• Aucun résultat trouvé

Des stratégies distinctes : approche versus évitement

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 158-162)

LES FONDEMENTS THEORIQUES DE LA RECHERCHE

Section 5. L’exploration de nouvelles pistes de recherche

2. Les effets attendus de la saillance de mortalité sur les motivations et les stratégies mobilisées

2.4. Des stratégies distinctes : approche versus évitement

La motivation à l’action en réponse à une situation de saillance de mortalité suscite l’adoption de stratégies comportementales. La stratégie se définit alors comme un ensemble

de cognitions et de comportements conscient, flexible (susceptible d’évoluer selon les situations), orienté vers un objectif à des fins d’autorégulation. Dans une situation donnée, la stratégie révèle ce que l’individu considère comme prioritaire dans sa vie et les moyens mis en œuvre pour atteindre les objectifs fixés.

Notre recherche s’attache à étudier un modèle qui permette d’intégrer des éléments de la TMT et de la théorie de l’orientation régulatrice (TOR) sur la base également des éléments fondateurs de la SDT. Dans ce cadre, si les recherches sur la TMT se fondent sur le besoin de préservation de soi via des mécanismes de défense extrinsèques symboliques, la SDT apporte un élément plus positif axé sur des aspirations expérientielles propres à l’individu.

En ce sens, nous cherchons à mettre en évidence l’impact de la saillance de mortalité sur le cadrage situationnel des individus, de sorte que la saillance de mortalité suscite l’adoption ou la réactivation d’un type de stratégie plutôt qu’un autre.

McGregor, Gailliot, Vasquez et Nash (2010) ont démontré que la plupart des réactions de défense suscitées par la saillance de mortalité peuvent être attribuées à une évolution d’un focus de prévention vers un focus de promotion, et ce d’autant plus parmi les individus ayant une forte estime de soi. Face à une menace, l’individu modifierait l’objet de son attention sur des aspirations abstraites liées au futur, plutôt que sur des devoirs ou des obligations immédiates. Ils peuvent ainsi focaliser leur attention sur des buts qui ne sont pas bloqués directement par la menace, i.e. par la perspective de fin de vie. McGregor, Gailliot, Vasquez et Nash (2010) ont d’ailleurs démontré qu’après la situation de saillance de mortalité, les participants affirment être plus déterminés par la poursuite de leurs objectifs personnels. Ce résultat s’est avéré vrai pour des individus ayant un niveau d’estime de soi particulièrement fort : l’estime de soi est alors positivement corrélée à la stratégie d’approche et à l’activation comportementale, alors qu’elle est négativement corrélée à la stratégie d’évitement et à l’inhibition comportementale (McGregor, Gailliot, Vasquez et Nash, 2010).

Face la saillance de mortalité, nous envisageons deux stratégies distinctes (au niveau inconscient) qui peuvent être mises en place par les individus.

(1) Une stratégie d’évitement axée sur la prévention (Higgins, 1997) : parce que l’individu doit faire face à une anxiété existentielle, il peut adopter un système motivationnel aversif (Shah et Higgins 1997) lui permettant de se distancer de ce qui est négatif, source de stress et qui échappe à son contrôle, dans un souci de vigilance.

Sur la base du besoin de préservation de soi, l’individu est motivé à maintenir des niveaux adaptés d’estime de soi et à se protéger de pertes potentielles qui peuvent

l’éloigner de son état désiré (Higgins, 1997). Les besoins recherchés selon cette stratégie peuvent être alors le besoin de sécurité, de prévention, d’ordre, de sens, de contrôle et de stabilité.

La motivation d’évitement permet de tenter de réduire l’anxiété existentielle via des moyens qui permettent de repousser d’éventuels résultats négatifs (manque de sécurité, manque de protection, manque de contrôle).

(2) Une stratégie d’approche axée sur la promotion (Higgins, 1997) : face aux rappels de sa condition d’être mortel, l’individu peut chercher avant tout à maximiser ses compétences et ses capacités pour atteindre ses objectifs dans le temps qui lui reste à vivre. Il sera susceptible alors de rechercher ce qui est positif, ce qui a du sens et est auto-déterminé (Shah et Higgins, 1997). Ces objectifs sont donc fixés en fonction de ce que le soi recherche. Les besoins recherchés selon cette stratégie peuvent être alors la stimulation émotionnelle positive, la satisfaction, la gratification immédiate, les gains et récompenses et l’accomplissement de soi. La stratégie d’approche est donc la mise en œuvre d’un ensemble de comportements qui permettent de renforcer ses capacités et ses compétences.

