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Effet de la dose cumulée sur la pellicule d’altération en régime de vitesse résiduelle

2.2.1 Évolution de la pellicule d’altération en fonction de la dose

Les profils Tof-SIMS relatifs des différents éléments sont semblables à ceux qui ont été décrits dans la partie 2.1.2.1. Un exemple est donné sur la Figure 103 sur un verre ISG irradié à 3,34.1020 keV.cm-3 et altéré 82 jours. L’évolution des concentrations des différents éléments présente les mêmes caractéristiques que dans la zone non irradiée. On remarque de la même façon un pic pour les protons à l’interface et un décalage entre les profils du B et du Na. Le profil du Ca peut sembler différent, mais l’observation des profils des autres échantillons nous permet d’attribuer cet écart plutôt à la différence de profondeur altérée. Un enrichissement en Ca à l’interface est possible mais n’a pas été observé dans la littérature [Chave 2007, Arena 2016, Gin et al. 2016a]. Il s’agirait donc plutôt d’un effet de matrice a priori.

Figure 103 - Profil Tof-SIMS des différents éléments i selon la profondeur (exemple de la zone irradiée de l’échantillon ISG - fluence IX – altéré 82 jours). Le profil est donné après normalisation par rapport au profil du Zr puis normalisation par la valeur maximum

Afin de déterminer l’impact de la dose balistique sur l’altération du verre à fort progrès de réaction, les zones irradiées et non irradiées des monolithes ont été analysées par Tof-SIMS. Sur la Figure 104 sont comparés les profils en B des échantillons de verre ISG, irradiés à différentes fluences (numérotées de I à X) et altérés 13 jours.

Figure 104 – Profils de concentration en B dans les échantillons de verre ISG, irradiés à différentes fluences (+ zones non irradiées en noir) altérés 13 jours

Les pellicules d’altération développées dans les zones non irradiées des différents échantillons se superposent bien. L’écart d’environ 10 nm visible sur l’un des profils peut être considéré comme l’erreur expérimentale liée à l’inhomogénéité des échantillons. Le profil pour la première fluence ne semble pas significativement modifié par rapport aux références non irradiées. En revanche pour les fluences II à V les profils semblent se décaler vers les plus grandes profondeurs, ce qui signifie que l’épaisseur altérée est de plus en plus grande. Les profils des fluences supérieures semblent toutes se situer dans la même gamme d’épaisseur (240 ± 20 nm) et ne plus dépendre de la dose. On peut signaler que la même tendance a été observée pour le verre Z4C4-Eu altéré 3 jours et 8 jours. L’ensemble des résultats des analyses Tof-SIMS sur les différents monolithes a été traité de la même façon et les épaisseurs altérées issues des profils du bore sont données en Annexe 5.7.1.

À partir de l’épaisseur altérée calculée selon l’Équation 15, on peut tracer l’épaisseur de la pellicule d’altération en fonction de l’endommagement balistique subi par le verre, i.e. en fonction de la fluence. Les zones non irradiées correspondantes sont indiquées également comme référence sur la Figure 105.

Figure 105 – Épaisseurs des pellicules d’altération développées dans les zones irradiées ou non irradiées des échantillons de verre ISG et Z4C4-Eu altérés respectivement 13 et 8 jours

Dans un premier temps, on peut confirmer que les références que constituent les zones non irradiées analysées sur différents monolithes sont cohérentes entre elles. La technique utilisée semble donc bien adaptée aux mesures réalisées ici.

On peut ensuite observer que lorsque l’endommagement balistique subi par le verre (avant sa mise en altération) augmente, l’épaisseur altérée augmente également, à progrès de réaction équivalent, jusqu’à l’atteinte d’un plateau après un endommagement balistique d’environ 2 à 4.1020 keV.cm-3 : les épaisseurs altérées sont équivalentes pour les fluences supérieures. Pour ces échéances, on peut estimer le facteur d’augmentation entre la pellicule d’altération développée sur une zone non irradiée et sur une zone irradiée à une fluence au-delà de la saturation entre 6 et 7 selon la composition (ISG et Z4C4-Eu respectivement).

La dispersion obtenue sur les points positionnés sur le plateau peut donner une indication sur l’erreur expérimentale associée à ces analyses. En effet, l’erreur liée à l’analyse en elle- même est très faible, de l’ordre de la dizaine de nm, mais la pellicule d’altération n’est pas nécessairement homogène sur l’ensemble de l’échantillon et la représentativité de l’analyse d’un seul cratère est difficile à évaluer. On peut ainsi considérer par la suite une erreur sur la valeur de l’épaisseur altérée de l’ordre de 10 à 15 % sur ces analyses.

2.2.2 Évolution de la cinétique d’altération pour les fortes fluences

Les différents monolithes ont été retirés du réacteur de lixiviation à des intervalles de temps réguliers, afin de pouvoir comparer, pour une même fluence, l’évolution de l’épaisseur altérée avec le temps en régime de vitesse résiduelle. Les résultats sont présentés sur la Figure 106.

Figure 106 – Évolution de l’épaisseur de la pellicule d’altération développée dans les zones irradiées et non irradiées des échantillons de verre ISG et Z4C4-Eu irradiés respectivement à

2,79.1021 keV/cm3 et 2,25.1020 keV/cm3

On peut constater que l’irradiation induit une augmentation significative de la vitesse d’altération jusqu’à environ 40 jours pour le verre ISG et 20 jours pour le verre Z4C4-Eu, puis les vitesses d’altération semblent devenir comparables, ce qui induit une épaisseur altérée 4 et 5 fois plus importante sur les zones irradiées en fin d’expérience pour les verres ISG et Z4C4-Eu respectivement.

