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Chapitre 4 : Dopage des nanoparticules

4.5. Dopage des nanoparticules après leur formation

L’étude précédente a été consacrée à essayer de former et doper simultanément des nanoparticules de silicium dans une matrice SiON. Pour cela, l’incorporation des éléments dopants a d’abord été effectuée dans la matrice ONRS par l’implantation ionique puis suivi du recuit thermique à haute température permettant de réaliser la séparation de phase entre le Si en excès et la matrice. Pendant cette deuxième étape, l’élément dopant a pu diffuser chimiquement dans la matrice et participer ou pas à la formation des nanoparticules. Nous avons montré que la taille finale des nanoparticules et leur localisation par rapport aux nanoparticules étaient différentes d’un élément dopant à l’autre. Les paramètres qui rentrent en jeu sont le coefficient de diffusion de l’espèce dans le silicium et dans la matrice, sa solubilité en fonction de l’environnement, et son coefficient de ségrégation.

Une autre alternative au dopage des particules pendant leur formation est de les former d’abord et de les doper ensuite. Ce procédé est celui couramment employé pour le dopage du silicium massif pour l’électronique ou photovoltaïque sauf qu’ici la matrice est un film diélectrique ONRS contenant des nanoparticules de silicium de taille contrôlée. Avec cette démarche, on sépare entre la phase de formation des nanoparticules Si de celle de la diffusion du dopant et son activation chimique et électrique. Alors qu'un recuit à 1100°C est nécessaire pour obtenir la formation de nanocristaux de

silicium de bonne qualité, le procédé de dopage est généralement effectué à des températures bien plus réduites, typiquement entre 800 et 1000°C.

Pour l’étude de dopage des nanoparticules Si préalablement formées, la procédure expérimentale utilisée est décrite dans la Figure 4.68. Le processus de fabrication est décomposé en quatre étapes. Tout d’abord un dépôt de 200 nm d’échantillon type EON est réalisé par PECVD. Cette couche d’oxynitrure de silicium riche en silicium est ensuite recuite à 1100°C pendant 1h. Ce traitement permet la formation des nanoparticules de silicium. On notera ces échantillons Si-SiON dans la suite. Une image EFTEM typique de ces échantillons Si-SiON est donnée en Figure 4.69a. L’analyse Raman de ces couches a révélé une fraction cristalline de 55%, indiquant qu’une majorité des nanoparticules sont en fait cristalline. Cette image montre la présence de nanoparticules d’une taille de 6,8 nm environ. Par la suite, ces couches Si-SiON ont été implantées par des ions Arsenic ou des ions Bore à une dose unique de 1016 at./cm². Ces films Si-SiON dopés ont été analysés par des méthodes structurales et optiques.

Figure 4.68 : Processus de fabrication des couches d'oxynitrure de silicium dopées.

Dopage des films Si-SiON à l’arsenic

La Figure 4.69b montre l’image EFTEM du film Si-SiON implanté à l’arsenic mais non recuit encore. La préparation de cet échantillon a fait l’objet d’une attention particulière. On peut constater l’absence de nanoparticules silicium au milieu de la couche, c’est à dire dans la zone qui correspond au maximum d’atomes d’arsenic implanté. Par contre on peut bien apercevoir la présence de nanoparticules Si proches de l’interface et proches de la surface. Comme cet échantillon n’a pas subi de recuit thermique, il n’est pas dans sa structure stable. Il fallait éviter au maximum l’utilisation de l’amincisseur ionique qui risquait de permettre la re-formation des nanoparticules sous faisceau et la modification de la matrice79. Ainsi cet échantillon n’a été préparé que par polissage mécanique.

Figure 4.69 : Image EFTEM de l’échantillon : (a) après recuit de formation, (b) juste après

implantation d’arsenic et (c) après recuit 1100°C 1h.

L’image EFTEM de la Figure 4.69b suggère qu’une grande partie des atomes de silicium formant les nanoparticules a été re-dissoute dans la matrice suite à l’implantation ionique conduisant en grande majorité à une nouvelle couche d’oxynitrure de silicium riche en silicium, instable et contenant des atomes d’arsenic. Ce phénomène est dû aux défauts découlant de l’implantation. Lors

de l’implantation, les ions implantés vont entrer en collision avec les atomes déjà présents dans la matrice et vont en déplacer certains. Kachurin et al.29 ont démontré que déplacer environ 20% des atomes d'un nanocristal suffit à l'amorphiser et que dans le cas du phosphore cette amorphisation se passe pour des doses faibles de l’ordre de 1014 at./cm² à 180 keV. En utilisant TRIM®, il nous a été possible de déterminer le seuil d’amorphisation et de comparer ces résultats à nos conditions expérimentales. Nous trouvons que nous pouvons amorphiser nos particules avec une dose de seulement 5x1013 at./cm² pour l'arsenic. Cette dose est bien inférieure à celle que nous avons incorporé dans nos couches lors de nos expériences ci-dessus en vue de la formation d’un méta-matériau de type N. Compte tenu de notre mode opératoire, on a donc forcément amorphisé les nanoparticules Si présentes dans la couche Si-SiON.

