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Bilan sur l’effet de l’irradiation électronique à haut TEL sur l’altération

Nous avons vu qu’il était difficile de conclure de façon certaine sur l’évolution du réseau silicaté de la pellicule d’altération sous irradiation car les références non irradiées présentent des signaux également différents, ce qui témoigne de l’hétérogénéité des échantillons dans cette configuration. Une tendance à la dépolymérisation du réseau silicaté a été observée en Raman ex-situ et semble cohérente avec les résultats précédents sur les irradiations aux électrons. Cette tendance n’a pas été détectée in-situ : ceci peut être dû à la forte contribution du verre sous la pellicule d’altération, qui est modifié de façon transitoire de manière opposée, c’est-à-dire plutôt dans le sens d’une repolymérisation. De plus, l’environnement de l’europium ne semble pas évoluer de façon significative sous faisceau de particules α. Des analyses RPE et RMN n’ont pas pu être mises en œuvre car ces techniques d’analyse de volume nécessitent l’utilisation de matériaux homogènes. Cette expérience a néanmoins permis de démontrer la faisabilité expérimentale de l’irradiation d’un verre altéré, gardé au contact de son lixiviat, avec analyses Raman résolue en temps in-situ, ce qui, à notre connaissance, n’a jamais été mis en œuvre précédemment. Il serait intéressant de réaliser le même type d’expérience sous faisceau d’électrons sur l’accélérateur Sirius.

Ces expériences d’irradiation avec des particules α ont été mises en œuvre afin de comprendre l’influence du Transfert d’Énergie Linéique (TEL) des particules sur leur effet sur l’altération. D’après les résultats présentés ici, le TEL ne semble pas avoir d’effet significatif. Toutefois, pour conclure de façon plus précise sur un éventuel effet de TEL, il faudrait améliorer les conditions expérimentales comme suit. Afin d’accéder à une caractérisation plus fine et plus reproductible, un verre altéré sur une plus faible épaisseur et à un S/V plus important peut être envisagé. La caractérisation in-situ, dans ces conditions, ne serait pas possible au vu de la profondeur sondée, mais une caractérisation ex-situ sur des appareils adaptés à des échantillons activés pourrait permettre de conclure. L’utilisation d’un verre ne contenant pas d’élément luminescent tel que l’europium pourrait également faciliter l’exploitation des spectres Raman : le mode pulsé pour limiter le signal de luminescence ne serait plus nécessaire et la ligne de base du signal Raman serait très basse et similaire d’un échantillon à un autre. Nous avons vu également qu’une différence de rugosité était pressentie entre le verre non irradié et le verre irradié aux particules α, différence qui perdurerait à l’interface pellicule d’altération- verre ce qui peut induire un écart entre les profils à l’interface verre non altéré/pellicule d’altération : cette hypothèse peut être vérifiée par analyse AFM de la surface du verre non altéré, irradié ou non. De même, une étude plus approfondie de l’homogénéité de la pellicule d’altération serait intéressante pour valider la représentativité des analyses par rapport à l’échantillon.

4 CONCLUSION DU CHAPITRE

Dans ce chapitre, nous avons étudié l’effet d’un dépôt d’énergie électronique externe sur l’altération de verres simples dopés à l’europium ou au lanthane.

D’une part, nous avons montré que sous irradiation, des défauts ponctuels paramagnétiques sont créés au sein du réseau vitreux. Toutefois, ces défauts sur le verre initial n’impliquent pas de différence notable sur son comportement à l’altération jusqu’à une dose de 500 MGy : la cinétique d’altération est similaire et la structure des pellicules d’altération formées est semblable. Il est intéressant de noter également qu’une grande partie des défauts ponctuels créés sous irradiation dans le verre initial disparaît lors de l’altération. Les processus de lixiviation semblent donc induire la disparition d’un certain nombre de défauts créés dans le verre initial, sans doute parce que la formation de la pellicule d’altération implique des ruptures et des reformations de liaisons et conduit ainsi à effacer les défauts électroniques créés dans le verre initial.

D’autre part, nous avons vu qu’une pellicule d’altération formée par la lixiviation d’un verre initialement sain était peu sensible à l’irradiation. Aucune modification majeure de la structure n’a pu être observée jusqu’à une dose de 1 GGy, à part une légère dépolymérisation du réseau silicaté dans le cas d’une irradiation à bas TEL (électrons). Pour les irradiations à haut TEL (α), une même tendance a été observée mais ce résultat n’a pas pu être confirmé de façon aussi certaine. La pellicule d’altération semble même moins sensible à l’irradiation que le verre initial, en termes de création de défauts. En effet, des défauts paramagnétiques sont créés dans le réseau du verre altéré sous irradiation, mais en quantité bien moins importante que dans un verre non altéré soumis à une irradiation aux électrons (jusqu’à 1 GGy). On peut donc dire que le verre est moins stable que la pellicule d’altération sous irradiation, et malgré cela, il s’altère de la même façon qu’il soit irradié ou non. On peut donc penser que le faible effet de dépolymérisation de la pellicule d’altération ne devrait pas avoir de conséquences significatives sur ses propriétés passivantes.

