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Les anisotropies secondaires

Le fond diffus cosmologique d´ecrit jusqu’`a pr´esent suppose qu’il n’a pas interagi depuis son ´emission `a la surface de derni`ere diffusion. En r´ealit´e, l’´evolution de l’univers pendant son trajet va le modifier. Dans cette section, on va principalement d´ecrire les anisotropies secondaires en temp´erature.

3.3.1 Reionisation

Dans la p´eriode qui suit la recombinaison (les ˆages sombres), l’univers est principale- ment empli d’hydrog`ene neutre, et de quelques atomes l´egers. Cependant, ceux-ci vont s’agglom´erer autour des surdensit´es de mati`ere, et former des nuages denses. Dans ces nuages vont se former les premi`eres ´etoiles (de population III), des galaxies naines, ainsi que les Quasars1. Ces sources vont ´emettre des photons au del`a de l’´energie d’ionisation

de l’hydrog`ene [Gunn et Peterson 1965]. On a alors un univers fragmentaire (patchy) form´e de bulles ionis´ees autour des sources.

Lorsque cette reionisation a lieu, pour z ≈ 6 − 15, la densit´e d’hydrog`ene est faible. Cependant, une partie des photons du CMB va diffuser, et on a un amortissement du spectre de puissance par un facteur e−2τ, o`u τ est la profondeur optique des ´electrons. L’amplitude du spectre observ´e est donc Ase−2τ. La reionisation a aussi un impact

important sur la polarisation et ajoute de la puissance `a bas ` (cf. par exemple Dor´e et al. [2007]).

3.3.2 Effet Sachs Wolfe int´egr´e

Lorsqu’un photon traverse une structure massive, il interagit gravitationnellement : en entrant dans le potentiel, il subit un d´ecalage gravitationnel vers le bleu, et en sortant, un d´ecalage vers le rouge. Si ce potentiel est en ´evolution, comme c’est le cas en pr´esence d’´energie noire, qui acc´el`ere l’expansion et fait donc d´ecroitre ce potentiel, il va y avoir un effet net sur le photon. Les photons du CMB apparaissent plus chauds lorsqu’ils croisent des r´egions sur-denses, et moins chauds pour les r´egions sous-denses [Sachs

et Wolfe 1967]. C’est l’effet Sachs-Wolfe Int´egr´e (SWI) tardif. Il existe aussi un effet

SWI pr´ecoce, si la mati`ere ne domine pas encore compl`etement apr`es le d´ecouplage. La pression radiative fait d´ecroitre les potentiels sous l’horizon sonore, et on a donc effet autour du premier pic acoustique.

∆TSWI TCMB = 2 Z η0 ηrec dη∂Φ ∂η , (3.28)

o`u Φ est le potentiel gravitationnel et η le temps conforme (int´egr´e ici entre la re- combinaison ηrec et aujourd’hui η0. L’effet SWI permet d’´etudier l’´energie noire puisque

l’expansion acc´el´er´ee va diluer les potentiels gravitationnels r´ecents, on a donc un surplus de puissance `a grande ´echelle. Cet effet est difficile `a s´eparer des fluctuations produites `

a la recombinaison, mais on peut le d´etecter par corr´elation crois´ee avec les structures [Crittenden et Turok 1996].

L’effet prenant en compte l’´evolution non lin´eaire de la formation des structures, qui cr´ee une ´evolution du potentiel gravitationnel, et donc un effet analogue au SWI, est appel´e effet Rees-Sciama.

1. Ces objets seraient des trous noirs super-massifs r´esultant de l’effondrement de nuages d’hydrog`ene deO(109)M

. Les ph´enom`enes d’accr´etion de mati`ere autour du trou noir produisent de la lumi`ere tr`es

3.3.3 Lentillage faible

Les photons du CMB subissent des d´eviations par les structures lors de leur parcours depuis la surface de derni`ere diffusion, de l’ordre de 20, coh´erentes sur quelques degr´es. Elles ont pour effet d’adoucir les pics acoustiques, de g´en´erer de la puissance dans le spectre `a haut multipˆole et de convertir les modes E de la polarisation en mode B. Ce dernier effet a ´et´e d´etect´e et caract´eris´e par des observations au sol [Hanson et al. 2013;

The POLARBEAR Collaboration 2014].

