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On a vu succinctement au chapitre3.3.4que l’effet Sunyaev-Zel’dovitch cin´etique (kSZ) ´etait provoqu´e par effet Doppler du mouvement d’ensemble du gaz chaud d’´electrons dans les amas de galaxies par rapport au fond diffus cosmologique. Dans cette section, nous allons d´ecrire comment le kSZ peut permettre de d´etecter les baryons manquant ainsi qu’´etudier la formation des structures via l’´etude du champ de vitesse cosmique.

Probl`eme des baryons manquants

Nous avons introduit au premier chapitre la densit´e de baryon Ωb. Celle-ci est d´etermin´ee

avec pr´ecision `a partir du spectre du CMB ainsi qu’avec la nucl´eosynth`ese primordiale. Cependant, en observant les galaxies et le gaz chaud qui les entoure, on ne d´etecte que 10% des baryons (voir par exemple [Bregman 2007]). Des simulations de formation des structures, incluant de nombreux processus astrophysiques, ont permis de pr´edire qu’une partie de ces baryons manquants ´etaient sous la forme d’un gaz intergalactique de temp´erature T ≈ 106 (WHIM : Warm Hot Intergalactic Medium) [Cen et Ostriker

1999; 2006]. Les observations dans le domaine du X et dans le visible, par Chandra, Hubble, XMM-Newton etc. ont confirm´e l’existence de ce WHIM.

Contrairement `a l’effet tSZ, dont l’intensit´e d´epend de la temp´erature du gaz ionis´e, et qui est donc sensible aux structures de haute densit´e et haute temp´erature, mais peu sensible au WHIM, l’effet kSZ est sensible `a tout le gaz ionis´e, quelque soit sa temp´erature. L’observation de l’effet kSZ dans les amas devrait permettre de contraindre la quantit´e de WHIM pr´esente [Hern´andez-Monteagudo et Sunyaev 2008; Shao et al. 2011].

Vitesse des amas

Dans le cas de th´eories de la gravitation modifi´ee, ou dans la phase r´ecente o`u l’´energie noire domine, la formation des structures est modifi´ee. De nombreuses exp´eriences sont en d´eveloppement pour contraindre la physique de l’´energie noire (voir le rapport DETF : Dark Energy Task Force [Albrecht et al. 2006]). Durant leur formation, les structures ont des vitesses particuli`eres dues `a l’effondrement gravitationnel. Cette vitesse va ˆetre une information compl´ementaire `a la r´epartition spatiale des structures. Les relev´es `a grande ´echelle utilisent aujourd’hui le d´ecalage spectral pour d´eterminer la distance des structures, l’information sur la vitesse particuli`ere est alors d´eg´en´er´ee avec la vitesse due `a l’expansion. Une solution serait d’avoir une mesure ind´ependante de la mesure de distance, par exemple pour les supernovæ ou les C´eph´eides, dont on peut pr´edire la magnitude absolue, la magnitude apparente nous permettant alors d’estimer la dis- tance. Cependant, cette mesure souffre de nombreux effets syst´ematiques aux d´ecalages spectraux concern´es (voir par exemple Courteau et Dekel [2001] pour une revue des tentatives pass´ees de mesure).

Certaines th´eories proposent comme alternative `a l’´energie noire une inhomog´en´eit´e de notre univers, remettant ainsi en cause l’une des bases th´eoriques de la cosmologie mo- derne (cf. Clarkson [2012] pour une revue). Nous serions dans une sous-densit´e qui ex- pliquerait l’apparente expansion acc´el´er´ee de notre univers. Dans ces th´eories, la vitesse des amas relativement au CMB est donc importante.

