sa dimension physique (i.e. selon ses composantes physiques) et sa dimension cognitive (i.e.

selon la perception de l’individu en situation). La dimension cognitive de la saillance de mortalité laisse donc envisager des différences individuelles dans la façon d’appréhender la saillance de mortalité et donc dans ses effets potentiels.

De plus, la conscience du mourir est le propre de la nature humaine (Pascal, Les Pensées). La définition de la conscience de Damasio (2002) permet de discerner : (1) la conscience noyau, propre à n’importe quel être vivant possédant un besoin inné de préservation de soi dans l’instant ; (2) la conscience étendue, propre à l’homme en tant qu’être pensant, qui fait référence à la temporalité, c’est-à-dire à la capacité de se projeter dans le passé et l’avenir (Conche, 1980). Ainsi, la TMT fait référence à ces deux types de conscience pour aborder le besoin inné de préservation de soi et la conscience de l’inévitabilité de la mort et pour envisager l’impact de la saillance de mortalité.

Ces éléments précités nous permettent d’envisager ici que la situation de saillance de mortalité, à travers ses différentes composantes, réactive de façon ponctuelle et situationnelle une conscience de l’inévitabilité de la mort qui pré-existe en permanence, notamment dans le cadre de la conscience étendue. Notons que la conscience de l’inévitabilité de la mort renvoie à la fois à la vulnérabilité de l’être humain via son corps (soi physique) et à la perspective de disparition de soi (soi symbolique) (Conche, 1980). Ce mécanisme de réactivation de la conscience de fin de vie semble cependant dépendre de différences individuelles dans la façon de percevoir la situation de saillance de mortalité.

1.2.La saillance de mortalité et l’anxiété existentielle

Si la saillance de mortalité réactive la conscience de l’inévitabilité de la mort, reste à s’interroger sur les émotions suscitées par cette même conscience. Selon Damasio (2002), la conscience de soi et l’émotion sont inséparables : c’est grâce à la conscience de soi que l’individu perçoit une émotion. Nous pouvons ainsi envisager que la conscience de l’inévitabilité de la mort, réactivée par la situation de saillance de mortalité, est susceptible de susciter un ensemble d’émotions. La revue de littérature proposée laisse largement sous entendre que les émotions négatives, parmi lesquelles figurent évidemment la peur et l’anxiété, sont les principales réactions affectives à la conscience de sa propre mort. Les travaux de Becker (1973) notamment sont indiscutables sur ce sujet, tout autant que les recherches sur la TMT qui ont vu le jour par la suite. Ainsi, pour les théoriciens de la TMT, le besoin de préservation de soi associé à la conscience de l’inévitabilité de la mort créé une anxiété existentielle propre à l’homme.

L’une des questions centrales de cette recherche porte sur ce lien entre la conscience de l’inévitabilité de la mort et l’anxiété existentielle ressentie. Deux questions se posent alors : d’une part, l’anxiété existentielle ne peut-elle pas avoir d’autres sources que la saillance de mortalité ? d’autre part, la saillance de mortalité suscite-elle nécessairement une anxiété existentielle ?

La première question permet de s’interroger sur les déterminants de l’anxiété existentielle. Comme cela a été précisé dans la revue de littérature (section 2), il existerait diverses formes d’anxiété existentielle. Alors que pour Becker (1973), l’anxiété liée à la mort serait l’anxiété existentielle fondamentale, responsable de plusieurs comportements, pour d’autres (Yalom, 1980 ; Tillich, 1956 ; Fromm, 1941) tous les problèmes existentiels ne peuvent être réduits à la mort qui apparaît alors comme un problème existentiel parmi d’autres, tels que l’insignifiance, l’absurdité ou l’incertitude du monde (Frankl, 1967 ; Laing, 1967 ; Tillich, 1952), l’isolement et la solitude de l’individu (Buber, 1923 ; Fromm, 1956).

Cette approche suppose donc que, tout comme les rappels de la mortalité, des rappels liés au manque de sens peuvent susciter une anxiété existentielle. L’une des explications possibles serait que les rappels de la mortalité portent en eux justement des idées liées à la perte de sens (Lifton, 1976). Conche (1980) insiste d’ailleurs sur la mort comme étant l’événement destinal et précise que l’homme, via son corps, est totalement soumis à la nature et voué à la finitude et ainsi, est en situation d’insécurité permanente. Bien qu’il n’existe pas de

consensus parmi les auteurs sur la question de savoir si la mortalité est l’unique antécédent de l’anxiété existentielle, nous adoptons l’approche de Becker qui consiste à penser que les considérations liées à la perspective de fin de vie sont des considérations fondamentales qui suscitent l’anxiété existentielle en suggérant d’autres problèmes existentiels. D’ailleurs, certaines recherches montrent qu’une variété de menaces existentielles portant sur le sens ou l’incertitude sont susceptibles de susciter une accessibilité des pensées liées à la mort (Hayes, Schimel, Arndt et Faucher, in press), accessibilité qui s’estompe après un délai (Schimel, Hayes, Williams et Jahrig, 2007).

La seconde question consiste à se demander si l’anxiété existentielle est l’unique conséquence possible en réponse à une situation de saillance mortalité, comme le soulignent les théoriciens de la TMT. Nous pensons notamment que les rappels de la mortalité peuvent dans certains cas ne pas susciter autant d’émotions négatives. L’approche philosophique (section 1) montre d’ailleurs que parfois la mort est appréhendée comme une nouvelle naissance. Cicirelli (1998) s’est intéressé au lien qui existe entre le sens donné à la mort et la peur de la mort démontrant que selon la signification attribuée à la mort, celle-ci est susceptible de susciter plus ou moins d’anxiété. Ainsi, l’auteur a mis en évidence quatre facteurs principaux de la conception de la mort : une transmission (permettant de laisser une trace de son existence), une deuxième vie (dans laquelle on retrouve ses proches disparus), une fin (la fin de la vie, de ses rêves, de ses espoirs) et une motivation (la mort offre des possibilités de vie, lui donne du sens et permet de fixer des objectifs à atteindre). La dernière forme génère logiquement moins de peur que les trois premières. Il est possible de l’associer à des émotions positives comme l’intérêt (au sens de Frerickson), l’enthousiasme, la stimulation ou la détermination. Ayant atteint une forme d’acceptation de la vie (section 2), les individus âgés sont alors susceptibles de ressentir des sentiments de satisfaction et d’accomplissement en situation de saillance de mortalité.

Pour conclure sur ce point, notre approche souhaite compléter celle des théoriciens de la TMT. Sans nier l’anxiété existentielle ressentie en situation de saillance de mortalité, nous pensons en effet que ce n’est pas la seule et unique réaction affective possible et que, sous certaines conditions et selon les effets de certaines variables modératrices (telles que l’âge notamment), la situation de saillance de mortalité est susceptible de susciter des réactions émotionnelles de nature et d’intensité variables. Or, dans la perspective de l’autorégulation (section 3), en situation de saillance de mortalité, les émotions suscitent des besoins à satisfaire, qui donnent lieu à des motivations comportementales selon des buts à atteindre. Le

point suivant est consacré aux motivations suscitées par la situation de saillance de mortalité sous l’angle de l’autorégulation.

2. Les effets attendus de la saillance de mortalité sur les motivations et les stratégies

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 151-155)