On peut mesurer le lentillage directement `a partir de sa statistique (essentiellement grˆace `a la fonction `a 4-points), ou en faisant de la corr´elation crois´ee avec les relev´es des grandes structures, aux z o`u l’effet est attendu. On peut alors estimer une carte du potentiel de lentillage, ainsi que son spectre de puissance [Planck Collaboration 2013g]. La mesure du lentillage d´epend de ΩΛ et Ωm de fa¸con diff´erente du CMB. Il permet de

lever certaines d´eg´en´erescences ; le spectre de puissance du lentillage est li´e `a l’amplitude du spectre primordiale, on va donc pouvoir lever la d´eg´en´erescence As− τ. Il va aussi

permettre de lever la d´eg´en´erescence Ωk− ΩΛ [Stompor et Efstathiou 1999].

Figure 3.6 – Cartes non-gaussiennes, simul´ees avec le PSM.

3.3.4 Effet Sunyaev Zel’dovitch

Les amas de galaxies, form´es au cours de la structuration progressive de l’univers, peuvent atteindre des masses de ≈ 1015M

. Au sein de ces amas, une partie de la

masse se trouve sous la forme de gaz ionis´e diffus, ´emettant dans les X. Les ´electrons libres de ce gaz vont r´eagir avec les photons du CMB par interaction Compton inverse. C’est ce qu’on appelle l’effet SZ [Sunyaev et Zeldovich 1970;1972]. On pourra se r´ef´erer aux revues par Carlstrom et Birkinshaw [Birkinshaw 1999;Carlstrom et al. 2002].

La section efficace de cette interaction est celle de la diffusion de Thompson σT. La

profondeur optique int´egr´ee sur la ligne de vis´ee l est donc : τ = R neσTdl. Pour un

tSZ

L’effet tSZ (thermal Sunyaev Zel’dovitch) est dˆu `a l’agitation thermique des ´electrons, `

a la temp´erature Te = O(keV), ce qui correspond `a une ´emission dans les rayons X.

Pour les amas tr`es massifs, les ´electrons peuvent ˆetre relativistes, on parle alors de tSZ relativiste. Les photons du CMB `a une temp´erature TCMB(z) vont interagir avec

ce gaz chaud `a la temp´erature Te, et par thermalisation, ils vont globalement gagner

de l’´energie. Cette diffusion est d´ecrite par les ´equations de Kompaneets [Kompaneets 1956]. La distorsion spectrale est alors donn´ee par :

∆IνtSZ I0 = y x 4ex (ex− 1)2  x(ex+ 1) ex− 1 − 4  , (3.29) o`u x = k

BTCMB, et y est le facteur de Comptonisation :

y = Z neσT kBTe mec2 dl , (3.30)

o`u me est la masse de l’´electron. Iν est la loi d’´emission du corps noir du CMB (3.2) et

I0 = 2(kBTCMB)

3

(hc)2 . L’effet sur la temp´erature est alors :

∆TtSZ T = y  x(ex+ 1) ex− 1 − 4  . (3.31)

La d´ependance spectrale est repr´esent´ee figure3.7. Cette d´ependance permet d’extraire l’effet SZ des cartes de CMB pour d´etecter des amas, ainsi que le SZ diffus.

On peut remarquer que cet effet ne d´epend que de la temp´erature de l’amas et la densit´e d’´electrons, int´egr´es sur la ligne de vis´ee. ´Etant ind´ependant du d´ecalage spectral, cet effet est utile pour d´etecter des amas lointains, alors que l’´emission X de tels amas est d´ecal´ee vers le rouge, ce qui rend difficile la d´etection. L’effet tSZ est aussi utilis´e pour faire du comptage d’amas, sonde qui sert principalement `a contraindre les param`etres Ωm et σ8 (on pourra se r´ef´erer `a la th`ese de Matthieu Roman [Roman 2014]).

kSZ

L’effet kSZ (kinetic Sunyaev Zel’dovitch) est quant `a lui dˆu au mouvement d’ensemble des ´electrons du gaz chaud par rapport au r´ef´erentiel du CMB, qui provoque une dis- torsion spectrale par effet Doppler. Dans la limite non-relativiste, on a :

∆IkSZ ν I0 =−vl cτ x4ex (ex− 1)2 , (3.32)

o`u vl est la vitesse selon la ligne de vis´ee. L’effet sur la temp´erature est :

∆TkSZ

T =−

vl

Chapitre 3. Le fond diffus cosmologique 60

– la différence d’intensité spécifique introduite par l’amas dépend simplement du pa- ramètre y qui est proportionnel à Tene.

