• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4 : Dopage des nanoparticules

4.4. Discussion autour des défauts d’implantation

4.4.2. Effet exclusif des défauts d’irradiation sur la formation des nanoparticules de Si

silicium. C’est ce que nous avons fait en implantant des ions Argon, et les résultats correspondants sont montrés dans la partie 4.4.2.

4.4.2. Effet exclusif des défauts d’irradiation sur la formation des nanoparticules de Si

Pour séparer entre les effets chimiques (cas des dopants dans le silicium) et les défauts juste dus à l’implantation, nous avons implanté des atomes d’un gaz neutre, l’Argon, dans les mêmes couches d’oxynitrure de silicium (EO) que celles ayant servi au dopage. Nous avons choisi d’implanter un atome suffisamment lourd afin de générer un maximum de défauts par ion implanté. D’un autre côté, l’argon est suffisamment léger pour permettre l’obtention le parcours projeté Rp souhaité de 100 nm en utilisant notre implanteur. Chimiquement, l’atome Argon est inerte, il ne va donc pas réagir avec les autres atomes présents (Si, O, N) dans la couche et ne va pas créer des liaisons avec les espèces chimiques environnantes. Lors du recuit, l’argon va pouvoir en théorie se mouvoir dans la couche, peut être exodiffuser. Mais quelle dose d’ions Ar implanter pour parfaire l’étude??

A l’aide du logiciel TRIM® nous avons effectué quelques simulations simples. Pour obtenir un parcours projeté des ions argon de 100 nm dans la couche ONRS de 200 nm d’épaisseur, une énergie de 110 keV s’est avérée nécessaire. Le nombre de défauts par ion d’argon dans ce cas est égal à 1420. En utilisant une simple règle de trois, on peut calculer la dose d’ions argon nécessaire pour induire le même nombre de défauts (nombre d’atomes déplacés) que celui induit par la dose la plus élevée (5x1016 at./cm2) d’un des dopants utilisé ci-dessus. Toutes les équivalences sont données dans le Tableau 4.8. Ce tableau montre par exemple que pour créer dans la matrice EO le même taux de lacunes qu’une dose de 5x 1016 at./cm2 de Bore, il faudra implanter 1x 1016 at./cm2 d’Argon.

Type de dopant

Dose implantée (at./cm²)

Dose équivalente en argon (at./cm²) Défauts créés (cm-3) B 5 x 1016 1016 1,4 x 1019 P 5 x 1016 4 x 1016 5,7 x 1019 Ga 5 x 1016 8,5 x 1016 1,2 x 1020 As 5 x 1016 9,5 x 1016 1,3 x 1020 In 5 x 1016 1017 1,4 x 1020

Tableau 4.8 : Dose équivalente d’ions Ar nécessaire pour générer le même nombre de défaut qu’un

échantillon dopé par différents ions dopants à une dose fixe de 5x 1016 at./cm² .

Expérimentalement, nous avons utilisé des films SiOxNy de type EO. Nous les avons ensuite implanté à une énergie de 110 keV aux différentes doses d’argon du Tableau 4.8. Finalement un recuit à 1100°C pendant 1h a été réalisé de manière à obtenir la formation des nanoparticules de silicium. Nous avons ensuite analysé les films structurellement et optiquement.

Etude de la croissance des nanoparticules de Si dans les couches irradiées

Sur la Figure 4.63, nous présentons des images EFTEM filtrées sur le plasmon du silicium à -17 eV pour des films EO implantés par des ions Ar à 1016, 4 x 1016 et 1017 Ar/cm2 puis après recuit. Pour les trois doses, les nanoparticules de Si sont bien présentes dans la couche EO (taches blanches). Cependant leur taille ne semble pas changer sérieusement même pour la plus forte dose. Rappelons que le nombre de défauts créés à cette dose de 1017 Ar/cm2 est comparable à celui engendré après implantation de 5x1016 d’ions arsenic ou indium (Tableau 4.8) alors que pour ces derniers la taille a beaucoup augmenté. Si le nombre de défauts engendrés lors de l’implantation joue un rôle sur la nucléation, nous devrions avoir constaté une augmentation de la taille des particules. Nous devrions

également trouver un profil de taille correspondant qui correspond au profil des dopants. Ce n’est pas ce qu’on observe ici. Nous pouvons donc avancer que les défauts créés lors de l’implantation ne sont pas la cause de l’augmentation de la taille des nanoparticules.

L’image EFTEM de la Figure 4.63c, qui correspond à l’échantillon EO implanté Ar à 1017 at./cm2 est bien différente de celles des doses plus faibles. Elle montre clairement des zones assez sombres. Ceci correspond à des zones contenant moins de matière. Lorsque l’on analyse la Figure 4.63d qui est l’image TEM correspondant à cet échantillon, on constate l’apparition de bulles. Ces bulles ont des diamètres allant de 20 nm à près de 100 nm de diamètre. La porosité induite par ces bulles a entrainé un gonflement de la couche passant de 170 nm à près de 260 nm.