La motivation d’approche permet à l’individu de s’isoler de l’anxiété existentielle ressentie (Gable et Jones, 2008 ; Jones et Gable, 2009 ; Jones, Harmon-Jones, Fearn, Sigelman et Johnson, 2008 ; Klinger, 1975). Elle est ainsi particulièrement pertinente dans des domaines qui sont totalement éloignés de la menace de mort car elle apporte un moyen de porter son attention et son enthousiasme sur autre chose. En ce sens, l’anxiété ressentie sera moins gênante car elle devient voilée par l’objectif d’obtention des buts individuels fixés. Les individus peuvent alors tenter d’approcher leurs idéaux en simplement renforçant leur engagement envers eux (McGregor et Little, 1998). Ils sont d’ailleurs résistants à la désillusion et à l’habitude car ils ne peuvent jamais être totalement atteints (Klinger, 1977). Dans cette perspective, face à la saillance de mortalité, l’individu se tourne directement vers ses idéaux pour lesquels il se sent confiant et qui font sens pour lui, avec vigueur et ténacité (Heine, Proulx et Vohs, 2006 ; Hogg, 2007 ; McGregor, Zanna, Holms et Spencer, 2001 ; Peterson, 1999), ce qui lui permet de réduire l’anxiété existentielle ressentie.

Ces deux stratégies sont envisagées comme étant des mécanismes de défense face à la saillance de mortalité. Précisons à cet égard un élément important : notre approche n’est pas d’envisager une opposition entre ces deux stratégies, mais plutôt leur indépendance, de

sorte que la mobilisation de l’une n’ait pas d’incidence sur la mobilisation de l’autre (Gray, 1991). Reste alors à s’interroger sur la possibilité pour un individu de combiner les deux.

Nous pensons que dans un contexte situationnel (comme tel est le cas ici, en situation de saillance de mortalité), l’une des deux stratégies est prédominante par rapport à l’autre. Deux éléments soutiennent cette approche : l’un lié aux émotions, l’autre aux objectifs personnels fixés.

Concernant les émotions, des recherches montrent que les émotions positives et négatives sont deux dimensions distinctes, guidées par des systèmes motivationnels distincts, plutôt que des opposés d’un continuum affectif (Fredrickson et Branigan, 2001 ; cités par Leary et Tangney, 2003). Des éléments issus de la neuro-anatomie et de la neurochimie soutiennent ces propositions (Ashby, Isen et Turken, 1999). Il est indéniable que les individus recherchent un affect positif et ont besoin de cet affect pour être heureux.

Cependant, la motivation à l’obtenir est très souvent moins intense que la motivation à éviter un affect négatif. Il existe d’ailleurs une tradition théorique qui consiste à considérer que l’évitement de l’affect négatif est une motivation plus forte et plus convaincante que la recherche de l’affect positif (Dollard et Miller, 1950 ; Lewin, 1935). Nous pensons que cet aspect est problématique lorsqu’il s’agit d’étudier les motivations dans un cadre situationnel, du fait des particularités liées à la situation de saillance de mortalité.

Concernant les objectifs fixés, Mischel (1968) précise que ce sont les objectifs personnels qui guident les comportements individuels lorsque les individus établissent leurs priorités. Plus spécifiquement, les objectifs seraient organisés en structure de telle sorte que certains se révèlent plus importants que d’autres. Il insiste également sur le fait que cette structure ne soit pas immuable : dans une situation donnée, l’individu peut très bien privilégier tel objectif plutôt qu’un autre, selon ce qui lui semble plus important sur le moment. Nous adoptons en ce sens l’approche proposée par Walter Mischel (1968) selon laquelle, dans une situation donnée, il existerait une interaction entre la situation (ici la situation de saillance de mortalité) et les traits de personnalité.

Si les deux voies proposées sont des mécanismes de défense indépendants envisagés en situation de saillance de mortalité, dans quel(s) cas un individu sera susceptible de mobiliser l’une des deux stratégies ? La revue de littérature apporte quelques éléments à ce sujet qui constituent des pistes centrales de cette recherche. Du fait de l’objet de recherche (la perspective de la mort), nous nous concentrons en particulier sur les variables liées à l’âge chronologique et au processus de vieillissement.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 158-162)