D’un point de vue expérimental, d’autres études pourraient permettre de compléter ce travail. Afin de confirmer les résultats obtenus sous irradiation sur l’accélérateur SIRIUS en gardant le verre altéré au contact de son lixiviat, et ainsi tenir compte de la modification de la chimie de la solution sous irradiation, on peut envisager d’utiliser un verre sous forme de monolithe, dans la même géométrie que celle développée pour les irradiations sur cyclotron (et présentée dans la partie 2.1.3.2 du Chapitre 2). Toutefois, cette géométrie implique de développer une pellicule d’altération sur un substrat de verre non altéré, et donc élimine la possibilité d’utiliser des techniques de caractérisations de volume telles que la RMN. L’analyse RPE serait en revanche envisageable si le signal du substrat lui-même était connu. Pour conserver le verre altéré sous forme de poudre homogène, on peut également envisager d’instrumenter des tubes d’irradiation en modifiant leur géométrie et en ajoutant des soupapes pour éviter toute surpression due à la formation de gaz de radiolyse. Afin d’améliorer les résultats obtenus pour les irradiations aux particules α, nous avons vu qu’il était possible d’altérer avec un plus fort ratio S/V et de développer une pellicule d’altération moins épaisse et plus adhérente, afin de la caractériser ensuite de façon plus fine, avec des outils adaptés.

D’un point de vue scientifique, des expériences complémentaires peuvent être envisagées afin de mieux comprendre l’effet de dépolymérisation du réseau silicaté sous irradiation

électronique. On peut par exemple élaborer un verre d’une composition chimique proche de celle du gel d’altération, pour vérifier si la différence de composition permet d’expliquer la différence de comportement sous irradiation. Pour confirmer le rôle protecteur de l’eau porale qui est soupçonné lors d’irradiations électroniques, des irradiations à très basse température pourraient être envisagées par exemple : cela figerait les interactions possibles avec l’eau et devrait donc augmenter l’impact de l’irradiation sur la création de défauts.

EFFET D’UN DÉPÔT D’ÉNERGIE BALISTIQUE SUR L’ALTÉRATION D’UN VERRE SIMPLE

L’objectif de ce chapitre est d’étudier l’effet d’un dépôt d’énergie principalement balistique dans un verre de composition simplifiée sur le développement de la pellicule d’altération en régime de vitesse résiduelle. Ce dépôt d’énergie a été réalisé en utilisant une irradiation externe avec des ions or multi-énergies, puis le verre a été mis en altération de façon à atteindre rapidement le régime de vitesse résiduelle. La pellicule d’altération ainsi formée a été caractérisée ex-situ par différentes techniques.

1 INTRODUCTION

Dans le cas d’un stockage en formation géologique profonde, l’arrivée de l’eau au contact du colis est prévue après plusieurs milliers d’années. Le verre étant émetteur α/β/γ, il aura alors cumulé une dose importante (Cf. Figure 11). Nous avons vu qu’un dépôt d’énergie purement électronique sur le verre initial avait peu d’effet sur son altération. Qu’en est-il alors d’un dépôt d’énergie balistique ?

Deux aspects sont à prendre en compte. D’une part, la dose cumulée avant l’arrivée de l’eau au contact du colis, d’autre part la dose cumulée pendant l’altération du verre (endommagement et altération simultanés). L’étude présentée dans ce chapitre a pour objectif d’apporter des éléments de réponse à la première question, c’est-à-dire d’étudier l’effet d’une pré-irradiation balistique du verre sur son comportement à l’altération, mise en œuvre ensuite hors irradiation.

La démarche expérimentale entreprise pour ces expériences a été décrite dans la partie 2.1.3.3 du Chapitre 2. Pour rappel, l’étude s’est concentrée sur deux verres de composition simplifiée, un verre Z4C4-Eu et un verre ISG. Des monolithes ont été irradiés avec des ions Au de différentes énergies pour créer un endommagement constant sur une profondeur d’environ 1 μm, sur la moitié de la surface du monolithe (Figure 98). Dix doses balistiques croissantes ont été utilisées, d’une valeur comprise entre 1,15.1019 et 3,34.1021 keV.cm-3.

Figure 98 – Principe de mise en œuvre des irradiations aux ions Au

Ces monolithes, situés dans un même réacteur pour une composition donnée, ont ensuite été recouverts de poudre de verre (granulométrie 40-63 µm) et altérés dans de l’eau initialement pure, à 90 °C, à fort S/V (200 cm-1) et ils ont été prélevés à des échéances régulières. La pellicule d’altération a été par la suite caractérisée sur les différents monolithes, dans la partie irradiée et dans la partie non irradiée. L’ensemble des caractérisations réalisées sera présenté dans un premier temps, puis ces résultats seront discutés en fin de chapitre.

2 RÉSULTATS