Figure 4.63 : Images EFTEM pour une dose d’Ar de (a) 1016at./cm², (b) 4 x 1016at./cm² et (c) 1017at./cm²; (d) Image haute résolution TEM pour une dose d’argon de 1017at./cm².

En fait, la formation de bulles lors d’implantation d’argon ou d’un autre gaz inerte dans du silicium cristallin est bien connue70. En effet, une bulle va être obtenue grâce à la création d’une cavité par accumulation de lacunes qui sera alors remplie de gaz. Ces bulles sont souvent produites pour servir de pièges à des atomes métalliques à l’interface comme de l’or ou du platine71.

Contrairement aux travaux de la littérature, nous n’implantons pas dans notre cas dans un cristal mais dans une matrice amorphe. La définition de lacune n’est pas aisée dans ce contexte. Malgré ces

zones de défauts et ces nombreuses interfaces, les nanoparticules ne voient pas leur taille se modifier.

Il nous a paru intéressant de vérifier la présence ou non d’Argon dans la couche. Ainsi on pourra savoir si la couche comporte des bulles vides ou pleines d’Argon. Lors de l’analyse par microscopie électronique sur l’échantillon EOAr117, l’analyse par dispersion X n’a pas révélé de présence d’argon. Nous avons tout de même réalisé une analyse par RBS sur cet échantillon et le profil est montré sur la Figure 4.64. On constate qu’il reste encore une certaine quantité d’argon dans la couche malgré le recuit à 1100°C pendant 1h. Malgré tout, la dose a fortement diminué, passant de 1017at./cm² (dose implanté) à 2x1016 at./cm². Seul un cinquième des ions implantés est donc toujours présent après le recuit. On peut également noter qu’après recuit le profil est loin d’être gaussien. On observe une queue d’implantation assez importante. Ainsi même si cela n’était pas détectable par microscopie électronique, il reste toujours une part non négligeable d’argon dans la couche.

Figure 4.64 : Profil de concentration en Argon en fonction de la profondeur dans l’échantillon dopé

avec une dose de 1017at./cm² après recuit.

Les résultats obtenus avec l’implantation d’argon sont comparés avec ceux obtenus par l’implantation des dopants sur la Figure 4.65. Pour les échantillons implantés avec de l’Argon, la taille est quasi identique à la valeur de référence (non implanté) et ce quelque soit la dose implantée d’Ar. L’autre enseignement de la figure est que la taille des nps-Si après Ar est systématiquement plus faible que celles obtenues avec les autres éléments, à densité de défauts crée équivalente. L’augmentation du diamètre des particules n’est pas due aux défauts obtenus lors de l’implantation. Les défauts obtenus tels que des interfaces avec les bulles (cas 1,4 x 1020 cm-3) n’engendrent pas non plus d’augmentation notable de la taille. Enfin l’hypothèse de l’augmentation du coefficient de diffusion du silicium induit par la création de beaucoup de défauts d’implantation ne semble pas être satisfaisante.

Nous avançons l’hypothèse que pour expliquer l’accroissement de la taille, il faut considérer l’augmentation de la diffusion des espèces qui diffèrent d’un élément introduit à l’autre. L’argon est un gaz inerte et ne forme pas de liaison avec le silicium ou tout autre atome de la matrice. Ainsi lorsque ce dernier diffuse, il ne va pas engendrer de modification dans la diffusion du silicium. Les autres atomes de dopant au contraire doivent pour bouger, modifier leur environnement. La diffusion dans les cristaux est bien connue, notamment la diffusion lacunaire ou interstitielle. Des systèmes plus complexes peuvent alors en découler. Le lecteur pourra se référer à des ouvrages spécialisés pour plus d’information72. En particulier, la diffusion dans les amorphes est un concept assez mal maitrisé. Des auteurs ont cependant tenté de décrire les mécanismes de diffusion73.

Figure 4.65 : Diamètre des nps de Si autour du pic d’implantation en fonction du nombre de défauts

créés.

Il est bien clair que l’atome dopant même va jouer un rôle pour la diffusion du silicium dans la matrice. Il est possible que si l’atome dopant diffuse très rapidement dans la matrice, celui-ci va favoriser la diffusion du silicium. Les coefficients de diffusion des espèces considérées dans ce travail dans une matrice SiO2 (proche de la matrice EO) sont donnés dans le Tableau 4.9 pour la température 1100°C. Pour une meilleure comparaison, le rapport entre le coefficient de diffusion de l’espèce et celui du Si à 1100°C dans SiO2 est reporté. On constate que tous les dopants diffusent plus vite dans l’oxyde de silicium que dans le silicium lui-même, le plus lent étant le Bore et le plus rapide le Gallium. La diffusion accélérée des dopants dans la matrice pourrait augmenter le coefficient de diffusion résultant du silicium et donc faciliter la formation des particules plus grosses. Ces coefficients de diffusion élevés pourraient en partie expliquer l’augmentation de la taille des nanoparticules de silicium.