Il est difficile ici de calculer une vitesse d’altération en fin d’expérience à cause de la dispersion des valeurs et du manque de statistique sur un même échantillon. L’allure de la courbe dont la pente continue de se stabiliser au cours du temps, permet cependant de penser que le verre s’altère selon un régime diffusif. On peut ainsi tracer l’épaisseur altérée en fonction de la racine carrée du temps d’altération pour le verre ISG et ajuster ces points avec une droite par régression linaire. Nous avons vu qu’au-delà de la dose de saturation d’environ 2.1020 keV/cm3, une augmentation de la dose d’irradiation n’avait pas d’impact supplémentaire sur l’augmentation de l’altérabilité du verre. Afin d’améliorer le résultat de l’ajustement en augmentant le nombre de points, nous avons ici considéré ensemble les valeurs pour deux doses d’irradiations sur le verre ISG, situées sur le plateau : 2.1020 keV/cm3 et 2,79.1021 keV/cm3. Le résultat du tracé et l’ajustement linéaire sont présentés sur la Figure 107 pour les zones irradiées et pour les zones non irradiées.

Figure 107 – Épaisseurs altérées en fonction de la racine carrée du temps pour le verre ISG dans les zones non irradiées (bleu) et dans les zones irradiées à 2.1020 keV/cm3 (vert foncé) et 2,79.1021 keV/cm3 (vert clair). Les deux séries (ZI et ZNI8) sont ajustées par régression linéaire et la pente et le coefficient de corrélation sont indiqués sur le graphique. Le point marqué en

rouge a été ignoré pour l’ajustement car il ne semble pas pertinent

À partir des valeurs de pente des régressions linéaires, on peut calculer un coefficient de diffusion apparent du bore pour les deux types de zones, irradiées et non irradiées en appliquant l’Équation 16, solution de la seconde loi de Fick en considérant un plan semi infini. Le résultat est proposé dans le Tableau 22.

𝐸𝑎𝑙𝑡é𝑟é𝑒 = 2 × √𝐷𝑎𝑝𝑝× 𝑡

𝜋 Équation 16

Avec :

𝐸𝑎𝑙𝑡é𝑟é𝑒 : Épaisseur altérée en chaque point (m)

𝐷 𝑎𝑝𝑝 : Coefficient de diffusion apparent en chaque point (m².s-1) 𝑡 : Durée d’altération (s)

Dapp

Zones irradiées (2.1020 keV/cm3 et 2,79.1021 keV/cm3) 5,3 ± 0,2 10-20 m².s-1

Zones non irradiées 2,9 ± 0,05 10-21 m².s-1

Tableau 22 – Coefficients de diffusion apparents calculés dans les zones irradiées et non irradiées du verre ISG

La valeur du coefficient de diffusion calculé sur les zones non irradiées est du même ordre de grandeur, bien qu’un peu supérieure, à celle déterminée sur une poudre après 1 an

8

d’altération à 80 cm-1 qui est de 1,4 10-21 m².s-1 [Gin et al. 2012]. Le coefficient de diffusion est en revanche augmenté (d’un facteur 20 environ) par l’irradiation dans nos conditions. Cette valeur est en accord avec l’augmentation de l’épaisseur altérée d’un facteur 4 à 5 environ pour les forts progrès de réaction, puisque l’épaisseur altérée est fonction de la racine carrée du coefficient de diffusion apparent. Nous pouvons également considérer cette augmentation du coefficient de diffusion comme un retard à l’atteinte d’une même vitesse d’altération. En effet, la vitesse d’altération est la dérivée de l’épaisseur altérée en fonction du temps et d’après l’Équation 16, on peut écrire :

𝑣 = 𝑑𝐸𝑎𝑙𝑡é𝑟é𝑒

𝑑𝑡 = √

𝐷𝑎𝑝𝑝

𝜋 × 𝑡 Équation 17

D’après l’Équation 17, le temps d’atteinte 𝑡 d’une vitesse 𝑣 d’altération donnée est multiplié par 20 si le coefficient de diffusion est augmenté d’un facteur 20.

La démarche expliquée précédemment, c’est-à-dire la caractérisation par Tof-SIMS de plusieurs échéances de temps, n’a pas pu être mise en œuvre pour chacune des fluences d’irradiations. Afin de déterminer l’évolution du coefficient de diffusion apparent en fonction de la dose balistique reçue par le verre, nous avons calculé une valeur de coefficient de diffusion en considérant l’épaisseur altérée d’un seul point, l’échéance à 13 jours, et de l’origine supposée à zéro. Une valeur approximative du coefficient de diffusion a ainsi pu être calculée pour chacune des fluences d’irradiation.

L’évolution du coefficient de diffusion apparent avec la dose balistique subie par les verres ISG et Z4C4-Eu est ainsi tracée sur la Figure 108 (les zones non irradiées servant de références). Le coefficient de diffusion apparent pour les références non irradiées est de 1,1 ± 0,4.10-21 m².s-1 et 1,0 ± 0,4.10-20 m².s-1 pour les verres ISG et Z4C4-Eu respectivement. Pour les zones irradiées, il augmente rapidement entre 2.1019 et 2.1020 keV.cm-3 puis un plateau est atteint au-delà de cette dose.

Figure 108 – Évolution du coefficient de diffusion apparent avec l’endommagement balistique pour les zones irradiées (bleu foncé et orange) et pour les références non irradiées