Remarquons, pour finir, que l’expression de l’effet SZ thermique ne fait pas intervenir le redshift z de l’amas diffusant. Cette propriété fait de l’effet SZ thermique un moyen de détection d’amas de galaxies lointains prometteur. Seul l’effet géométrique de taille angulaire de l’amas sur le ciel rentre en jeu. Un amas résolu, situé près de nous, sera donc détecté plus facilement que le même amas (toujours résolu) placé à un redshift plus grand. Si l’amas est non résolu, l’effet de dilution du flux de l’amas dans le lobe instrumental avec le redshift intervient.

Fig. 2.3: Dépendance spectrale des effets SZ thermique et cinétique. A gauche en terme de ∆Iν

I0 et

à droite en ∆Tcmb. La courbe rouge et pleine donne la distorsion spectrale de l’effet SZ

thermique non relativiste, la courbe bleue en tiret celle de l’effet SZ cinétique. J’ai choisi un

amas de profondeur optique τ = 10−2 et de température kTe= 5 keV soit y ∼ 10−4. La

vitesse particulière radiale a été fixée à vr = 1.000 kms−1, valeur volontairement élevée,

pour rendre la comparaison avec l’effet thermique plus facile.

2.2.2 L’effet SZ cinétique

L’effet SZ cinétique est dû au mouvement d’ensemble des électrons de l’amas dans le reférentiel du fond diffus cosmologique. Il dépend donc de la vitesse particulière de l’amas, vitesse exprimée dans le référentiel du CMB (comobile). Les vitesses attendues des amas dans ce référentiel sont relativement faibles (de l’ordre de 500 kms−1). L’amas de galaxies

en mouvement dans le référentiel du CMB ne perçoit pas un rayonnement isotrope. La diffusion Compton inverse sur les électrons tend à réuniformiser ce rayonnement. Ainsi un observateur au repos dans le référentiel du CMB verra au contraire une variation d’intensité dans la direction de l’amas. C’est un effet purement dipôlaire du rayonnement du CMB. L’expression de la distorsion spectrale induite par cet effet SZ sur le CMB est obtenue en annexe. L’amplitude de l’effet SZ cinétique est environ un ordre de grandeur plus faible que celle de l’effet SZ thermique. Elle prend la forme suivante :

Figure 3.7 – Distorsions spectrales du SZ. A gauche : distorsion spectrale au niveau

de l’intensit´e, pour un amas de y = 10−4 (τ = 10−2, k

BTe= 5 keV), de vitesse vr =

1000km s−1. A droite : les mˆemes distorsions, mais au niveau de la temp´erature du

CMB. On voit que mˆeme pour cet amas dont la vitesse est exag´er´ee, l’effet kSZ provoque une modification de la temp´erature de l’ordre de 0.1 mK, avec un spectre identique `

a celui du CMB. L’effet tSZ est plus accessible, avec une d´ependance spectrale bien particuli`ere, et une intensit´e de l’ordre du mK. Figures tir´ees de la th`ese de Jean Baptiste

Melin [Melin 2004].

Cet effet est donc une sonde de la vitesse des amas, ce qui permet de tester les sc´enarios de formation des structures. ´Etant sensible `a tous les ´electrons ionis´es, ind´ependamment de leur temp´erature, il sert de leptom`etre. On voit figure 3.7que le kSZ pour un amas tr`es massif produit un changement de la temp´erature de quelques mK. Le spectre ´etant celui d’un corps noir, cette effet est tr`es difficile `a diff´erencier du CMB. On reviendra plus en d´etail sur cet effet, et une m´ethode adapt´ee pour le d´etecter en utilisant les relev´es `a grande ´echelle dans le chapitre 8.