Dopant Coefficient de diffusion à 1100°C de l’espèce dans SiO2 (cm²/s)

Rapport entre le coefficient de diffusion de l’espèce et celui du Si

à 1100°C dans SiO2 Référence Si 5 x 10-18 1 74 B 1,2 x 10-17 2,4 34 P 10-16 à 10-15 20 à 200 75 Ga > 10-11 > 2 x 106 62 As 2,4 x 10-15 480 76 In 1,3 x 10-14 2600 77

Tableau 4.9 : Coefficient de diffusion des dopants dans l'oxyde de silicium.

Etude de la cristallinité des couches irradiées

Bien que les caractéristiques morphologiques des nanoparticules de silicium restent inchangées après implantation d’argon, nous avons mesuré les caractéristiques cristallines des différents échantillons. Les spectres Raman des films EO implantés Ar et recuits sont donnés sur la Figure 4.66a. La fraction cristalline extraite est donnée en Figure 4.66b. La fraction cristalline augmente avec la dose implantée. Cette augmentation de la cristallinité est importante (plus de 10% absolu), mais elle n’est clairement pas due à une croissance des nanoparticules car nous avons vu en microscopie électronique que la taille reste inchangée. Nous avons déterminé qu’il restait une dose non négligeable d’argon dans la couche. Ces atomes peuvent induire des fortes contraintes et donc des

états énergétiques. Ces états peuvent alors induire des niveaux d’énergie permettant de réduire l’énergie de Gibbs et faciliter la cristallisation des particules48.

Figure 4.66 : (a) Spectres Raman pour différentes doses d’Argon ; (b) fraction cristalline et fraction de

phase intermédiaire en fonction de la dose d’Argon. Les lignes continues correspondent aux valeurs pour l’échantillon non implanté.

Pour affiner notre compréhension, nous avons tracé la fraction cristalline (Xc) en fonction de la densité des défauts créés par les différents ions implantés, y compris l’argon. La Figure 4.67 indique une augmentation de Xc lorsque le nombre de défauts créés par l’argon augmente. On peut remarquer que la cristallisation obtenue avec le gallium ou l'arsenic est proche de celle obtenue pour un échantillon ayant subi une implantation d'argon. En revanche pour les autres dopants, l'écart est de plus de 10%. Les cinétiques de cristallisation ont déjà été étudiées dans le silicium amorphe. Ainsi le bore permet une cinétique de cristallisation plus rapide que le phosphore ou l’arsenic48,49. Cependant toujours selon ces auteurs, la différence entre l’arsenic et le phosphore est faible ce qui n’est pas observé ici. La différence peut provenir en partie de la taille des nanoparticules, plus grande pour le dopage au phosphore (16,8 nm) que pour l’arsenic (13,3 nm). Concernant l’augmentation importante de la cristallisation avec l’implantation d’indium, les cinétiques obtenues dans la littérature sont normalement plus lentes que le phosphore ou l’arsenic78. Rappelons toutefois que l’indium ne fait pas partie de la nanoparticule dans notre cas et qu’il « pompe » une partie de l’oxygène augmentant ainsi l’excès de silicium et donc Xc. A travers cette Figure 4.67, nous montrons l’effet bénéfique des défauts engendrés par l’implantation sur la cristallisation. Il y a une évidence d’un autre phénomène induisant une augmentation de Xc dépendant directement de l’ion implanté.

Résumé :

Cette partie nous a permis d’étudier l’influence de défauts induits lors de l’implantation sur deux propriétés des nanoparticules de Si: leur taille et leur cristallinité.

Dans la première partie, nous avons comparé les diamètres des nanoparticules de silicium mesurés en EFTEM obtenus après différents types de dopages. Il est possible avec le logiciel TRIM® de simuler les défauts issus de l’implantation. Une augmentation de la cristallinité semble se produire lorsque le nombre de défauts d’implantation augmente.

Afin de décorréler l’influence de l’ion dopant de l’influence des défauts d’implantation, nous avons généré des défauts par implantation d’un gaz rare, l’Argon. Les doses ont été choisies de manière à obtenir un nombre de défauts proche de celui réalisé pour les plus fortes doses des différents dopants utilisés dans les études précédentes. Bien que l’intention fût de se débarrasser totalement de l’Argon lors du recuit, une part d’argon est restée piégé dans la couche (environ 1/5 pour l’échantillon EOAr117). Cet argon va alors se retrouver sous forme de bulles de 20 à 100 nm. L’échantillon avec la dose d’Ar la plus élevée présente alors de fortes bulles et son épaisseur a augmenté de près de 50%.

L’étude de la taille des nps de Si par EFTEM n’a montré aucune modification de taille, même pour une dose de 1017Ar/cm2. Ainsi l’augmentation de taille observée dans les différents cas de dopage ne peut être expliquée par les défauts d’implantation. L’interaction entre le dopant et le silicium reste une hypothèse plausible pour l’augmentation de la taille des nanoparticules de Si.

Cette étude n’a pas montré d’augmentation de taille des nanoparticules de Si dans le cas d’une implantation d’Ar. Cependant une augmentation significative de la cristallinité des nps Si a été mesurée. Nous avons avancé l’hypothèse d’une cristallisation améliorée par les défauts d’implantation qui pourrait expliquer au moins en partie l’augmentation de la cristallinité des nps Si dans le cas du dopage par implantation.