L’effet kSZ ´etant un traceur direct de la vitesse des amas de galaxies selon la ligne de vis´ee, son utilisation a ´et´e propos´ee pour reconstruire le champ de vitesse cosmique [Haehnelt et Tegmark 1996a] et en particulier dans le cadre de l’´etude de l’´energie noire

[Bhattacharya et Kosowsky 2008;Hern´andez-Monteagudo et al. 2006].Zhang et Stebbins

[2011] ont aussi propos´e d’utiliser l’effet kSZ pour mesurer le flux cosmique `a l’´echelle du Gpc, et ainsi tester le principe d’homog´en´eit´e de l’univers `a grande ´echelle.

8.1.1 Techniques de d´etections

L’effet kSZ est tr`es faible pour les amas typiques, et son spectre d’´emission est celui d’un corps noir. Les techniques standard de s´eparation de composantes sont donc impuissantes pour l’extraire du CMB.

– Certaines techniques de s´eparation de composantes, utilisant la corr´elation avec l’effet tSZ et l’information non-Gaussienne, permettent d’extraire le kSZ de cartes dans des cas id´eaux sans bruit et sans avant-plans [Forni et Aghanim 2004]. Ces m´ethodes pourront ˆetre appliqu´ees sur les donn´ees de futures missions satellite.

– L’´etude du monopole du kSZ (c’est `a dire un signal uniforme sur le ciel) dans le cadre des mod`eles inhomog`enes a permis de contraindre fortement ces mod`eles [Planck

Collaboration 2014b;Zhang et Stebbins 2011].

– L’´etude du dipˆole du kSZ : Kashlinsky et al. [2008] ont annonc´e avoir d´etect´e un dipˆole significatif dans le signal kSZ des amas lointains (O(102) Mpc : z = 0.1− 0.2),

remettant en cause le principe d’homog´en´eit´e de l’univers. D’autres ´equipes ont eu des r´esultats en contradiction [Keisler 2009;Planck Collaboration 2014b].

– La corr´elation du kSZ avec le champ de vitesse cosmique estim´e `a partir des distri- butions de galaxies peut permettre la d´etection de l’effet kSZ [Ho et al. 2009]. En utilisant la th´eorie lin´eaire de perturbations (LPT : Linear Perturbation Theory), on peut reconstruire le champ de vitesse `a partir du champ de densit´e. Avec cette tech- nique, le mouvement d’ensemble des galaxies proches a ´et´e mesur´e par Lavaux et al.

[2013] `a 90% de confiance. Une m´ethode adapt´ee utilisant ce principe a ´et´e propos´ee [Li et al. 2014], et pr´edit une d´etection `a plus de 7σ avec les donn´ees du satellite Planck et le catalogue MaxBCG de Koester et al.[2007].

– L’estimation par impulsion relative moyenne. La premi`ere d´etection claire de l’effet kSZ utilise les paires d’amas, dont le rapprochement par attraction gravitationnelle g´en`ere un signal kSZ d´ependant de la distance [Hand et al. 2012]. C’est cette m´ethode qu’on utilisera dans ce chapitre, en utilisant les donn´ees Planck et SDSS.

– Sayers et al. [2013] ont d´etect´e pour la premi`ere fois l’effet kSZ directement sur une source individuelle : un des sous-amas de l’amas MACS J0717.5+3745 se d´eplace `a une vitesse de 3450± 900 km s−1 par rapport au centre de masse de l’ensemble.

– Calabrese et al. [2014] ont r´ecemment propos´e une m´ethode pour d´etecter la puis-

sance `a haut multipole cr´e´ee par le kSZ produit `a la fin de la reionisation (effet Ostriker–Vishniac [Ostriker et Vishniac 1986]). Si on parvient `a nettoyer toutes les contributions des avant-plans par s´eparation de composantes, la seule puissance res- tante est celle du CMB et du kSZ. Or on peut `a partir de la polarisation du CMB pr´edire avec pr´ecision le spectre de la temp´erature. Pour les exp´eriences de type CMB- S4 [Abazajian et al. 2013], il est alors possible de d´etecter le kSZ `a 15σ, et contraindre la physique de la reionisation.