L’autre effet majeur qu’on peut rencontrer lors de l’utilisation de l’implantation ionique comme outil d’incorporation d’éléments dans une matrice est une mixtion totale des éléments composant cette dernière. Murakami et al.25 ont déterminé qu'un mélange total de la couche d’oxyde de silicium apparaissait pour des doses de l'ordre de 5 x 1015 at./cm² de phosphore implanté à 100 keV. Rapporté au cas de l’arsenic, cela correspond à une dose d'à peine 1,8 x 1015 at./cm² , presque 3 fois moins. Comme nous avons implanté notre couche Si-SiON avec une dose de 1 x 1016 As/cm², il n’est pas étonnant d’observer une totale mixtion après implantation. En observant les diffractions de la Figure 4.70, on constate bien l'absence totale de nanocristaux pour l'échantillon juste après implantation. Les quelques particules qui semblent rester sont amorphes.

Figure 4.70 : diffraction juste après implantation (a) et après recuit 1100°C 1h (b).

Les couches Si-SiON implantées ont ensuite subi différents recuits thermiques pour permettre la diffusion et l’activation des dopants. Des températures de 800 à 1100°C pendant 1h ont été utilisées. L’image EFTEM de la Figure 4.69c présente la structure de la couche pour l’échantillon recuit à la température la plus élevée, à savoir 1100°C. La Figure 4.69c montre bien la présence de nanoparticules Si sur toute la couche. L’image de diffraction de la Figure 4.70b confirme la cristallinité des nanoparticules après recuit à 1100°C.

Pour confirmer la cristallinité des nanoparticules Si après implantation et recuit, des mesures en spectroscopie Raman ont été réalisées sur les différents échantillons fabriqués. La Figure 4.71a compare les spectres Raman obtenus pour les films Si-SiON avant et après recuit (noté F), juste après implantation d’Arsenic (F+As), et après implantation et recuit thermique à la température X (noté

F+As+RTX°C). Les spectres après implantation ne montrent pas de bande du c-Si à 520 cm-1 pour l’échantillon juste implanté alors que cette bande était bien présente avant l’implantation. Après recuit d’activation, cette bande caractéristique réapparait plus nettement aux températures élevées (>1000°C). Cela montre que le recuit a permis de retrouver la cristallinité des nanocristaux Si après avoir été amorphisés par l’implantation, à l’instar de ce qu’on peut obtenir dans le cas du dopage du silicium massif mais à des températures plus faibles.

La Figure 4.71b donne les fractions cristallines déduites des spectres Raman après dopage par Arsenic. Après le recuit de formation des nanoparticules, on mesure une fraction cristalline de l'ordre de 55 % pour les couches Si-SiON qui sert de référence (ligne continue sur la figure). Après implantation, une perte totale du signal du silicium cristallin est observée comme conséquence de l’amorphisation des nanoparticules de Si et de la dissolution de beaucoup d’entre elles dans la matrice. Après implantation de l'arsenic, le silicium présent en excès s'est totalement mélangé à la matrice. On peut remarquer qu’Il faut un recuit thermique d’au moins 900°C pour voir apparaitre 2% de fraction cristalline. Cette température est certainement le seuil pour reformer les nanoparticules avant de pouvoir les cristalliser. Dans ce cas, seules les plus grosses particules vont cristalliser. Ceci est cohérent avec les données du chapitre 1, ou nous avions vu qu'il fallait une température d'au moins 900°C pour commencer à obtenir des nanoparticules80,81.

Figure 4.71 : (a) Spectre Raman avant recuit, après recuit de formation (F), après implantation de As

(F+ As) et après un recuit d’activation pour le As à la température T (F+As+RT°C) ; (b) Fraction cristalline extraite des spectres Raman pour les échantillons dopés au As. A titre de comparaison,

l’échantillon n’ayant pas subi de recuit de formation préalable est reporté (As+F).

La Figure 4.71b montre clairement que la fraction cristalline augmente fortement avec la température de recuit pour atteindre des valeurs légèrement supérieures à la référence lorsque le recuit est effectué à 1100°C. On peut également remarquer que pour l'arsenic la différence entre un échantillon qui a été recuit avant implantation (F+As+R) ou non (As+F) n'est pas très importante. Cela peut provenir du fait que le bénéfice du recuit de formation a été totalement masqué par les défauts issus de l'implantation et par la mixtion totale de la couche d’ONRS.

Dopage des films Si-SiON au bore

Comme dans le cas de l’arsenic, les couches Si-SiON implantées au bore ont subi différents recuits thermiques pour permettre la diffusion et l’activation des dopants. Des températures de 800 à 1100°C pendant 1h ont également été utilisées. L’étude de la cristallinité a été réalisée par spectroscopie Raman (cf. Figure 4.72). Après dopage, une perte importante du signal du silicium

cristallin est observée due aux défauts d'implantation. On remarque tout de même une petite contribution restante mais la fraction cristalline est seulement de 4 % environ (Figure 4.72b). Ces nanoparticules cristallines doivent se trouver en surface et à l'interface avec le quartz, là où le nombre de défauts causés par l'implantation est le plus faible.

Après recuit thermique des couches Si-SiON implantées bore, la cristallisation des nanoparticules augmente dès 800°C et à 900°C, on mesure déjà 24% de fraction cristalline alors que Xc valait seulement 2% dans le cas de l’arsenic. Afin de former des nanocristaux, il est nécessaire de former tout d’abord des nanoparticules. C’est seulement ensuite que la cristallisation opère.

En utilisant les résultats de Kachurin et al.29 et le logiciel TRIM®, on a pu déterminer la dose pour le seuil d’amorphosation qui correspond à une dose de 5x1014 at./cm² pour le cas du bore. La dose implantée étant de 1016 at./cm2, nous devrions avoir amorphisé tous les nanocristaux. La dose est cependant inférieure à 1,6 1016 at./cm² correspondant à la dose induisant une mélange total de la couche selon Murakami et al.25 et nos calculs. Ainsi, il reste encore dans la matrice des nanoparticules formées lors du premier recuit de formation. Le recuit post-implantation sert essentiellement à re-cristalliser les nanoparticules. En réalité, la température de cristallisation du silicium amorphe peut être aussi basse que 450-500°C48 mais avec des temps longs. Dans le chapitre 1, nous avions vu qu'il fallait une température d'au moins 900°C pour commencer à obtenir des nanoparticules80,81. Ainsi la cristallisation peut recommencer à une température bien plus faible que la séparation de phase. Ceci est cohérent avec nos observations.

Dans le cas du recuit post-implantation à 1100°C, on peut remarquer que la cristallinité est bien plus importante pour l'échantillon Si-SiON dopé à l'arsenic que pour celui dopé au bore. La Figure 4.72b indique aussi une meilleure cristallisation (Xc plus élevé) pour le dopage au bore s'il a été réalisé après le recuit de formation (F+B+R) comparé à un échantillon implanté puis recuit (B+F). On observe une augmentation de 10% environ. Ceci peut être expliqué par le fait qu’il y a déjà des nanoparticules formées avant le recuit d’activation.

Figure 4.72 : (a) Spectre Raman avant recuit, après recuit de formation (F), après implantation de B

(F+B) et après un recuit d’activation pour le B à la température T (F+B+RT) ; (b) Fraction cristalline extraite des spectres Raman pour les échantillons dopés au B. A titre de comparaison, l’échantillon

n’ayant pas subi de recuit de formation préalable est reporté (B+F).

Résumé :

L'étude du recuit d'activation du dopant découplée de la formation des nanoparticules a été réalisée dans cette partie. Le découplage cependant n'est pas total puisque l'implantation ionique

engendre des défauts qui peuvent totalement remixer la couche. Ceci apparait d'autant plus vrai pour des ions lourds qui créeront un grand nombre de défauts. Par exemple, une dose de 1016 at./cm² d'arsenic est suffisante pour remixer quasiment intégralement la couche alors qu’avec la même dose en bore il reste quelques nanocristaux présents dans la couche.

D’un point de vue pratique, on déduit de cette étude que le dopage à posteriori de la formation des nanoparticules n'est intéressant que pour des faibles doses et pour des ions légers. Dans ce cas une cristallinité importante peut apparaitre dès 900°C. Pour les ions plus lourds comme le cas de l’arsenic, s'il y a eu un mélange total de la couche, un recuit thermique de l'ordre de celui utilisé à la formation des nanoparticules est nécessaire (1100°C). Pour la formation réelle de jonction pour l’application solaire, il faut regarder cas par cas s’il faut ou non découpler les recuits de formation des nanoparticules et leur dopage effectif.